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Femmes libres, suite. Isabelle Eberhardt, Russe et soufie

Isabelle Eberhardt était née en 1877 et mourut en 1904, à 27 ans. Née d’une mère russe, noble, d’ascendance allemande et de son amant Trofimovsky, anarchiste disciple de Bakounine, son enfance se passe en Suisse, à Genève, dans un entourage interlope et cosmopolite. A l’université, elle fréquente les émigrés russes. Très tôt elle écrit avec une passion pour la culture arabo-musulmane. Elle correspond avec Abou Naddara, un cheikh parisien, coqueluche des salons.

En 1897, elle convainc sa mère de s’établir en Algérie à Bône. Elle va parcourir les Aurès, se rendre à Batna, travestie. Elle avait débuté en marin puis elle s’habille en « mauresque », revêt la djellaba. En 1899, elle rencontre Slimène Ehni, sous-officier de spahi, de vieille nationalité française. Le grand amour de sa vie brève. Il est affilié à une confrérie soufie, celle des Quadrïa. Il y fait entrer Isabelle qui est initiée. A la spiritualité orthodoxe, la « convertie » associe un mysticisme qui propose un cheminement conduisant à la « communion parfaite en Dieu, avec Dieu. »

Ce qui ne plaît pas à tout le monde. Un énergumène, aux motivations troubles, tente de l’assassiner et la blesse. L’administration coloniale le juge mais décide aussi de se débarrasser de cette Russe encombrante. Elle est expulsée. Isabelle revient en France, épouse Slimène et acquiert la nationalité française. Ce qui lui permet de retourner en Algérie. Cette fois, elle se veut « grand reporter » et part dans le Sud aux confins du Maroc où le général Lyautey pacifie le secteur. Le futur conquérant du Maroc est fasciné par Isabelle, une amitié se noue. Il confiera :

« … elle était ce qui m’attire le plus au monde : une réfractaire. Trouver quelqu’un qui est vraiment soi, qui est hors de tout préjugé, de toute inféodation, de tout cliché et qui passe à travers la vie, aussi libérée de tout que l’oiseau dans l’espace, quel régal ! »

Tout s’arrête pour Isabelle, le 21 octobre 1904, à Ain Sefra. L’oued en crue déborde et effondre sa maison. Il faudra huit jours pour retrouver son cadavre et lui donner une sépulture que Lyautey paiera.

Les écrits d’Isabelle Eberhardt sont presque tous posthumes, retrouvés in extremis et partiellement. Des notes de route, une correspondance, des articles de presse et des nouvelles. On lui a consacré une vingtaine de biographies plus ou moins savantes. Cette dernière, de Tiffany Tavernier (un nom prédestiné !) est très agréable à lire. L’auteur a su rendre le parcours d’Isabelle sensible et nous aide à comprendre sa « conversion » à cet Islam éthéré.

Cette Russe du désert, française d’occasion, amoureuse des cultures du Maghreb est tout simplement fascinante puisque femme et libre.

Jean HEURTIN

Photo :DR
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