Deux officiers français, Morhange (Jean Angelo) et Saint-Avit (Georges Melchior), se perdent dans le Sahara. Ils parviennent dans un fabuleux palais, où vit Antinéa (Stacia Napierkowska), impératrice de l’Atlantide qui règne sur un peuple de Touaregs vénérant les divinités d’autrefois. Envoûtant tout homme sur qui elle décide de porter son regard, Antinéa projette d’en faire ses amants, puis de les tuer et de conserver leurs cadavres, soigneusement embaumés dans une salle spéciale, comme des trophées. Tandis que Saint-Avit est dominé par Antinéa, Morhange reste charmeur. Ensorcelé par Antinéa, Saint-Avit tue Morhange, son fidèle ami mais rival en amour, puis s’enfuit du palais. Mais il n’a qu’un désir, retourner s’asservir auprès d’Antinéa…
L’Atlantide est un film muet français, réalisé en noir et blanc par Jacques Feyder, et sorti en 1921. Il s’agit de la première adaptation cinématographique du roman de Pierre Benoît. Le livre paraît en février 1919 et, dès l’automne, Feyder effectue les premiers repérages en Algérie. Le film a en effet entièrement été tourné sur place, en Algérie, pendant huit mois, de février à octobre 1920. L’Atlantide, au budget faramineux, est un grand succès, malgré une longueur exceptionnelle (3 h 15 min). Pour quelles raisons ? Après les souffrances de la première guerre mondiale, chacun rêve d’amour et d’aventures. Le thème du continent englouti dirigé par la reine Antinéa enflamme ainsi les imaginations. Mais ce film peut être considéré comme une critique de la libération des femmes. Pendant la guerre, les femmes ont remplacé les hommes mobilisés. Certaines veulent décider seules de leurs désirs et connaître une émancipation sexuelle. Dans L’Atlantide, les officiers renient leurs valeurs pour Antinéa. Mais au lieu de l’amour, ils vont découvrir la déchéance. La libération des femmes est ainsi montrée comme un leurre…
Pierre Benoit (1886-1962), auteur du roman L’Atlantide, est un écrivain français nationaliste, monarchiste et catholique dont les romans d’aventures ont connu un succès considérable dans la première moitié du XXe siècle. Fils d’un officier de carrière, il découvre et admire Charles Maurras et Maurice Barrès en assistant à leurs conférences. Pendant la Première Guerre mondiale, il tombe malade après la bataille de Charleroi et devient pacifiste. Il devient romancier avec Kœnigsmark (1918), puis L’Atlantide, pour lequel il reçoit le Grand prix du roman de l’Académie française en 1919. De 1920 à sa mort, il publiera une quarantaine de romans. Mes ses conquêtes féminines et l’érotisme sous-jacent dans ses romans déplait, à l’époque, à certains milieux catholiques. Il s’engage en 1936 contre le Front populaire, mais malgré la sympathie qu’il éprouve envers le maréchal Pétain, il ne soutient pas le régime de Vichy puisqu’il critique les compromissions avec le IIIème Reich. En 1941, il refuse même de prendre la direction de l’Académie française. Pourtant, il est arrêté en septembre 1944 pour collaboration. Après six mois de prison, il est seulement interdit de publication pendant deux ans. Sur le plan littéraire, il reste connu pour avoir créé un nouveau type d’héroïne, la femme fatale, qui hypnotise les personnages masculins et les pousse à leur perte, comme Antinéa dans L’Atlantide.
Le roman L’Atlantide a fait l’objet de nombreuses adaptations cinématographiques : L’Atlantide de Jacques Feyder (1921), L’Atlantide de Georg Wilhelm Pabst (1932), L’Atlantide d’Edgar George Ulmer (1961), Hercule à la conquête de l’Atlantide de Vittorio Cottafavi (1962), L’Atlantide de Jean Kerchbron (1972) et, enfin, L’Atlantide de Bob Swaim (1992). Mais la version muette de Feyder reste inégalée.
Les éditions Bach films sortent un coffret comprenant les deux meilleurs films, ceux de Jacques Feyder et de Georg Wilhelm Pabst. Inclus le livret de 23 pages Antinea, le mythe de la reine immortelle au cinéma, par Hervé Dumont.
L’Atlantide, BACH films, 20,02 euros.
Kristol Séhec
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2015, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine
