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La communauté de communes Sèvre Maine Goulaine sort d’un emprunt toxique… en payant le double à DEXIA

06/10/2015 – 07H30 Nantes (Breizh-info.com) – Faire faire des emprunts toxiques, c’est pour les banques une très bonne opération. D’une, elles empochent l’argent quand les taux d’intérêt s’envolent, de deux, l’Etat éponge ses pertes  , et de trois elles empochent des indemnités lorsque les collectivités piégées dans leurs emprunts essaient d’en sortir. Résultat : les hommes politiques se félicitent – les uns d’avoir laissé leur marque dans l’Histoire grâce à l’argent facile, les autres d’avoir sauvé leur commune du risque financier – les actionnaires empochent et le contribuable paye. Plusieurs fois.

Un certain nombre de communes bretonnes se sont laissées avoir au grand jeu de l’argent à des taux très bas, garantis essentiellement par des taux exotiques comme l’évolution de la parité de l’euro avec le franc suisse. Et lorsque le cours du franc suisse s’est emballé, elles se sont retrouvées asphyxiées, comme Quiberon ou encore Thouaré-sur-Loire  qui était alors gérée par Bernard Chesneau. Celui-ci a depuis été débarqué par ses électeurs.

La plupart des communes concernées ont depuis renégocié leur emprunt, soit en le remboursant avant son terme, soit le remplaçant par un emprunt moins risqué, c’est à dire 1A ou 1B sur l’échelle de Gissler créée pour évaluer le risque des emprunts après la crise des emprunts toxiques. Les négociations souvent ardues portent sur deux points : la somme qui doit être remboursée par la collectivité et surtout l’indemnité compensatrice dérogatoire, c’est à dire la somme que l’emprunteur paye à la banque pour lui compenser les gains qu’elle n’aura pas puisqu’il sort du contrat initial (avec des taux d’intérêt qui atteignent souvent des niveaux records).

Et puis il y a la communauté de communes Sèvre-Maine-Goulaine, qui rassemble quatre communes dans le Vignoble Nantais : Haute-Goulaine, Saint-Fiacre sur Maine, Château-Thébaud et la Haye-Fouassière. En 2005, elle avait souscrit auprès de Dexia un emprunt de 3.5 millions d’euros dont le taux d’intérêt – variable – était indexé sur la parité entre l’euro et le franc suisse. Elle vient à peine de s’en débarrasser. Dans le jargon, on dit « désensibiliser ». Mais dans quelles conditions !

Dans le compte-rendu du conseil communautaire du 17 septembre, on peut lire : « par délibération du 10 juin dernier, le Conseil communautaire décidait de désensibiliser l’emprunt structuré et de conclure un nouveau contrat de prêt à taux fixe conclu le 16 juin 2015 ». Ledit contrat se compose d’un capital restant du de 2 923 714,78€ et d’une indemnité compensatrice dérogatoire de 7 550 000 €. Oui, un peu de plus de 7.5 millions d’euros ! Plus de deux fois le montant de l’emprunt !

Nous avons interrogé un responsable financier de la collectivité, qui a commencé par se dédouaner : « je suis arrivé il y a un mois, c’était un dossier bouclé avant moi ». Questionné sur le montant tout de même très important de l’indemnité consentie à la banque, il ne trouve rien à redire : « c’est normal, elle est éligible à un fonds de soutien de l’Etat ». C’est vrai : ce fonds, qui peut payer jusqu’à 70% de ladite indemnité, devrait être versé à la commune en quatorze fois. C’est pourquoi « il est proposé de lier l’étalement de l’indemnité compensatrice dérogatoire au rythme du versement du fonds de soutien, soit en 14 fois (jusqu’en 2029 ». Ce que les conseillers communautaires ont adopté. Sans grande prudence, puisque le responsable convient que « nous n’avons pas encore reçu la réponse du fonds de soutien. Mais on sait qu’on est éligible ».

L’emprunt à taux fixe ayant été voté, comme le paiement de l’indemnité compensatrice, la collectivité est pieds et poings liés si le fonds de soutien abonde moins que prévu. D’autant plus que ses moyens sont limités : « notre budget principal annuel est de l’ordre de 5 millions d’euros, et on atteint 10 millions d’euros avec les budgets annexes », remarque le responsable financier. L’emprunt toxique – dont les intérêts atteignaient jusqu’à 21% – n’aura donc pas appris la prudence en matière de finances aux élus. Qui, du reste, n’ont pas vraiment tenté de faire baisser la facture. « A ma connaissance, nous n’avons pas négocié, le contrat passé en 2005 avec Dexia a été appliqué à la lettre », avoue le responsable financier. Puisque l’Etat, donc le contribuable paie, pourquoi se gêner ?

Ce manque de volonté des élus de limiter la facture pour leurs contribuables est peut-être l’une des raisons qui a conduit au dérapage des montants alloués pour sortir les collectivités des emprunts toxiques. Le fonds de soutien a du en effet être doublé, avec 3 milliards d’euros alloués sur quinze ans. Cependant, des communes arrivent à se tirer du guêpier en limitant la facture. Par exemple Orthez (11.000 habitants), dans le Béarn, qui paie 891.000 € d’indemnité compensatrice dérogatoire pour 2.5 millions d’€ de capital restant du. Et encore là-bas, l’opposition réagit et trouve cette pénalité « inacceptable » et énorme. Ou encore Saint-Saulve, ville de 11.000 habitants en banlieue de Valenciennes connue pour ses nombreuses zones industrielles. La commune a bien négocié en évacuant à son avantage un crédit souscrit en 2001 auprès de Dexia et indexé sur le franc suisse. Pour 718.468€ de capital dû – qui sera remboursé en sept ans à un taux annuel fixe de 1.1% – elle ne paiera que 144.970€ d’indemnité compensatrice. Comme quoi, la négociation n’est pas impossible lorsqu’on s’en donne la peine.

 Illustration : DR
[cc] Breizh-info.com, 2015, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.

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