10/12/2015 – 22H30 Nantes (Breizh-info.com) – Pour le second tour des régionales en Pays de Loire, tout reste possible. Les résultats du premier tour ont montré que le bloc de gauche est majoritaire. Bien que la droite ait viré en tête, elle ne dispose guère de réserves de voix. Le FN en a encore moins. Par ailleurs, la Loire-Atlantique reste à gauche – comme les autres départements de la Bretagne historique – avec des scores électoraux Verts là aussi supérieurs à la moyenne régionale. Très vite, la question de l’aéroport, centrale pour la laborieuse alliance du PS et des Verts, a marqué les derniers jours de la campagne dans le département.
Il faut dire que Vinci y a en partie contribué, en assignant les propriétaires, fermiers et locataires historiques de la ZAD à quitter immédiatement les lieux. A défaut, ils seraient astreints à 200 € d’amende par jour et par infraction, la saisie de leurs biens et cheptels, et à la non-application de la trêve hivernale, tout ça en urgence. Jeudi, alors que plusieurs centaines de sympathisants de la ZAD étaient rassemblés devant le tribunal, Vinci a retiré sa procédure. Comment expliquer une telle décision en dehors de pression politique pour des raisons électorales? Le timing – derniers jours de la COP 21 et entre-deux-tours des régionales – était pour le moins malvenu.
Bruno Retailleau a clairement annoncé la couleur sur ses tracts du second tour. Le candidat LR est pour l’évacuation immédiate de la ZAD qu’il n’a cessé d’appeler de ses vœux pendant la campagne. La fusion PS-Verts pose plus de questions, y compris chez les électeurs de gauche qui se sentent un peu perdus. De son côté le FN persiste et signe : le projet d’aéroport, ruineux et ne correspondant pas à l’intérêt général, doit être abandonné.
Pascal Gannat : le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes est le symbole du capitalisme de connivence
En déplacement à Nantes jeudi matin, Pascal Gannat, tête de liste FN pour les Pays de Loire, maintient son opposition à l’aéroport. Interrogé sur l’assignation des agriculteurs par AGO-Vinci, qui devait être jugée une heure plus tard, il répond : « c’est de la violence légale. Une terreur par la loi. C’est incroyable, cette assignation par AGO, alors qu’il y a 41 camps de Roms illégaux en Loire-Atlantique que le pouvoir ne veut pas expulser, contrairement à la ZAD. Il y a une injustice fondamentale au détriment des français ».
Il en profite pour tacler son adversaire de la droite parlementaire : « Retailleau est le symbole de cette fausse droite qui n’hésite pas à terroriser les gens. » Pourquoi la fausse droite ? « Car elle se dit libérale, mais en réalité elle représente des intérêts, des entreprises, qui s’appuient sur l’Etat pour faire des affaires et constituer des monopoles légaux. Elles utilisent l’Etat comme gardien de leurs intérêts. Cela s’appelle du capitalisme de connivence ».
Pour le candidat frontiste, les électeurs n’ont pas l’aéroport au centre de leurs préoccupations, mais « le chômage, l’absence de formations, le manque d’équipements, l’éloignement des centres de pouvoir ». Les communes dont les électeurs ont plébiscité le FN sont aux marges de la Loire-Atlantique – comme la Boissière du Doré au sud de la Loire ou Juigné des Moutiers (plus de 43% pour le FN au premier tour) aux confins du Maine et de la Bretagne. Et la Sarthe. « C’est la périphérie de l’Ile de France, de la Normandie, du Centre et de la Bretagne. Loin de tout. En déclin. C’est le triangle des Bermudes », estime le candidat, lui-même sarthois.
Il appelle logiquement à « éviter le vote futile, le vote pour Bruno Retailleau et la droite, qui vont faire une politique de centre-gauche, à moins qu’ils ne trouvent plus à gauche qu’eux, c’est à dire Clergeau ». Cela dit, Pascal Gannat trouve la fusion PS-Verts autour de l’aéroport « pas plus obscure que l’accord Modem-Les Républicains » avant le premier tour. En échange de l’abandon de ses convictions pro-réunification et anti-aéroport, le Modem a eu des sièges bien placés, surtout pour son chef de file Patricia Gallerneau qui n’a jamais réussi à se faire élire chez elle à Pornichet.
Fusion PS-Verts : les électeurs de gauche et opposants à l’aéroport perplexes
Jeudi, en marge du rassemblement devant le tribunal pour soutenir les assignés par AGO-Vinci, peu de manifestants voulaient parler de la fusion PS-Verts. Ceux qui le faisaient avouaient leur perplexité suite à l’accord entre les deux composantes de la gauche. Hormis la reprise du plan de création d’emplois détaillé par Sophie Bringuy dans nos colonnes il se résume à la question de l’aéroport. Les Verts y restent opposés et le PS favorable. Le principe d’une étude indépendante pour l’optimisation de Nantes-Atlantique est accepté. Elle sera le préalable aux travaux à NDDL – même si l’Etat reste maître in fine du calendrier. Ce qui conduit à décaler le début des travaux à l’automne 2016, puisque l’étude doit avoir lieu entre janvier et septembre prochains.
« Cet accord me laisse sans voix », avoue Christian, un manifestant de Notre-Dame des Landes. Christine « se sent trahie », et pense qu’elle « va voter blanc, ou peut-être Clergeau, mais juste parce que ça signifie un nouveau report pour l’aéroport, alors que Retailleau veut démarrer les travaux le plus vite possible. Le problème c’est que voter PS, c’est accepter l’état d’urgence et leur politique d’austérité ». Elle a « franchement l’impression que cette fusion PS-Verts a été faite pour sauver leurs miches ». Et leurs sièges. Gilles au contraire trouve que « la fusion est une grande avancée. Enfin le principe d’une étude indépendante de l’optimisation de Nantes-Atlantique est accepté. Il faut savoir avancer par petits pas », note celui qui « déplore tant d’incohérences : d’un côté on fait la COP 21 et de l’autre côté on laisse AGO assigner les propriétaires et fermiers historiques de la ZAD au même moment ».
Anne se livre plus longuement. « Il y en a assez. C’est encore une fois un nouveau report, alors qu’il faut régler la question définitivement, dans le sens de l’abandon du projet. On ne peut plus vivre dans l’incertitude qui se prolonge depuis des années ». Elle trouve que « les politiciens [la] dégoûtent. Une fois de plus, c’est un accord pour sauver leurs sièges, une fois de plus, c’est une union contre, et non un accord pour un projet et pour des idées. Il y en a vraiment marre de ces régionales, vivement que cela s’achève et qu’on passe à autre chose. J’ignore encore pour qui je vais voter dimanche ».
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