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De Guéant à Wauquiez : la droite anti-identitaire et la question corse

Précision : les points de vue exposés n’engagent que l’auteur de ce texte et nullement notre rédaction. Média alternatif, Breizh-info.com est avant tout attaché à la liberté d’expression. Ce qui implique tout naturellement que des opinions diverses, voire opposées, puissent y trouver leur place.

C’est LE sujet politique de cette semaine. Le déplacement d’Emmanuel Macron en Corse est dans tous les esprits au matin du 6 février…Ainsi que sur tous les plateaux de télévisions; là où politologues, « journalistes », essayistes et bien entendu personnel politique donnent allègrement leur point de vue. Mais, alors que les termes de « renouveau » et de « dégagisme » ne se sont jamais aussi bien portés, force est de constater que les discours ne varient pas. Jacobins un jour…

Claude Guéant, le préfet ami du préfet

Le tour de chant commence sur le plateau de la chaîne CNews, où un Jean-Pierre Elkabbach affûté reçoit en invité politique un homme désormais plus connu sous l’angle judiciaire. Il est vrai que Claude Guéant est, à l’heure actuelle, davantage cité dans d’obscures affaires de bagages libyens que pour son engagement militant.

Le voilà pourtant qui vient s’exprimer sur le cas corse avec un statut privilégié : celui de l’ami intime de l’ancien préfet Érignac, assassiné jour pour jour 20 ans plus tôt à Ajaccio. Ne manquant pas de rappeler qu’il avait lui aussi été préfet de Bretagne en 2000, Claude Guéant en profite pour mettre le tacle réglementaire au nationalisme corse. Merci Macron ! Quoi de mieux qu’un déplacement officiel le jour anniversaire de la mort d’un préfet pour discréditer les leaders nationalistes ?

Politique « à la Pasqua »

Mais, puisque chez les LR comme chez les autres, « on » a compris que la vieille politique n’est plus, Guéant s’aventure sur un terrain. Celui du « pays réel » si cher à Laurent Wauquiez. Et le voilà qui vante donc la langue corse et sa défense puis les « spécificités de l’île », terme pudique n’engageant à rien.

Après une évocation nostalgique de l’arrestation d’Yvan Colonna, l’ancien bras maladroit de Nicolas Sarkozy en convient : l’époque est révolue. Terminée la politique « à la papa » qui rimait en Corse avec la politique « à la Pasqua ». Il faut avancer, Claude Guéant le sait.

Seulement voilà, le chemin prometteur tourne court dès l’évocation de la co-officialité du corse. Les réflexes de Guéant sont plus forts que ses bonnes intentions : « République », « Constitution », « nation française », les mots resurgissent naturellement aussi bien qu’une table de multiplication apprise par cœur sur les bancs de l’école républicaine par le futur homme d’État. Du temps où l’idée française pouvait encore opposer une résistance idéologique aux réalités d’un nationalisme organique et ethnique. Une résistance à la nature en somme !

Laurent Wauquiez et le « pays réel »

Tandis que les chances (d’aucuns diraient « les risques ») de revoir Claude Guéant sur le devant de la scène politique sont quasi nulles, il en va tout autrement de Laurent Wauquiez. Le nouveau président des LR incarne l’opposition désormais. Ou plutôt veut incarner.

Son angle d’attaque ? La « France des territoires » en opposition au « parisianisme macronien ». Cherchant à se faire entendre dans un tempo politique dicté par le maestro de LREM, Laurent Wauquiez joue avec les moyens du bord. Tentant même un coup d’éclat en s’arrogeant la défense d’un « pays réel », concept du XIXème siècle popularisé par Charles Maurras.

Cependant, le Laurent Wauquiez clamant sa volonté de ne plus faire de « vieille politique » a vite atteint ses limites. Invité lui aussi d’une émission matinale au matin du 6 février, sur France 2 cette fois, le nouveau chef des LR se montre intransigeant. Sur les points de négociation souhaités par Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, Laurent Wauquiez vitupère : « Il y a une ligne rouge et elle est simple : la Corse elle est et elle restera française ». 

Puis, abordant le sujet du statut de résident réclamé et de la langue : « Ça signifie qu’il n’y a pas de citoyenneté corse, ça signifie que la langue corse n’est pas au même niveau que la langue française ».

Tout au plus, l’homme à la parka rouge évoque des « dérogations » sur le droit à l’urbanisme. Les jeunes Corses en lutte pour se loger face à la spéculation de groupes immobiliers colossaux se débrouilleront avec ça. La « France des territoires » et le « pays réel » attendront !

Quelle différence ?

Les naïfs qui ont eu la faiblesse de penser qu’un nouveau souffle serait advenu à droite avec l’arrivée du « style Wauquiez » en sont pour leurs frais. Alors que l’Europe entière comprend progressivement ce qu’est le poison du jacobinisme égalitariste, la classe politique française, louant les valeurs du coq, fait désormais l’autruche.

Quand Christophe Barbier, Jean-Pierre Chevènement, Apolline de Malherbe et tout ce que le paysage politico-médiatique compte de républicains de centre gauche fustigent l’idée corse, qui peut encore s’en étonner ?

Quand l’ancienne ministre socialiste Laurence Rossignol prend les Corses en otage devant l’immigration extra-européenne, parlant d’une « République qui a déjà du mal à intégrer », qui peut, là aussi, sincèrement feindre la surprise ?

Cependant, la « droite française », si tant est qu’elle ait jamais existé, avait enfin une occasion de faire entendre une voix dissidente dans la sempiternelle cacophonie de l’universalisme sauce « une et indivisible ».

L’histoire se répète donc. Le bon vieil arc républicain se retend à chaque fois qu’il se sent menacé. De La France Insoumise au Front national. Avec toujours ses mêmes flèches rouillées tirées à l’aveugle. Et le « renouveau » porté par Laurent Wauquiez vise toujours aussi mal que ses prédécesseurs.

En 1934 comme en 2018, les 6 février ont décidément le goût de la défaite chez les réactionnaires français.

Youenn Kereon

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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