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Hongrie : « Orbán est le porte-drapeau d’une fronde civilisationniste en Europe »

Alors que le triomphe de Viktor Orbán est incontestable en Hongrie – avec une participation record – la presse occidentale, manifestement aux ordres d’intérêts économiques déçus par l’élection, continue son travail de sape et de désinformation eu égard de la Hongrie.

« L’inquiétude monte à Budapest après le triomphe d’Orban » ose même Anissa El Jabri pour RFI, média du service public en France il faut le rappeler. Tandis que la 5, autre chaine du service public, se fendait d’un reportage scandaleux sur la Hongrie, en osant débuter le reportage par une vue sur des miradors comme pour mieux faire référence à un passé pourtant incomparable.

On passera sur les attaques récurrentes du Mondedénoncées par l’ambassadeur de Hongrie – et sur le reportage manquant clairement d’objectivité de Bernard de la Villardière à propos de ce pays, signe que la propagande fait son effet, à l’Ouest. Ou sur les mensonges visant à présenter le Premier ministre hongrois comme euro-sceptique, alors qu’il s’oppose simplement à l’oligarchie de Bruxelles – qui n’est pas l’Europe il faut le rappeler.

Pour avoir un son de cloche alternatif – très peu de médias en propose en langue française à l’heure actuelle  – nous avons interrogé le journaliste Ferenc Almássy du Visegrad Post. Ce site, qui traite de l’actualité en Europe centrale en plusieurs langues, est de plus en plus lu grâce à la qualité des articles proposés.

Retour sur les élections hongroises.

Orbán

Breizh-info.com : Quelles ont été les réactions après l’annonce de la victoire d’Orban ? 

Ferenc Almássy : Dans son camp, la joie bien entendu, mais surtout le soulagement. En face, gros coup dur. Les espoirs de l’opposition étaient très importants, et tout le monde était jusqu’à tard dans la soirée de dimanche plus qu’incertain sur l’issue du vote. Que Viktor Orbán arrive en tête ne faisait aucun doute, mais la très forte participation a permis aux médias d’opposition d’instiller l’idée que les forces anti-Orbán avait réussi à mobiliser de manière considérable leurs ouailles pour briser la majorité du Fidesz et forcer le gouvernement à une coalition, ou amener de nouvelles élections dans six mois si aucun gouvernement ne pouvait se former. Au final, Viktor Orbán et la coalition historique Fidesz-KDNP (Chrétiens démocrates) ont remporté non seulement la majorité du parlement, pouvant ainsi gouverner seuls, mais ils ont même atteint tout juste le seuil de 133 députés sur 199, soit la majorité des deux-tiers, permettant de modifier de nouveau la Constitution s’ils le souhaitent.

L’enjeu était très grand pour les deux camps. Pour les pro-Orbán, il s’agissait de continuer la politique à succès économique du pays, sa lutte contre l’immigration et continuer le travail de “contre-révolution culturelle” et de transformation du pays en “démocratie illibérale”, autrement, dit, préserver le pays de la corruption morale libérale-libertaire et préserver l’identité hongroise. En face l’opposition, qui est aux abois et n’a pas de prises sur Viktor Orbán, a déclenché une campagne d’une rare violence (morale, politique, symbolique) chauffant à blanc les anti-Orbán et créant ainsi un climat délétère dans le pays. Aujourd’hui, mollement, ils appellent à faire en sorte que le gouvernement ne puisse pas finir son nouveau mandat, mais le coeur n’y est pas quelques heures après les résultats. Les anti-Orbán, face à un tel plébiscite, vont certainement aller vers plus de désobéissance civile, opérations de provocations et autres méthodes testées et éprouvées d’ingénierie sociale, afin de déstabiliser le gouvernement et saboter son travail.

Brezh-info.com : Comment avez vous trouvé la couverture médiatique de ces élections en Europe de l’Ouest, vous qui êtes sur place ? 

Ferenc Almássy : Comme d’habitude, la majorité écrasante des médias français et occidentaux est au diapason, reprenant sans approfondissement les nouvelles et les analyses, voire comme l’a dit le porte-parole du gouvernement hongrois, le “wishful thinking” de quelques collègues ou correspondants idéologiquement très biaisés par rapport à Viktor Orbán. Cela a amené à un déversement de bile et de haine, avec toutes sortes d’attaques lassantes et grotesques. Malgré la gueule de bois, ils continuent sur le matraquage et les attaques qui ont visiblement conduit leurs partenaires politiques à l’échec.

Aucune vision civilisationnelle, aucune grandeur, aucun projet sérieux de société n’est proposé par les commentateurs ou par leurs amis politiciens de l’opposition hongroise : il s’agit d’être contre, contre les heures sombres de notre Histoire, contre la corruption, contre l’armée, contre les Églises, contre Orbán. Mais Orbán avec tous ses défauts et ses faiblesses a tout de même quelque chose de concret à proposer, et dans la balance, cela l’emporte. La preuve indiscutable hier soir.

Breizh-info.com : Quelle campagne a mené le Jobbik, deuxième force dans le pays. Y a-t-il eu comme nous l’écrivions un changement radical d’idées ?

Ferenc Almássy :  L’évolution récente du Jobbik a de quoi surprendre… au premier abord. Mais en réalité, on peut maintenant analyser clairement les mécanismes qui ont provoqué ce revirement de ligne idéologique. Dans un pays comme la Hongrie qui a découvert la démocratie libérale il y a moins de trente ans, très peu de gens ont une formation intellectuelle touchant à la politique, très peu ont une culture et une compréhension du fonctionnement d’une république au sein occidental moderne. C’est d’ailleurs ce qui explique le succès d’Orbán : lui, comprend, en plus de ses facultés propres et de son charisme, et cela lui procure une capacité de domination du jeu politique hongrois.

Pour revenir au Jobbik : ce parti a pris son essor par opposition aux abus de pouvoir et aux violences policières du gouvernement post-communiste de Ferenc Gyurcsány en 2006, et représentait la frange radicale de la droite hongroise – nationaliste, sociale et affichée comme traditionaliste. Mais la direction du parti, et en premier lieu Gábor Vona, le président historique du parti, s’est laissé avoir par le jeu démocratique. Entamant d’abord une “dédiabolisation” dès 2013, le parti affiche sa volonté de se professionnaliser. Une démarche légitime et compréhensible, bien reçue, même, par beaucoup. En 2014-2015, un oligarque ami d’Orbán se brouille sérieusement avec ce dernier et lui déclare une guerre totale. Ses médias deviennent anti-gouvernementaux, et le dialogue entre lui et le Jobbik se crée : le Jobbik était et est toujours le deuxième parti du pays après le Fidesz de Viktor Orbán, et de ce fait, le nouvel ennemi juré d’Orbán y voit un potentiel poulain pour abattre son ancien ami.

Mais pour lui la dédiabolisation ne suffit pas. De nouveaux conseillers et cadres apparaissent, d’anciens disparaissent. Et petit à petit le Jobbik sombre dans la critique de Viktor Orbán, jusqu’à professer le “tout sauf lui”…et par conséquent assumer ouvertement d’accepter de s’allier avec la gauche mondialiste et anti-nationale. Au nom de quoi ? Parce qu’elle permettrait de “restaurer la démocratie, l’État de droit et mettre fin à la corruption“. Le triptyque sur lequel se base la société civile de George Soros pour s’attaquer à toute souveraineté nationale. La direction du parti a pu prendre ce virage pour deux raisons à mon sens. D’une part, par corruption et appas du gain personnel réel ou fantasmé – en cas de victoire qu’on leur a fait miroiter comme possible avec des sondages qui paraissent aujourd’hui bien peu fiables… – et d’autre part par faiblesse d’esprit, de caractère et de formation politique, ne comprenant pas dans quel engrenage ils avaient mis leur doigt, gérant la politique comme une boîte de communication et n’ayant aucune vue stratégique de là où ils allaient.

Cette absence de vision et d’intelligence politique d’une parti de la direction du Jobbik a conduit donc le parti à s’aligner sur une ligne justifiée par des sondages – le lecteur avisé se demandera : d’où viennent donc lesdits sondages ? – et cela prouve le danger typique qui plane dans les pays à jeune démocratie : un terrain de jeu pour les spin-doctors et autres agents d’influence sur des militants non-formés, sans ligne idéologique claire, qui ne comprennent pas les mécanismes d’un jeu politique nouveau pour eux, et qui oublient l’intérêt national par loyauté pour un parti ; transfert typique dans les sociétés modernes post-religieuses.

Pour conclure, le Jobbik aura un congrès au mois de mai. le président, Gábor Vona a démissionné pour le moment, comme il l’avait promis en cas d’échec, et le vice-président László Toroczkai, tenant de la ligne dure du parti, mais favorable à une opposition constructive au gouvernement, est sorti du bois pour annoncer sa volonté de reprendre le parti en main. Affaire à suivre.

Breizh-info.com : La victoire d’Orban pourrait avoir quelles conséquences selon vous ? 

Ferenc Almássy : La victoire de Viktor Orbán a de multiples conséquences. C’est avant toute chose un terrible coup dur pour TINA – There Is No Alternative, le paradigme libéral annonçant la fin de l’Histoire, et voulant faire sombrer l’Occident dans un fatalisme politique où rien ne peut arrêter la marche du “Progrès”, c’est-à-dire de la société ouverte, éclatée, déshumanisée et vendue à la société de consommation. Viktor Orbán s’y oppose et montre que cela plaît, que les gens veulent un autre futur que celui du mondialisme, du métissage, de l’athéisme et de l’état policier et de la politique puritaine, moraliste et anti-famille.

C’est le porte-drapeau aujourd’hui en Europe d’une fronde civilisationniste. Ses cadres parlent du local contre le global. Viktor Orbán sait aussi qu’à travers le Groupe de Visegrád, qui gagne en assurance grâce à cette réélection incontestable, le centre de l’Europe, et la Hongrie, à sa modeste échelle, peuvent contribuer à changer une Europe aux mains d’une élite bruxelloise hors du contrôle des peuples et des nations, pour le moment.

Cette élection est un coup supplémentaire dans la glace déjà fragilisée du mondialisme à l’européenne : en tant que meneur de projets alternatifs comme le Groupe de Visegrád, ou comme source d’inspiration pour les politiciens désireux de représenter de nouveau l’intérêt de leur nation et de l’Europe, Viktor Orbán, avec cette victoire, ouvre probablement une nouvelle ère historique sur notre Vieux Continent. Les réactions des milieux internationalistes ne trompent pas sur ce constat.

Breizh-info.com : Le Visegrad Post poursuit sa progression, vous titrez désormais en trois langues. Expliquez nous où vous en êtes.

Ferenc Almássy : Le 31 mars, le VPost a fêté ses deux ans. Pour l’occasion, nous avons lancé le site également en allemand, tout en continuant de publier en français et anglais nos articles. Soyons clairs : nous avons de petits moyens – nous ne vivons que grâce aux donateurs ! – et nous sommes semi-professionnels. Mais arrivé à un certain niveau, le moindre petit progrès nécessite des moyens bien plus importants que pour l’étape précédente de professionnalisation. Notre courbe de progression qualitative est asymptotique.

Nous cherchons donc désormais à bénéficier de subventions – de la part des pays du Visegrád – afin de pouvoir pleinement professionnaliser notre projet ambitieux mais, je le crois, fondamental étant donné les besoins de cette guerre d’influence et de l’observation qui détermine nos paysages politiques. Notre développement est l’ambitieux projet d’accompagner sur le plan médiatique le projet politique alter-européen du Groupe de Visegrád.

Pour cela, toute aide est la bienvenue, notamment financière pour faciliter notre accession à des subventions. Mais lire et partager nos articles a déjà son utilité : ne serait-ce que pour montrer qu’autre chose est possible ; réveiller l’espoir et la volonté de bâtir à l’échelle européenne notre futur, en le reprenant des mains des technocrates.

Pour découvrir le Visegrad Post et pour les aider, c’est ici

Crédit photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

 

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