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Régis Debray a relu Paul Valéry. Pour retrousser nos manches !

Paul Valéry (1871-1945), le type même de l’écrivain entré dans un long purgatoire. Et pourtant ! Jusqu’à sa mort, il occupa une place plus importante que Gide,  Bergson ou Gireaudoux ; de Gaulle lui fit des funérailles nationales, le catafalque exposé sous l’arc de triomphe à l’Étoile.

Écrivain abondant, prolixe même, dispersé, il avait brillé dans l’art poétique, l’essai philosophique, les réflexions en tous genres. Tout cela vanté, glorifié, jusqu’à l’Académie française. L’homme se plaisait aux honneurs, il jouissait de son statut et s’y perdit souvent.

Besogneux dans sa vie professionnelle, rangé dans sa vie privée (marié, deux enfants), juste un long écart avec la mondaine Catherine Pozzi. Valéry voyageait peu, limitait le nombre de ses amis sûrs (Edgar Degas, Pierre Louÿs, un temps Gide). Il se voulait « Monsieur Teste » qu’il avait campé dans un dialogue à la Diderot, un « ascétique renonçant » dit Debray.

Candide et roué à la fois

Mais l’homme était double, duplice, candide et roué à la fois. Il découvrit sur le tard le Pierre Louÿs, pornographe délirant, se déclara comme lui et Degas antidreyfusard, sans être sûr de son choix. Après la Grande guerre (qu’il ne fit pas, 43 ans en 1914), il se voulut surréaliste, fréquenta André Breton qui le chassa de sa secte. En 1940, il pleura en écoutant Pétain puis se retira du conflit tout en donnant quelques gages à la Résistance. Le pendant de Romain Rolland qui finissait égrotant à Vézelay.

En 31 « leçons » (des émissions diffusées sur France Inter en 2018), Régis Debray parcourt Valéry. Il y met finesse et érudition, sépare le bon grain de l’ivraie. Il y a des pépites chez Valéry, à ne pas oublier :

« Douces colonnes, aux
Chapiteaux garnis de jour,
Ornés de vrais oiseaux
Qui marchent sur le tour,
Douces colonnes ô
L’orchestre de fuseaux !
Chacun immole son
Silence à l’unisson.

Un Européen ardent

Et puis le géopoliticien en chambre, l’anti-historien – « L’histoire justifie ce que l’on veut… » – avait de ces fulgurances… Européen ardent, il vécut les deux guerres comme un anéantissement. Peu avant de mourir, il signa cet acte de décès :
«  (L’Europe) vient de perdre sa domination séculaire sur l’ensemble du monde (…) il y a lieu de se demander, et ceci dans toute l’étendue de l’univers spirituel, si la continuité de la civilisation occidentale pourra être assurée et en particulier celle de la civilisation méditerranéenne, et si nous ne sommes pas arrivés à quelque état de décadence analogue à celui qui a atteint les civilisations successives dont nous parle l’Histoire.

Il ne nous reste plus qu’à inscrire en faux Valéry. Le véritable combat pour l’Europe, le seul, est culturel. Forte de ses peuples, de toutes leurs cultures, elle peut encore défier le monde.

Jean HEURTIN

* Régis Debray, Un été avec Paul Valéry, Equateur, 176 p. , 14 euros.

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2019, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

 

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