Philippe Perchirin, traducteur et auteur d’essais philosophiques et politiques poursuit sa série d’articles consacrés à l’ère Macron et à ce qu’il nomme « La marche à l’abîme de la France ». Ces articles sont consacrés à la phase finale de la crise française, dont le quinquennat d’Emmanuel Macron est emblématique. Second article ayant pour sujet une France traversant une triple crise existentielle, économique et sociale, politique et démocratique, civilisationnelle
Les 3 crises françaises, a) économique et sociale, b) politique et démocratique, c) civilisationnelle menacent désormais de faire disparaître un État français auquel des dirigeants incompétents et sans vision refusent avec obstination tout remède
Mais afin de clarifier notre position, peut-être serait-il temps de décrire notre perception de la et des crises françaises – seul moyen de tracer des voies de sortie et d’esquisser des solutions.
Je vois 3 crises principales en France que je décris sans ordre de priorité, car toutes trois se combinent entre elles et sont inextricablement liées, le complexe naissant de la combinaison de plusieurs éléments simples. La crise existentielle française est la forme élaborée combinant de façon exponentielle 3 crises cumulées pouvant être décrites ainsi pour plus de clarté : une crise économique et sociale, une crise politique et démocratique, une crise civilisationnelle.
Aucune résolution de la crise française ne saurait aboutir si elle ignore l’une d’entre elles. Rien ne peut réussir sans la résolution simultanée de l’ensemble de ces crises. L’alternative est la disparition de l’État français, hypothèse dont nous parlerons en temps utile.
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Les maux de la crise économique et sociale peuvent être décrits en deux mots : étatisme et socialisme
… et non une crise du « capitalisme » et du « libéralisme », puisque le régime économique français ignore l’une et l’autre de ces deux tendances !
La France a été un pays libéral au plan économique depuis la fin de la Révolution (disons 1803) jusqu’en 1914. Mais à cette époque déjà, cet avantage n’avait pu que partiellement déployer ses effets à cause de l’héritage du centralisme jacobino-bonapartiste, qui continue jusqu’à aujourd’hui de tétaniser les énergies territoriales de l’hexagone par obsession colonialiste. Le pays avait payé au XIXe siècle cette tare congénitale de son État par une industrialisation incomplète et inégale.
La France a toujours eu tendance à cumuler ses échecs historiques sur le long terme.
Les crises du XXe siècle ont eu un effet dévastateur sur un État construit artificiellement par les rois parisiens sur un espace multiculturel (mais non multi-civilisationnel), dans lequel avait triomphé le catholicisme réactionnaire au lieu du protestantisme moderne au XVIe siècle, qui avait opposé la monarchie absolue de droit divin de Louis XIV à la monarchie parlementaire anglaise au XVIIIe siècle avec pour corrélat la faillite de 1715 – 1789, et qui avait connu entre 1789 et 1805 une contre-révolution politique aboutissant au césarisme bonapartiste, ce triste maillon de la longue chaîne des dictatures théocratiques faisant la soudure entre la monarchie absolue de droit divin et les totalitarismes du XXe siècle.
La mortifère idéologie socialiste, notamment sous sa forme marxiste dénoncée, réfutée et démontée dès le XIXe par des penseurs tels que Bastiat voire Proudhon (dont toutes les prédictions se sont avérées exactes), qui a tragiquement échoué à divers degrés dans des dizaines de pays pendant 100 longues années d’errance (Russie, Chine, Corée du Nord, Cuba, Vietnam, Cambodge, Pays de l’Europe Centrale, plus récemment Venezuela … France !) et souvent dans des océans de sang, n’a cessé après 1914 de progresser dans ce pays avec des poussées significatives en 1914-1918, (1924), 1936, 1945 et finalement 1981.
Ces poussées aveuglément décrites comme glorieuses par les nihilistes et négationnistes dans les livres d’histoire récents ont toutes entraîné une extension irrésistible d’un État bureaucratique et théocratique paralysant, avec restriction permanente des possibilités démocratiques, mise en place d’une société de castes et de clientèles et d’un système de prédation et de corruption généralisée (kleptocratie), ont toutes tétanisé, figé et cancérisé la société et l’économie française, ont toutes eu des effets cumulés de plus en plus mortifères sur l’évolution du pays. Le désastre de 1940, exutoire immédiat de 1936, n’est à ce titre qu’une répétition générale de ce qui nous attend, aucune leçon n’ayant été tirée du passé.
La gauche socialiste a trois fois tenté de prendre définitivement le pouvoir en France :
- En 1924 à travers le Cartel des Gauches d’Édouard Herriot, qui a rapidement dû jeter l’éponge, politiquement du fait de la non-participation imposée par Staline du PC à un gouvernement de « sociaux-traîtres », et surtout du « mur de l’argent » qui préfigurait déjà 1981 ;
- En 1936 par le gouvernement du Front Populaire de Léon Blum qui a dû lui aussi jeter l’éponge, débordé par son extrême-gauche, les grèves et encore une fois l’échec économique, non sans laisser au pays l’héritage des imbéciles « progrès sociaux » de 1936 (nous reviendrons sur ces sujets dans un article ultérieur) ;
- En 1981 avec l’élection de François Mitterrand comme président de la République.
Cette dernière élection, qui mettait un point final à la période de transition (1968 – 1973 – 1974 – 1975 à 1981) des 30 glorieuses vers les 30 piteuses avait été perçue à l’époque comme un nouveau départ vers une société de socialisme lumineux « à visage humain ». Elle devrait apparaître aux historiens du futur comme le début de la fin, peut-être même de la fin de l’État français, en tout cas le début d’une longue ère de déclin semblable à celle que la France avait connu entre la Guerre de Succession d’Espagne et la Révolution (1714 – 1789).
L’extravagante politique menée en 1981 par François Mitterrand conduisit, comme c’était prévisible, en quelques mois à une explosion du déficit budgétaire, de l’inflation, du déficit extérieur et de la fuite des capitaux. Pour la centième fois donc, à un échec d’une politique socialiste et donc à un schéma identique sur le fond à celui de 1924 et de 1936 en France et à des dizaines de schémas identiques dans le monde. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la folie consiste à accomplir encore et encore les mêmes actions en s’attendant à un résultat différent (Albert Einstein) …
La crise de 1982 aurait dû amener Mitterrand à se retirer dès cette époque. Dès 1983 en effet, la droite devait être majoritaire dans une opinion populaire qui avait bien compris, exception faite des simples d’esprit et des malhonnêtes, que le socialisme était une utopie irréaliste, imbécile et criminelle. Dès 1986 d’ailleurs, le retour de la droite (le fameux « Au secours la droite revient ! ») au parlement entraînait la première (et désastreuse) cohabitation.
Il n’en a rien fait. Il a préféré rejeter dans l’opposition son électorat ouvrier d’origine en le faisant passer du statut de héros du prolétariat à celui de salaud raciste, pour lui préférer un électorat d’immigrés, ultraréactionnaire mais flatté dans son ressentiment anti-européen (exutoire du passif colonial et de l’échec de la décolonisation), puis s’emparer des fausses causes du gauchisme sociétal, non pas pour des raisons électorales, mais afin de pouvoir trouver des éléments politiques de division et d’interdiction d’au moins une partie de l’opposition. Le socialisme à la française n’est en effet qu’un soviétisme policé, viscéralement antidémocratique, antilibéral et antihumaniste. Simultanément, le façonnage d’une novlangue orwellienne à la française, comprenant notamment les termes de « racisme et antisémitisme », « discours de haine » et faisant apparaître les « phobies » permettait de sataniser, de psychiatriser et de criminaliser au moins une partie de l’opposition. Le vote de crapuleuses lois restreignant la liberté d’expression en se fondant sur des mensonges et des manipulations langagières que n’aurait pas reniées l’URSS a permis de mettre hors-la-loi certaines oppositions, avec constitution de polices politiques, idéologiques et raciales dans un style mêlant néo-soviétisme et nazisme inversé, frauduleusement présentées comme des réactions issues de la société civile alors qu’elles étaient des créations d’État massivement financées par ce dernier.
Cette politique a permis de fracturer la droite en favorisant la montée du FN et donc de transformer la majorité électorale de l’ensemble de ses composantes en une minorité politique, tout en lançant durablement (dès 1988) le système du gouvernement de la France par des coalitions minoritaires de gauche toujours transformées en majorité par la sorcellerie du scandaleux clientélisme et du scrutin majoritaire confiscatoire de la fausse démocratie française, gouvernements menant une politique du pire sous la pression (jamais satisfaite) de son extrême-gauche.
Mitterrand était en effet un homme sans aucun idéal politique. Employé au Commissariat au reclassement des prisonniers de guerre sous Vichy, résistant fort tardif après 1943, ami personnel de criminels contre l’humanité supposés et complice au moins moral de crimes contre l’humanité, ministre de droite pro-colonialiste et pro-Algérie française ayant ordonné la torture dans les années 50, cagoulard en 1934 mais socialiste en 1965, Mitterrand ne s’est jamais intéressé qu’à une chose : le pouvoir et surtout son pouvoir personnel. Contrairement à De Gaulle, homme d’extrême-droite tempéré avec l’âge mais ayant une réelle passion désintéressée de l’État et un sens moral indiscutable de vieux réac’ soucieux de la défense des intérêts bien compris du pays, Mitterrand n’a jamais eu le moindre souci de l’avenir de la France et des Français. Après lui, le déluge ! Comme quoi le choix peu stimulant entre l’extrême-gauche et l’extrême-droite est toujours celui du plus pire contre le moins pire …
Des gauchistes et des tenants de la droite radicale analphabètes en économie, comme Onfray ou dans un autre style Alain de Benoist, qualifient de « basculement vers le libéralisme » le tournant de 1982-1983.
Cette interprétation est totalement absurde et inepte. Les mots ont un sens, le terme de « libéral » est ici totalement falsifié, détourné de son sens et dévoyé ! Et si le propos d’Alain de Benoist ne concerne pas – comme il le suggère dans sa préface – le libéralisme comme l’entendent les vrais libéraux comme moi (qui ne suis pas néo-conservateur, mais un démocrate fédéraliste, libertarien et minarchiste), alors il faut qu’il change de mot et récuse un faux terme falsifié par l’extrême-gauche ! On ne peut pas penser un problème politique dans le vocabulaire de ses ennemis politiques supposés …
Philippe Perchirin
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