Philippe Perchirin, traducteur et auteur d’essais philosophiques et politiques poursuit sa série d’articles consacrés à l’ère Macron et à ce qu’il nomme « La marche à l’abîme de la France ». Ces articles sont consacrés à la phase finale de la crise française, dont le quinquennat d’Emmanuel Macron est emblématique. Troisième article ayant pour sujet les maux de la crise économique et sociale en France. Étatisme et socialisme (suite), le gouffre mitterrandien.
Retrouvez les deux premiers articles ici et ici.
La France n’est pas un pays libéral
En 1981, le régime économique de la France n’avait absolument rien de libéral (et n’a toujours rien de libéral jusqu’à aujourd’hui) : c’était un régime de NEP, c’est-à-dire un régime « social-démocrate » au sens soviétique du terme, au sens de Boukharine, la gauche française étant nettement plus à gauche que la gauche sociale-démocrate des pays de culture protestante.
À titre de rappel, la NEP (Novaïa Ekonomitcheskaïa Politika, Nouvelle Politique Économique) est le régime économique mis en place en 1921 par Lénine pour remettre la Russie sur pied à la fin de l’époque du Communisme de Guerre (1917-1921) qui avait déjà fait 20 à 30 millions de morts. Elle consistait à prévoir une économie d’État pour la grande économie et une économie privée pour la petite économie. C’est à cette époque que l’économiste soviétique Nikolaï Kondratiev (1892-1932, mort dans les camps) avait démontré que la théorie marxiste de la « crise finale du capitalisme » devant nécessairement aboutir au communisme était fausse, mais qu’il y avait d’éternels cycles successifs de croissance et de récession. L’extrême gauche française actuelle continue à ignorer à ce jour les acquis de la science économique des années 30 et à radoter la légende d’une « crise du capitalisme » qui n’a jamais existé et n’existera jamais (récent article rédigé par un analphabète économique sur Marx dans Bremañ)…
À la fin de 1928, lorsque Staline a décidé de mettre fin à la NEP pour relancer la catastrophe collectiviste et sa deuxième fournée de 20 à 30 millions de morts, l’économie étatisée soviétique affichait déjà un échec cuisant, tandis que l’économie privée connaissait un franc succès et tenait le pays en vie à bout de bras.
En 1981, la France gouvernée par une gauche analphabète, inculte, arriérée et imbécile avait introduit une économie de NEP en nationalisant toutes les grandes entreprises. Une économie social-démocrate au sens soviétique du terme, pas une économie « libérale » ! Dans les années 1990, l’État fut pourtant contraint de privatiser les grands groupes français, non pas par « libéralisme »… mais parce que TOUS les grands groupes nationalisés étaient en faillite sans exception (avec des scandales inouïs comme Le Crédit Lyonnais et une note plus que salée pour le contribuable) et que les compensations fournies par la petite et moyenne économie privée ne permettaient plus de combler le trou abyssal laissé dans le budget de l’État propriétaire par ces derniers ! Nous continuons de l’ignorer ! Les résultats français des années 1990 étaient identiques aux résultats soviétiques de 1928, mais la France nihiliste reste le pays le plus arriéré de l’Europe de l’Ouest…
Et le régime économique adopté par la France depuis les années 1990 n’est enfin toujours pas un régime « libéral » !
La France a en effet poursuivi avec un fanatisme inouï une politique hostile aux entreprises n’affectant que les PME-PMI puisque les grandes entreprises privées sont entrées depuis leur privatisation dans une phase de capitalisme d’État mélangeant gestion privée de grands groupes peu vertueux (et encore sujets à scandales) corrompant massivement les élus et bénéficiant de prébendes d’une part, et de l’autre une économie privée de PME-PMI vertueuses mais écrasées d’impôts, de charges, prises dans l’étau d’un système social prédateur entièrement étatisé et bureaucratisé (décrit en toute obscénité comme un « modèle social » alors qu’il est tragiquement inopérant), accablées par une législation délirante et kafkaïenne, avec un taux de prélèvements obligatoires confiscatoire (instaurant un régime esclavagiste de fait) compris entre 55 et 60 %… soit à peu près le taux soviétique des années 1980. J’appelle personnellement ce régime cancérisé jusqu’à la moelle un régime de « NEP mutante ».
Qu’est-ce que tout cela à voir avec le libéralisme ? RIEN !
En fait l’économie soviétique était, depuis l’introduction du « socialisme dans un seul pays » stalinienne, une économie qui fonctionnait en vase clos, refermée sur elle-même, avec des frontières fermées et non ouvertes.
La gauche française s’est toujours refusée à abandonner le criminel économique système crypto-soviétique pour réduire l’intervention de l’État, diminuer la dépense publique, le déficit et la dette et partant les impôts et les charges, désétatiser le système social et déréglementer massivement, de préférence en introduisant une vraie démocratie sociale (nous y reviendrons). Elle ne l’a pas voulu parce que le système social kleptocratique français sert à financer les privilèges inouïs de la haute fonction publique et des « bienfaiteurs de l’humanité » d’une part, et d’acheter des clientèles de l’autre – en transformant les élections et la démocratie en une farce, et l’idéal « d’égalité » en une obscénité.
Le maintien d’un tel système tétanisant exigeait la fermeture des frontières. L’étatisme et le socialisme sont incompatibles avec l’ouverture des frontières. Même les staliniens l’avaient compris en leur temps en défendant « le socialisme dans un seul pays ». Or, pour des raisons idéologiques, pour ne pas dire religieuses, la gauche a toujours voulu l’ouverture des frontières.
Macron n’est pas « l’homme providentiel » qui va sauver la France : il en est le fossoyeur
Il fallait ouvrir les frontières et introduire vraiment le libéralisme en France. Ou bien maintenir le régime de NEP mutante et fermer les frontières. L’un OU l’autre (« ou » exclusif ») ! Les gouvernements français successifs n’ont fait ni l’un ni l’autre, préférant assurer leur maintien (très rémunérateur) au pouvoir à court terme par des moyens de plus en plus crapuleux tout en poursuivant une politique du grand écart. Une politique du pire.
Résultat, la France est aujourd’hui :
- Endettée de 2 300 milliards € de dettes directes et de 3 400 milliards € d’engagements hors budget
- Cette dette croissant chaque année du fait de la persistance de budgets en déficit chronique
- Ce en dépit d’un taux de prélèvements obligatoires confiscatoires de 57 % (l’« enfer fiscal » français)
- Avec un taux de chômage de 10 % officiel par tripotage des chiffres, 20 à 30 % réel
- Accuse un déficit de 2 millions de TPE-PE à structure égale par rapport à la Suisse ou l’Allemagne
- N’a que 400 MEI contre 4 000 à structure égale par rapport à la Suisse ou l’Allemagne
- Présente une structure migratoire d’entrées majoritairement extra-européenne de niveau majoritairement bac -6 à -12 (les autres candidats à l’immigration préférant les pays anglo-saxons) contre des sorties bac +3 à +7 tous groupes confondus (à forte composante européenne mais pas que, les diplômés issus de l’immigration cherchant eux aussi leur bonheur vers d’autres cieux où le mot « avenir » a encore un sens)
Depuis son arrivée au pouvoir, Macron ne cesse de parler de « réformes » dont personne ne voit la couleur. Il refuse bien au contraire totalement de réformer l’État et son périmètre (cf. les déclarations ahurissantes du type « la Suisse n’est pas tout un modèle »), de réduire la dépense publique, d’équilibrer le budget, de baisser les prélèvements obligatoires, de libérer les TPE-PME-MEI, sans parler de démocratisation politique du régime, du rappel de son unité civilisationnelle indispensable à la paix civile et donc d’une politique migratoire sensée et raisonnable, ou encore la révision de traités de libre-échange équilibrés. Il poursuit au contraire la politique du pire : envolée des dépenses, du déficit et de la dette, des impôts et des prélèvements, renforcement continu du caractère dictatorial du régime et poursuite de la politique liberticide, exclusion grandissante de la majorité des citoyens hors du contrat social, au besoin via une escalade de la violence institutionnalisée (cf. répression des Gilets jaunes)… rejet de toutes les réformes nécessaires et poursuite de la dislocation de la société jusqu’à son implosion-explosion finale… La France marche à la mort.
Macron n’est pas « l’homme providentiel » qui va sauver la France : il en est le fossoyeur, le dernier président de la Ve République. Il n’est pas Henri IV, mais Henri III ; pas Bonaparte, mais les directeurs corrompus du Directoire ; pas De Gaulle, mais Pétain.
En revanche, le sauveur n’est hélas toujours pas en vue non plus…
Philippe Perchirin
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