Le sable blanc des plages d’Hawaï cache un cauchemar invisible. Selon une étude internationale dirigée par l’Ifremer, 91 % des plastiques échoués sur ces rivages volcaniques ne flottent pas à la surface… mais sont enfouis jusqu’à un mètre de profondeur.
Kahuku, Kokololio, Waimānalo : ces noms évoquent des cartes postales. Mais sous leurs grains de sable se cache un constat accablant. Pendant deux ans, des chercheurs de l’Ifremer, de Hawaiʻi Pacific University et de The Ocean Cleanup ont passé au crible trois plages d’Oahu, en plein cœur du Pacifique Nord, à proximité du tristement célèbre « 7e continent » de plastique. Les résultats, publiés en juin dans deux revues scientifiques, révèlent une réalité bien plus préoccupante que prévu.
Un plastique enfoui et fragmenté
Grâce à des prélèvements méthodiques dans des colonnes de sable d’un mètre de profondeur, les scientifiques ont démontré que la quasi-totalité des déchets plastiques échoués s’accumulent sous la surface, invisibles à l’œil nu. Pire : la majorité de ces fragments, principalement en polypropylène et polyéthylène, sont déjà en voie de désintégration.
Ces plastiques vieillissants, fragilisés par leur exposition prolongée à l’environnement, se fragmentent aisément sous l’effet des vagues et du vent. Résultat : les plages deviennent non seulement des zones de dépôt, mais aussi des foyers de génération de microplastiques et de nanoplastiques, ces particules si fines qu’elles s’infiltrent partout, jusqu’aux organismes marins – et possiblement humains.
L’urgence de l’action en amont
« Il est crucial de nettoyer les plages avant que les plastiques ne deviennent des micro et nanoplastiques, car une fois fragmentés, ils deviennent beaucoup plus difficiles à éliminer », alerte Astrid Delorme, chercheuse à l’Ifremer et auteure principale de l’étude.
Mais au-delà du nettoyage, c’est la production massive de plastiques qu’il faut questionner, selon les chercheurs. La lutte en aval ne pourra jamais compenser l’accumulation en amont, tant que les chaînes de production mondiales continueront de saturer les circuits avec des matériaux peu biodégradables et à faible valeur de recyclage.
Un enjeu aussi culturel qu’écologique
Les plages d’Hawaï ne sont pas de simples espaces de loisir : elles sont aussi des sites sacrés, parfois considérés comme des lieux de sépulture ancestraux par les populations autochtones. Cette dimension culturelle a été intégrée dans le projet STORAGE, qui revendique une approche respectueuse des traditions locales dans la lutte contre la pollution marine.
Ce travail s’inscrit dans le cadre du programme européen Horizon Europe et est reconnu dans le cadre de la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques (2021-2030). Il rappelle que, loin des discours abstraits sur l’ »écologie planétaire », la pollution plastique est un phénomène concret, enfoui, discret, mais omniprésent.
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