L’entre-deux-guerres fut une période charnière pour la littérature de langue bretonne. Comme le montre Nelly Blanchard, professeure à l’Université de Bretagne Occidentale, dans une étude parue en 2018 (La Bretagne Linguistique, 22) , les années 1920-1930 sont marquées par un conflit générationnel profond. Les régionalistes, héritiers de la Belle Époque, portaient encore une vision folklorique et pittoresque de la Bretagne – celle de Théodore Botrel, chantre d’une province fièrement arrimée à la République française. Face à eux, les jeunes nationalistes de Gwalarn, emmenés par Roparz Hemon et Olier Mordrel, ambitionnaient rien de moins qu’une « littérature nationale », rompant violemment avec l’héritage régionaliste.
Gwalarn : « tuer la vieille Bretagne »
Fondé en 1925, le mouvement Gwalarn a formulé d’emblée son programme dans un manifeste sans concession : normalisation linguistique du breton, ouverture sur les littératures européennes via des traductions, sobriété esthétique, publications scientifiques et attrait pour l’espéranto. Mais ce projet supposait un préalable radical : « tuer la vieille Bretagne » pour en créer une nouvelle, selon Mordrel, et « être meilleurs que nos pères », selon Hemon.
Leurs attaques ciblaient trois domaines : la littérature populaire (jugée infantile), la littérature religieuse (exclue du champ littéraire) et surtout le régionalisme, accusé d’obsolescence. Les figures de la Gorsedd druidique, avec leurs cérémonies de « carton-pâte », furent brocardées par Jakez Riou ou Hemon, tandis que James Bouillé dénonçait la « biniouserie » et la « bretonnerie » au profit d’un art celtique moderne.
Une domination symbolique plus que réelle
Si le discours gwalarniste a marqué par sa virulence, les données collectées par Nelly Blanchard via la base PRELIB nuancent son impact réel. Sur 84 auteurs actifs entre 1914 et 1939, les nationalistes ne représentent qu’environ 19 % des publications en breton. Hemon, avec 24 ouvrages, domine certes son camp, mais les régionalistes comme Adrien de Carné (19 ouvrages) restent très présents, tandis que la littérature d’édification (religieuse) conserve un quart de la production totale.
L’édition se concentre à Brest autour de Gwalarn (35 titres) et de l’Imprimerie du Château (50 titres, majoritairement régionalistes). Les liens sociaux et intellectuels révèlent aussi une marginalité des gwalarnistes : peu de dédicaces, peu de préfaces, un isolement voulu. À l’inverse, les régionalistes foisonnent de réseaux, mobilisant familles, bardes, félibres ou notables.
Pour Nelly Blanchard, le rejet du régionalisme a surtout servi de « repoussoir » pour forger une identité littéraire nouvelle, sans toutefois ébranler durablement les structures existantes. La radicalité nationaliste a imposé une rupture symbolique, mais la réalité sociale et quantitative resta plus nuancée. Aujourd’hui encore, écrit-elle, le mélange entre folklorisme régional et modernisme nationaliste structure l’imaginaire breton, entre marketing touristique et affirmation identitaire.
Nelly Blanchard, « La littérature de langue bretonne de l’entre-deux-guerres », La Bretagne Linguistique, 22, 2018, p. 177-192.
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2 réponses à “Littérature bretonne de l’entre-deux-guerres : entre rupture nationaliste et héritage régionaliste”
Tout cela est très bien mais en fin de compte aujourd’hui? Je me souviens de Ronan Huon avant de publier dans Al Liamm il me faisait parvenir des pages de demandes d’explications. Et lorsqu’il se tourna vers l’Orient Eternel… »Tu réécris ton texte en mièvre roazhoneg sinon pas de publication »! me fit savoir son pâle successeur. Eh moi je n’écris pas en « verbiage de singes » donc je ne publie plus. Que trouve-t-on dans Al Liamm aujourd’hui? des traductions, de mièvres élucubrations dans la langue des clowns de Rennes, un verbiage de carton pâte pour reprendre l’expression de Jakez Riou. Les Grands Hommes n’ont pas de descendance.
Gwir eo, en ur mod, met anez Roparz Hemon hag e geneiled, ne chomje netra hiziv !