Inépuisable feuilleton, que celui du Brexit. Après avoir perdu, mardi 3 septembre, sa majorité à la Chambre des Communes (21 députés conservateurs sont passés dans l’opposition), le Premier ministre Boris Johnson a essuyé deux nouveaux revers ce mercredi 4 : les Communes ont tout d’abord voté une motion exigeant qu’il négocie un nouveau report de la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne (UE) ; puis elles ont refusé l’organisation de nouvelles élections générales au 15 octobre (BoJo avait besoin d’une majorité des deux tiers pour les planifier).
A quoi sont dues ces nouvelles impasses, et comment s’en sortir ? La cause est claire : en l’état actuel de sa (dé)composition, la Chambre des Communes est incapable de trouver une majorité pour rester dans l’UE, et tout aussi incapable d’en trouver une pour en sortir. Voilà trois ans que l’affaire bloque la vie parlementaire britannique. Il devient évident que la seule voie de sortie est l’organisation d’élections générales, qui devraient envoyer à Westminster une Chambre avec une opinion arrêtée, soit pour sortir, soit pour rester. Mais, à l’inverse du président français, le Premier ministre britannique n’a pas de pouvoir de dissolution. Il lui faut obtenir pour cela une majorité des deux tiers aux Communes. Et les travaillistes, qui risquent une déroute électorale, n’ont pas intérêt à céder.
Pour l’heure, BoJo est sommé de demander une prorogation au 31 janvier du délai de réflexion britannique avant de quitter l’UE. Il s’y refuse. Il est vrai que l’échéance première du 29 mars 2019, en application stricte de l’article 50 du traité de l’UE portant sur les sécessions, a déjà été repoussée deux fois, bien inutilement. Les chefs d’État européens, qui ont le pouvoir d’arbitrer à propos d’une nouvelle demande de délai, doivent se réunir les 17 et 18 octobre prochains. Ils commencent à s’impatienter. Une troisième prorogation, certes, mais pour quoi faire ? Continuer le feuilleton ? Emmanuel Macron dit ouvertement qu’il est contre. Angela Merkel serait plutôt pour. La décision devant être prise à l’unanimité, rien n’est encore acquis.
Quant à Boris Johnson, peut-il envisager de laisser tomber cet imbroglio face auquel Theresa May, qui l’a précédé au 10, Downing Street, a dû déclarer forfait ? Rien n’est moins sûr. Cet admirateur de Churchill cite régulièrement le célèbre discours de son modèle en 1940 : We shall never surrender, « Nous ne céderons jamais ! » Toutes les ficelles parlementaires sont utilisées par son opposition pour lui donner tort. Mais, sauf à risquer de laisser perdurer une paralysie législative qui lèse la Grande-Bretagne autant que ses partenaires politiques ou commerciaux, il y a bien un moment où la représentation parlementaire devra faire son métier : s’occuper des Britanniques et de leur devenir.
Jean-François Gautier
Illustration : DR
[cc] Breizh-info.com, 2019, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine