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Toute l’œuvre de Marcel Pagnol adaptée en bande dessinée.

Tout au long de sa carrière de dramaturge, de cinéaste puis d’écrivain, Marcel Pagnol (1895-1974) a célébré sa terre provençale. Cet auteur complet a réalisé plusieurs chefs d’œuvre du théâtre (Topaze, Marius, Fanny, César…), du cinéma (Regain, La Fille du puisatier, La femme du boulanger…) et de la littérature (La Gloire de mon père, Jean de Florette…). Toutes les œuvres de Marcel Pagnol vont être adaptées en bande dessinée, dans un projet s’étirant sur une quinzaine d’années.

Nicolas Pagnol, petit-fils de l’auteur, persuadé que son grand-père aurait aimé faire Topaze ou La Gloire de mon père aussi en bande dessinée, est à l’origine de la collection. Pour chaque album, le scenario est signé de Serge Scotto et Eric Stoffel. Trouvant le juste équilibre entre le respect du texte original et le découpage en planches, ils restituent à merveille l’esprit des œuvres de Marcel Pagnol. On retrouve la richesse de la culture provençale, la beauté des paysages décrits par Pagnol et la truculence de ses personnages. Au dessin, plusieurs auteurs se succèdent. Chaque album contient une préface de Nicolas Pagnol. Presque tous bénéficient d’un cahier final rédigé par Serge Scotto et Eric Stoffel.

Analysons les premiers albums de cette prometteuse collection.

1- Les souvenirs d’enfance.

Souvenirs d’enfance est, à l’origine, une série de quatre romans autobiographiques de Marcel Pagnol : La Gloire de mon Père (1957), Le Château de ma mère (1957), Le Temps des secrets (1960) et Le Temps des amours (1977). En 1990, Yves Robert a adapté au cinéma La Gloire de mon père et Le Château de ma mère.

L’histoire de Souvenirs d’enfance est bien connue. Le jeune Marcel Pagnol admire son père, instituteur anticlérical, surtout lorsque celui-ci s’improvise chasseur de bartavelles au pied du massif de Garlaban. A chaque période de vacances, et désormais chaque week-end, la famille Pagnol effectue un long périple pour retrouver leur maison au milieu de la garrigue provençale. Le jeune garçon est maintenant admis par son père et son oncle au rang des chasseurs, en qualité de rabatteur. Il sympathise avec un jeune braconnier, enfant du pays. Mais le temps passe trop vite, la rentrée des classes est proche. Marcel doit de se préparer à faire son entrée dans l’enseignement secondaire, demi-pensionnaire en classe de sixième. Il va découvrir l’esprit de camaraderie. Devenu adolescent, son cœur commence à vibrer pour certaines jeunes filles…

Les scénaristes mettent bien en évidence les thèmes du roman : l’amour pour un père, le combat entre la laïcité et la religion catholique, l’apprentissage de la vie par un jeune provençal… Le dessin semi-réaliste de Morgann Tanco rend les personnages vivants et attachants. L’expressivité des traits des personnages renforce l’humour du récit. Malgré la densité des textes, le découpage rend la lecture fluide et donne du rythme. La colorisation de Sandrine Cordurié illumine lemassif de Garlaban, situé derrière Marseille. L’ensemble est très respectueux de l’univers de Pagnol.

La gloire de mon père, Le Château de ma mère, Le temps des secrets, Le temps des amours, 18,90 euros chaque tome. Editions Bamboo. Grand Angle.

2- Jean de Florette

Jean de Florette est la première partie de L’eau des collines, le célèbre diptyque romanesque publié en 1963 par Marcel Pagnol. En 1986, Jean de Florette est adapté au cinéma par Claude Berri, avec Daniel Auteuil (Ugolin), Yves Montand (le Papet) et Gérard Depardieu (Jean Cadoret).

Dans un petit village de Haute Provence, César Soubeyran, dit le Papet, et son neveu et filleul Ugolin, célibataire endurci, convoitent un terrain, où coule une source, pour y cultiver des œillets. Ils provoquent la mort de son propriétaire, Pique-Bouffigue, et décident de boucher discrètement la source. Ils espèrent ainsi racheter à un prix modique cette propriété. Mais l’héritier, Jean de Florette, un bossu de la ville, idéaliste et naïf, vient s’y installer avec sa femme et sa fille. Il est décidé à y élever des lapins. Hypocritement, Ugolin va nouer une relation amicale avec lui pour mieux faire main-basse sur sa ferme…

Le scenario révèle, non sans humour, la mesquinerie de l’âme humaine. Les Soubeyran sont, en effet, autant attachants que cyniques. Pagnol s’éloigne ainsi de l’esprit nostalgique des Souvenirs d’enfance. Mais le scenario est davantage achevé. Le tome 1 est dessiné par Alexandre Tefenkgi. Dans un découpage judicieux, son dessin semi-réaliste convient bien à ce récit dramatique. La luminosité des couleurs de Yoann Guillé magnifie les paysages de Provence. Christelle Galland lui succède pour dessiner le tome 2.

Jean de Florette – volume 1, 16,90 euros. Editions Bamboo. Grand Angle.

3- Les comédies

* Topaze

Topaze est à l’origine une pièce de théâtre de Marcel Pagnol, représentée pour la première en 1928. Topaze a fait l’objet de plusieurs adaptations au cinéma, dont la plus connue a été réalisée en 1951 par Marcel Pagnol, avec Fernandel.

Instituteur un peu naïf, Topaze est d’une très grande honnêteté. Mais sa moralité le conduit à se faire licencier de l’établissement où il enseigne, pour avoir refusé de truquer les notes du fils d’une baronne. Désormais sans emploi, Topaze donne des cours particuliers au neveu de la maîtresse d’un conseiller municipal véreux qui détourne des fonds publics. Il va devenir son homme de paille. Progressivement, grisé par l’argent et le pouvoir, Topaze va transgresser ses principes moraux…

Tout en dénonçant l’affairisme, ce scenario révèle qu’il est parfois bien difficile de conserver sa droiture morale… Dans un découpage créatif, le dessin semi-réaliste et caricatural d’Eric Hübsch accentue les personnalités des protagonistes. L’expressivité de Topaze le rend ainsi très sympathique. Il est mis en valeur par les couleurs lumineuses de Sandrine Cordurié.

Topaze, 2 tomes, 15,90 euros chacun. Editions Bamboo. Grand Angle.

* Cigalon.

Cigalon est, à l’origine, un film français réalisé par Marcel Pagnol en 1935.

Par un beau dimanche ensoleillé, une famille qui se balade au cœur de la Provence arrive dans un village pittoresque. « Le Cigalon » est l’unique restaurant. Il propose comme spécialités « des conserves ». La famille prend place sur la terrasse vide et s’impatiente que personne ne vienne prendre la commande. Arrive alors un chef exubérant qui refuse de servir le moindre plat…

Cette adaptation dynamique qui ne connaît pas de temps mort, enchaînant les situations ubuesques, procure un réel plaisir de lecture. Maîtrisant toujours son dessin semi-réaliste, Eric Hübsh rend ses personnages expressifs. La colorisation de Sandrine Cordurié restitue la luminosité des décors dans lesquels Pagnol a tourné son film.

Cigalon, 16,90 euros. Editions Bamboo. Grand Angle.

* Le Schpountz

Le Schpountz est à l’origine un film réalisé par Marcel Pagnol en 1938, avec Fernandel dans le rôle principal.

Irénée, commis-épicier inefficace à Marseille, est persuadé qu’il dispose d’un talent naturel pour devenir un grand acteur de cinéma. Une équipe de tournage qui fait halte devant l’épicerie va abuser de sa naïveté. Irénée tente de faire valoir son talent. Les professionnels du cinéma sont persuadés qu’il s’agit d’un Schpountz : un prétentieux qui est convaincu à tort d’être un acteur exceptionnel. Irénée part à Paris dans l’espoir de devenir acteur…

Cette bande dessinée, comme le film, critique le monde cruel du cinéma. Elle mêle tragédie et comique. On retrouve avec plaisir la tirade « tout condamné à mort aura la tête tranchée » ! Les protagonistes sont hauts en couleur, touchants, parfois dramatiques ou pathétiques. Les travers du Schpountz sont traités avec une certaine humanité, ce qui le rend attachant. Mais le dessin semi-réaliste d’Efix est trop caricatural. Il tranche avec les autres tomes de la série.

Le Schpountz, 16,90 euros. Editions Bamboo. Grand Angle.

4- Les drames.

* Merlusse.

Merlusse est à l’origine un film réalisé par Marcel Pagnol en 1935.

A la veille de la Noël 1913. Dans un lycée marseillais, le chef d’établissement discute avec son adjoint du choix de la promotion à accorder, soit au pistonné Delacre, soit à Blanchard le balafré, surnommé « Merlusse ». Ce dernier est terriblement craint par les élèves. Ses collègues lui abandonnent les tâches dont personne ne veut. Le chef d’établissement doit également décider qui, parmi les surveillants, assurera les gardes de la soirée du réveillon. Il choisit Merlusse, dernier arrivé au sein de l’équipe pédagogique. La plupart des élèves quittent la cour de récréation pour rejoindre leurs parents. Mais ceux qui, abandonnés par leurs parents, passent les fêtes au lycée, vont s’installer en salle d’étude. Parce qu’un collègue se désiste, Merlusse doit même, lors de la nuit de Noël, surveiller le dortoir. Il va alors offrir des cadeaux aux pensionnaires et s’attirer leur reconnaissance…

Les scénaristes adaptent avec réussite ce film méconnu de Marcel Pagnol. Certains dialogues sont tirés de ce film écrit à l’origine sous la forme d’un conte de Noël. Par un trait fin et réaliste, le dessinateur A. Dan montre bien le rejet que subit l’énigmatique Merlusse. Mais, surtout dans la première moitié de l’album, la colorisation de Magali Paillat manque de luminosité. Une bande dessinée d’une belle humanité.

Merlusse, 15,90 euros. Editions Bamboo. Grand Angle.

* Jazz.

Jazz est à l’origine une pièce de théâtre de Marcel Pagnol, représentée pour la première fois en 1926.

Blaise, devenu professeur de grec à l’Université d’Aix-en-Provence, a consacré toute son existence à l’étude d’un manuscrit qu’il a trouvé et qu’il croyait rédigé par Platon. Il a ainsi sacrifié sa vie affective. Mais après 30 ans de recherches, alors qu’il est en lice pour obtenir une chaire à la Sorbonne, un autre professeur vient de démontrer qu’il s’était trompé. Sa réputation est ruinée. Blaise prend conscience qu’il est alors passé à côté de sa vie. Il tente de rattraper le temps en épousant l’une de ses jeunes étudiantes. Mais il est en proie à des hallucinations avec son double plus jeune…

Cette comédie prenant une tournure dramatique et fantastique, avec le double de Blaise, offre en réalité une réflexion sur l’importance de notre choix de vie face au temps qui passe. Par un dessin épuré, dans des décors dépouillés, A. Dan insiste sur l’expressivité des personnages. Sa colorisation lumineuse est réussie.

Jazz, 16,90 euros. Editions Bamboo. Grand Angle.

5- Les pestiférés.

Les Pestiférés est un roman posthume inachevé de Marcel Pagnol.

En 1720, à Marseille. Trois cadavres sont retrouvés aux portes de la ville. C’est sans doute l’œuvre de la peste. Maître Pancrace, médecin, qui soigne les miséreux comme les riches, organise dans un premier temps son quartier bourgeois, sur les hauteurs de Marseille, loin du Vieux Port, pour qu’il échappe à l’épidémie de peste. Les habitants de son quartier, qui accumulent de vastes provisions de vivres, ne doivent avoir aucun contact avec le reste de la société. Ils barricadent les maisons, condamnent les rues et empilent même des cadavres pour effrayer les pillards. Ils seront contraints de quitter Marseille pour survivre. Rejetés des villes de Provence, ils se réfugient dans une grotte isolée. Mais vivant en autarcie pendant plusieurs années, rejetant la religion, connaissant un délitement des mœurs, ils seront exécutés par l’armée !

A l’origine, le récit Les pestiférés, inachevé, est retrouvé au fond d’un tiroir après la mort de Marcel Pagnol. L’écrivain s’est inspiré de faits historiques (la peste de Marseille de 1720) pour construire un conte social, jonglant humour et drame. Ce roman est intégré dans Le Temps des amours, quatrième volet des Souvenirs d’enfance. L’écrivain a raconté à son fils la fin qu’il envisageait. Grâce à cette tradition familiale, c’est Nicolas Pagnol, le petit-fils de l’écrivain, qui révèle cette conclusion, reprise par les scénaristes. Mais on regrette que la surprenante fin du récit, beaucoup trop rapide, devienne l’éloge de l’anarchie. Marcel Pagnol ne nous avait pas habitué à une telle critique de la société et du poids de la religion chrétienne ! Cette fin tranche véritablement avec le reste de l’histoire. Samuel Wambre parvient à reconstituer Marseille au début du XVIIIème siècle. Son dessin très gras est spontané. Ses couleurs restituent la luminosité de la Provence.

Les pestiférés, 19,90 euros. Editions Bamboo. Grand Angle.

Kristol Séhec

Crédit photo : DR
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