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Le Muscadet face à la crise sanitaire

Le confinement du pays a provoqué une mise à l’arrêt brutal du secteur vinicole, au moment même où se tenait la saison des salons qui engage la signature des futurs contrats et partenariats porteurs d’une précieuse visibilité économique. La crise frappe l’ensemble du monde vinicole, mais elle se manifeste avec plus ou moins de dureté, selon les positionnements commerciaux occupés par les différents vignobles.

Ainsi les ventes des champagnes accusent-elles la plus forte régression (-60 %) en raison de l’annulation de tous les événements festifs et de la paralysie de ses exportations, alors que de profondes inquiétudes commencent à poindre pour la commercialisation du rosé dans les régions du sud. En effet, le scénario d’une saison touristique en demi-teinte ou bridée par des restrictions de flux interrégionaux est susceptible d’avoir des conséquences irrémédiables sur les ventes d’un vin ultra-saisonnier produit en quantité considérable.

Dans ce sombre tableau, les ventes de muscadets n’échappent pas au retentissement du « black-out » généralisé de l’économie.

Mais à la différence des vins spécialisés sur un segment saisonnier, le vignoble du pays nantais grand coutumier des à-coups conjoncturels, semble cette fois mieux armé pour entamer un prompt rétablissement. Les atouts de la résistance du Muscadet face à la crise se relient à l’aggiornamento structurel et culturel mené sur les trois dernières décennies, à l’origine d’une profonde transformation de la physionomie du Muscadet.

Depuis le traumatisme du gel de 1991 qui avait précipité la filière dans les abîmes d’une crise de mévente sans précédent, la recherche d’une expression aboutie du terroir guide désormais le travail des meilleurs vignerons.

Depuis lors, les muscadets ont reconquis le cœur de leurs plus virulents détracteurs, à savoir les Nantais eux-mêmes, et la constance qualitative des crus communaux a permis d’asseoir la singularité d’un grand vin de terroir dans le monde entier.

Pour l’heure, l’impact du confinement n’a pas fini de produire ses effets destructeurs sur la santé des exploitations vinicoles, déjà mises à mal par les derniers épisodes de gel printaniers. Une fois la crise dissipée, l’enjeu pour chaque vignoble consistera à récupérer les marchés perdus, et sur ce point, la réorientation ambitieuse initiée depuis 30 ans par le Muscadet devrait faciliter les conditions d’un retour en grâce.

L’effondrement du marché

Ces dernières années, un travail notable impliquant tout l’écosystème nantais avait redoré l’attrait touristique du vignoble. Si l’on est encore loin des standards alsaciens, les progrès réalisés en matière d’accueil et de communication ont considérablement accru le développement des ventes directes d’un nombre croissant de propriétés.

Route des vins, événements culinaires du Voyage à Nantes, le festival du Hellfest : autant d’éléments d’attraction qui ont concouru à faire revenir les touristes dans le décor pittoresque des plus beaux vignobles du Sèvres-et-Maine (autour de Saint-Fiacre notamment).

La renaissance doit aussi beaucoup à la longue entreprise de reconquête du marché de la restauration nantaise, qui avait coutume de bouder les vins du pays pour des valeurs plus rassurantes du Centre-Loire. Sous l’égide de l’association Les Vignes de Nantes, les meilleurs ambassadeurs du Muscadet ont repris avec force leurs positions perdues sur les cartes des plus beaux restaurants de la région nantaise.

Malheureusement aujourd’hui, tous ces efforts de réhabilitation semblent réduits à néant avec ce  sentiment de profonde injustice de voir ces nouveaux marchés chèrement gagnés, accentuer de plus belle la chute des ventes. En effet, l’activité commerciale maintenue par le réseau des cavistes  et le secteur de la GMS (grande distribution) sont loin de compenser la bonne profitabilité des ventes directes et de remplacer la manne précieuse offerte par le nouveau débouché de la restauration.

Une crise violente mais courte ?

L’élément rassurant s’il faut en trouver un… est de se rappeler que cette crise revêt sûrement un caractère très temporaire et ne doit son déclenchement qu’à la survenue d’un phénomène exogène totalement imprévisible. Autrement dit, le Muscadet n’est pas confronté au schéma d’une crise vinicole classique révélant généralement des failles structurelles beaucoup plus longues à surmonter.

Ainsi, pour mémoire, le gel de 1991 avait-il jeté une lumière crue sur le choix hasardeux de conquérir les marchés extérieurs par l’entrée de gamme. Après les premiers temps du succès, l’absence de récolte avait conduit au renchérissement des prix et entraîné la désaffection brutale de ces marchés d’exportation ravis sur l’autel du bas prix.

Aujourd’hui, contrairement à d’autres vignobles habitués à flirter avec les règles de la surproduction, le Muscadet est parvenu à réduire la voilure : les rendements demeurent à peu près contenus au regard d’une certaine époque et le terroir a su se désengager des sites les moins propices à la viticulture. Comme à son habitude, l’impénitent Languedoc réclame, lui, une distillation de crise pour sauver la filière et souhaite notamment par la voix du député Éric Andrieux : reconvertir des vins d’origine obscure à un usage prophylactique (gel hydroalcoolique), dont ils n’ont d’ailleurs jamais été très éloignés, même sans le recours de la distillation…

Fort heureusement le pari du terroir permet en partie d’éviter au Muscadet de s’en remettre à cette douloureuse résolution qui se réserve uniquement aux vins n’ayant aucun débouché naturel en temps normal…

Darwinisme vinicole, seuls les meilleurs survivront…

Chaque crise qui secoue le monde vinicole épure un peu plus les forces en présence. Le constat peut sembler froid et sans compassion mais ainsi vont les choses sur un marché animé par une demande de plus en plus qualitative et dont le volume de production est voué à se contracter d’année en année.

Alors oui, dès que le marché tressaille, une frange de vignerons (souvent des coopérateurs), dont les vins s’anonymisent le plus souvent dans le vrac, subissent avec une intensité particulière le resserrement des achats.

Pour autant la crise impacte sans plus de ménagement le travail reconnu des vignerons les plus courtisés du Muscadet. Mais à la différence que si la crise ne perdure pas trop longtemps, une fois surmontées les tensions de trésorerie, les meilleurs domaines recouvreront sans tarder leurs positions passées.

Car une constante se dégage et donne une certaine immunité aux vins de terroir authentiques qui revendiquent par leur forte individualité une véritable raison d’être, consolidée par leur relative rareté sur le marché de l’offre et de la demande. Elle répond en outre à la recherche naturelle des œnophiles toujours désireux de les acquérir.

Raphno

Crédit photos : DR
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