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Adrian Gilles (Boisson Divine) : « Une langue qui est parlée ne meurt pas » [interview]

Boisson Divine, à écouter sans modération ! Depuis 2005, ce groupe de musique du sud-ouest fait la fierté de la Gascogne. Avec un style punk-rock à la Dropkick Murphys, ses membres chantent dans la langue de leurs aïeux et ont sorti il y a quelques mois leur 3ème album, intitulé « La Halha ».

Breizh Info s’est entretenu avec Adrian Gilles, l’un des fondateurs de ce groupe de musiciens passionnés et passionnant, et a même eu la chance d’obtenir une exclusivité qui devrait ravir les fans…

Breizh Info : Pouvez-vous présenter les membres de votre groupe et leurs instruments respectifs ?

Adrian : Il y a Baptiste Labenne, qui est chanteur et fait la voix principale, il joue aussi de la guitare ; Florent Gilles, mon frangin, qui officie à la basse ; Pierre Delaporte qui s’occupe des instruments traditionnels, notamment la cornemuse landaise qu’on appelle « boha », l’accordéon diatonique, qui chante également ; il y a Ayla Bona, aussi spécialisée dans les instruments traditionnels comme la flabuta (on ne prononce pas le a final!), sorte de flûte à trois trous, ainsi que du tambourin à cordes ; Lucas guitariste et moi, batteur et chanteur.

Breizh Info : Quelle est l’origine de « Boisson Divine » ?

Adrian : Boisson Divine, c’est le projet de Baptiste et moi-même. Nous étions ensemble dans un tout petit collège du Gers, nous étions deux « metalleux » donc on s’est rapidement lié d’amitié. On a commencé à jouer ensemble et on a très vite composé, car c’est ce qui nous plaît dans la musique. En grandissant on s’est émerveillé de notre histoire, de la culture de notre région, de notre Gascogne, et une fois qu’on a mis le doigt dans cet engrenage on ne s’arrête plus ! Tout cela s’est naturellement retrouvé dans notre musique.

Breizh Info : Pourquoi avez-vous choisi de chanter en Gascon ?

Adrian : Au début nous composions en Français, nos chansons racontaient surtout des événements du quotidien, liés par exemple à notre équipe de rugby, avec un côté un peu « brute » et punk-rock, qu’on retrouve dans le premier album de Boisson Divine enregistré en 2013. Celui-là, nous ne l’avions fait qu’à deux, avec Baptiste.
A cette époque on ne maîtrisait pas encore le Gascon (à ne pas confondre avec l’Occitan…sujet très clivant ! NDLR) mais on s’est instruit et nous avons aussi pu apprendre en côtoyant le grand-père de Baptiste qui lui parlait dans cette langue.
On s’est mis à composer en Gascon très naturellement, sans forcément en faire le choix de manière explicite. C’est qui plus est une langue très chantante, très imagée.
On a l’habitude de dire qu’une langue qui est parlée ne meurt pas, c’est plutôt sympa que l’initiative vienne d’un groupe de jeunes comme le nôtre.

Breizh Info : Quelles sont les thématiques que vous préférez aborder dans vos chansons ?

Adrian : Grosso-modo il y en a trois.

Il y a le côté « vie de tous les jours dans le sud-ouest », que j’évoquais plus tôt, qui comprend nos histoires autour du rugby, des copains, de la vie qu’on mène en Gascogne, de la fête… Beaucoup de gens disent que nous sommes « festifs », c’est un compliment mais aussi un peu réducteur, on ne voudrait pas être de nouveaux « Patrick Sébastien » !

Le côté historique est aussi très présent dans Boisson Divine. On parle de personnages qui ont marqué l’histoire de la Gascogne, voire de la France voire même du monde. Dans notre dernier album on a une chanson sur le Roi de Suède, qui est issue de la famille Bernadotte, une famille d’origine béarnaise ! C’est intéressant de revenir sur une parcours comme celui-là.
On avait aussi écrit une chanson sur les Gascons qui ont émigré aux Etats-Unis, et une sur le chevalier de Xaintrailles, qui était un compagnon de Jeanne d’Arc. C’est une figure très emblématique et très importante en Gascogne qui n’est pourtant pas très connue ailleurs. Il n’y a pas que D’Artagnan et Cyrano de Bergerac !

Enfin, il y a un côté « mythologique ». On aborde des mythes et des légendes pyrénéennes, c’est d’ailleurs particulièrement présent dans notre dernier album, nommé « La Halha ». Béliou, dieu solaire pyrénéen, figure sur la pochette, il s’agit en fait de la représentation d’une stèle que nous sommes allés voir plusieurs fois lors de randonnées. Même les chercheurs n’ont pas réussi à la dater. Elle a été retaillée en Croix par les Chrétiens mais est plus ancienne, c’était un cercle avec une telle un peu globuleuse, qui représente donc Béliou, qui fixe le pic du Midi de Bigorre qui se situe juste en face de lui. Comme la langue gasconne, ça nous fascine et ça inspire le groupe !

Breizh Info : Vous considérez-vous comme un groupe musical païen ?

Adrian : J’imagine, dans le sens où on transmet par notre musique ces mythes et légendes qui pour beaucoup datent d’une époque pré-chrétienne. On est six dans le groupe, avec des horizons différents, on n’a pas de revendication païenne. Moi ça me parle mais ce n’est pas forcément le cas d’Ayla ou de Lucas.

Breizh Info : L’alliance des instruments traditionnels celtiques et des guitares électriques rappelle Dropkick Murphys, avez vous été inspiré par ce groupe bien connu et avez vous d’autres sources d’inspiration ?

Adrian : C’est vrai pour Dropkick ! En revanche, même si on pense instinctivement aux instruments celtiques, ceux qu’on utilise sont vraiment en lien cohérent avec notre vie et notre culture gasconne. On utilise donc une cornemuse landaise, un boulho, propre aux landes de gascogne, avec un bourdon variable, ce qui est très particulier en France et qui n’a rien à voir avec la cornemuse écossaise aussi utilisée en Bretagne, qui a plusieurs bourdons.

La flabuta est elle une flûte de chez nous, qu’on ne retrouve pas ailleurs.

On a là aussi des origines très diverses, moi je suis plutôt métal tandis qu’Ayla et d’autres seront plutôt « chansons traditionnelles gasconnes ».
Notre premier album était vraiment « punk-rock », brut de décoffrage, à la Dropkick, ensuite il y a toute une influence heavy-metal des années 80 dont Iron Maiden qui est certainement le groupe qui fait l’unanimité parmi les membres de Boisson Divine.
Il y a aussi un apport des musiques traditionnelles du sud ouest, provenant des bals, pouvant faire danser les gens. Il y a le groupe Nadau qui nous a beaucoup marqué quand on était gamin.

Breizh Info : Votre 3ème album, « La Halha », est sorti le 27 mai dernier. Comment le définiriez-vous ?

Adrian : On dit « La Halha », en inspirant le « h » du début et en ne prononçant pas le « a » final.
Cela signifie « le grand brasier », le feu du solstice qu’on peut retrouver l’été ou l’hiver. C’est un grand feu autour duquel on chante… Ce qui fait échos à l’aspect « païen » évoqué plus tôt.

Le changement majeur est la méthode d’enregistrement. Les deux premiers albums nous ont permis d’acquérir des connaissances et de savoir comment s’y prendre, là nous avons enregistré la batterie, la guitare et le chant en studio-pro alors qu’auparavant on faisait tout cela chez nous. Le mixeur a fait des prises de son, ça a eu un grand apport.
Sur le plan purement physique il y a eu beaucoup de progrès !

Concernant les compositions, c’est assez original puisque nous n’avons jamais écrit de chanson dans le but d’enregistrer un album ou de faire des concerts.
On arrive à ces étapes là toujours très naturellement, on sort un CD quand on a assez de chansons pouvant coller à une même thématique et on fait des concerts parce que ça plaît aux gens et que cela nous permet de parler de la Gascogne un peu partout.

Baptiste est vraiment un artiste qui n’arrête pas de composer ! Donc on se réunit autour d’une table pour définir la cohérence de l’album. On aurait déjà de quoi en faire un autre si on le souhaitait !

Breizh Info : La crise sanitaire a t-elle eu un impact sur vos activités ?

Adrian : Elle n’a pas eu d’impact sur l’album, le premier confinement nous a même presque « aidé » puisque les gens étaient en attente, ils suivaient beaucoup les actualités sur Facebook parce qu’ils avaient plus de temps, cela nous a fait une bonne promo et les pré-ventes ont « explosé » !
Par contre, au niveau concert et projet, on a bien sûr été mis à l’arrêt comme tout le monde. On avait des concerts prévus en Espagne, au Portugal, en France… J’espère que ce sera reporté. On est en manque de scène, en attendant on se demande – et c’est une exclusivité pour Breizh Info ! – si on ne va pas enregistrer une sorte de CD acoustique de nos chansons, travaillées différemment, insistant sur nos voix, à écouter devant la cheminée…

Et si le retour des concerts en 2021 permettait de revoir Boisson Divine en Bretagne ? Le groupe est ouvert aux propositions !

Breizh Info : Songez-vous à organiser des concerts en 2021 et les lecteurs de Breizh Info peuvent-ils espérer vous voir passer en Bretagne ?

Adrian : On a joué à côté de Nantes lors d’une super festival en 2019. On aime bien passer le week-end là où on joue, Baptiste est vigneron donc il apporte du Floc de Gascogne et nous on goûte aux vins locaux. Cela nous permet aussi de tisser des liens et les gens de la région nantaise aimeraient nous faire revenir !
On n’a pas encore de contact dans la Bretagne plus profonde mais ce serait super, je pense que le public breton est concerné par une musique de style similaire au nôtre, en tous cas ça nous ferait plaisir et nous sommes ouverts aux gens qui prendraient contact avec nous !

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Pour acheter le nouvel album de Boisson Divine, cliquez ici.
Site officiel : boissondivine.com

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Propos recueillis par Louis Marceau

Crédit photo : Page Facebook officielle de Boisson Divine
[cc] Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine 

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