Les Samaritains pratiquent une religion très proche du judaïsme et qui plonge ses racines dans la haute Antiquité. Pour comprendre qui sont ces survivants d’un passé presque révolu, un rappel d’Histoire est nécessaire. Selon la Bible, à la mort de Salomon en 931, le peuple juif se divisa en 2 royaumes : au sud celui de Juda dirigé par le fils de Salomon, Roboam, rassembla les tribus de Juda et de Benjamin. Au nord celui d’Israël regroupa les 10 tribus restantes (Ruben, Siméon, Levi, Issacar, Zabulon, Dan, Asher, Manassé, Éphraïm et Lévi). Juda, étant plus homogène ethniquement et religieusement resta plus ferme dans sa foi en Yahvé alors que son concurrent nordiste est accusé tout au long de son histoire d’avoir introduit dans ses sanctuaires à côté du culte juif des représentations de Baal et d’autres idoles païennes.
Les débuts de ces 2 royaumes au Xième siècle avant JC sont obscurs et on ne possède aucune trace archéologique datant de cette période. La Bible n’est pas en effet une source fiable. Écrite bien longtemps après les événements, elle a tendance à les enjoliver et à donner une vision favorable de Juda tout en accablant Israël. Ainsi, des historiens relativisent les rôles de David et de Salomon, le premier étant pour eux à la tête d’une chefferie peu organisée et le second, le roi sans influence d’une cité secondaire, Jérusalem. On est néanmoins sûr que David a existé, car on a retrouvé une stèle donnant le nom d’un roi de Juda avec le qualificatif « de la maison de David ».
À certains moments, Israël était la puissance dominante du Proche Orient, mais ses rois finirent par accepter la tutelle de l’Assyrie avant de se révolter.Mal leur en prit, car en 722 avant JC les Assyriens ont rayé Israël de la carte, sa population a été en partie déportée ; au vu des chiffres donnés par les Assyriens on estime à 20 % le nombre d’Israélites déplacés de force. Cet exode a donné naissance au mythe des dix tribus perdues d’Israël. Les thèses qui expliquent ce que seraient devenus ces exilés juifs sont nombreuses et souvent fantaisistes, depuis les mormons qui prétendent que les dix tribus d’Israël ont peuplé l’Amérique, jusqu’à celle qui les fait émigrer en Afrique noire. Selon la thèse la plus crédible, les Pachtounes au sein desquels se recrutent les talibans, seraient les descendants de ces déportés juifs. En effet, la région où, selon la Bible, ces derniers ont été installés semble correspondre à l’Afghanistan. Les Talibans sont répartis en tribus dont les noms rappellent étrangement leurs homologues hébraïques : Efridi pour Éphraïm, Rabani pour Reuben, Shinwari pour Asher, Gadum pour Gad, Lawani pour Lévi et Samani pour Simon. D’autre part, les Pachtounes ont conservé nombre de coutumes juives : la circoncision à 8 jours et non à 12 ans comme les autres tribus musulmanes, l’allumage de bougies le vendredi soir, le port de franges aux vêtements de prières. Les hommes se laissent pousser des papillotes, certaines tribus pratiquent le bain rituel selon les règles de la Thora et ne travaillent pas le jour du shabbat. Elles se référèrent également au Code pénal hébraïque. Les Pachtounes évitent de mélanger le lait et la viande, certains clans jeûnent à Kippour et pratiquent la coutume du bouc émissaire. L’étoile à 6 branches est largement répandue jusque dans les mosquées, le chandelier à 6 branches est connu des Pachtounes ainsi que les mezouzas à l’entrée des maisons. Enfin au XIXièmesiècle ces tribus se définissaient elles-mêmes comme enfants d’Israël ou enfants de Joseph.
Si une partie de ceux qui n’ont pas été déportés se sont réfugiés dans le royaume de Juda, d’autres sont restés sur le territoire de l’ancien Israël où ils se sont mêlés avec des populations amenées par les Assyriens. Ceux-ci pratiquaient en effet le brassage ethnique pour régner sur leurs sujets divisés. Le nouveau peuple issu de la fusion d’éléments juifs (sans doute largement majoritaires) et des colons étrangers a pris le nom de Samaritains, du nom de la ville principale de cette région Samarie. Si les Judéens ont dès le départ reproché à ces derniers leur métissage, d’être de « faux juifs », une analyse génétique a montré que les Samaritains et les Juifs actuels ont, en fait les mêmes ancêtres hommes et que les Samaritains sont plus proches des Juifs que de leurs voisins musulmans. Cette constatation relativise donc l’apport des colons non juifs aux Samaritains. De plus, la religion pratiquée par les Samaritains est incontestablement juive sans aucune influence du paganisme. Elle est fondée sur le Pentateuque samaritain dont la seule différence avec le Pentateuque Juif est le refus de l’importance accordée à Jérusalem et son remplacement par le mont Garizim. Néanmoins, du temps du royaume d’Israël, le mont Garizim n’avait pas une telle importance. Il existait en effet deux temples principaux à Béthel et à Silo. Ce n’est qu’au temps des Perses et après le refus des Judéens revenus d’exil d’accepter les offrandes des Samaritains dans leur nouveau temple que ces derniers ont construit un temple concurrent de celui de Jérusalem sur le mont Garizim.
Les Samaritains refusent les livres de la Bible hébraïque postérieurs au Pentateuque (livres des Prophètes et livres hagiographiques). Comme les karaïtes ils n’acceptent pas le Talmud et n’ont pas de Rabbins. Ils sont dirigés par un Grand-Prêtre, le plus âgé d’une famille sacerdotale qui descendrait de des Lévites, cette tribu juive, sans territoire propre et constituée de servants du culte. Le Pentateuque samaritain est écrit en Hébreu samaritain en utilisant l’alphabet samaritain, une variante de l’ancien alphabet paléo-hébraïque abandonné par les Juifs et qui est directement inspiré par l’alphabet phénicien. Les Samaritains rajoutent un dixième commandement qui impose le mont Garizim comme centre du culte. Pour conserver le nombre 10 du décalogue, les Samaritains considèrent que le premier commandement juif « je suis l’Éternel ton Dieu, qui t’a fait sortir du pays d’Égypte, du pays de la servitude » n’est en fait qu’une simple présentation. Pour les Samaritains, les sages juifs ont, pour respecter le nombre de commandements indiqué dans le livre de l’Exode, supprimé le dixième commandement relatif au mont Garizim et transformé la présentation en commandement. Les Samaritains ne reconnaissent comme prophète que Moïse, ils croient en la résurrection des corps lors du jugement dernier ainsi qu’à l’avènement du messie (le Taheb) qui sera l’égal de Moïse.
Les Samaritains ont eu de mauvaises relations avec les Juifs à partir de 500 avant JC, même si on sait que certains d’entre eux faisaient des offrandes au temple de Jérusalem. Au temps des Romains de nombreux affrontements armés avec les Juifs sont relatés par les historiens latins. La parabole christique du bon samaritain ne se comprend que si on connaît la très mauvaise réputation des Samaritains. Que l’un, d’entre eux, se révèle plus compatissant qu’un lévite servait à montrer l’universalité du message du Christ. Après l’avènement du christianisme, les Samaritains ont été persécutés par les Byzantins. Ils se sont rebellés en 529 contre Justinien sous la direction d’un leader charismatique Julianus Ben Sammar, mais ils ont été massacrés, vendus comme esclaves ou convertis de force. Les Samaritains seraient passés de quelques centaines de milliers de membres à une population résiduelle. Deux autres révoltes en 554 et en 594 ont achevé de diminuer drastiquement le nombre de Samaritains. En outre, après la conquête de la Palestine par les musulmans en 636, beaucoup de Samaritains se sont convertis à l’Iislam Les Juifs soumis aux mêmes persécutions ont survécu principalement en exil, alors que les Samaritains sont restés dans leur grande majorité sur place, même si, au cours de l’histoire, de petites communautés samaritaines ont pu exister hors de Palestine.
En 1917, il n’y avait plus que 146 Samaritains, ils ont entamé depuis une lente renaissance. En 2003, ils étaient 346 en Israël et 308 en Cisjordanie contre un total de 808 en 2020.
Les Samaritains actuels sont frappés par de nombreux handicaps provoqués par la consanguinité, les mariages se faisant au sein d’une communauté restreinte. Pour résoudre ce problème, le Grand Prêtre samaritain a autorisé des unions avec des Juives ou des Russes non juives, du moment que les femmes se convertissent. Ce changement de religion oblige ces dernières à accepter les règles complexes de pureté rituelle ce qui n’est pas facile pour des femmes modernes.
Christian de Moliner
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