Trump et le paradoxe de la « substitution des élites » : une nouvelle ère pour l’Amérique ?

Avec le retour de Donald Trump sur le devant de la scène politique américaine, les analystes scrutent ses prises de position sur l’économie, l’immigration et la politique étrangère. Mais au-delà des réactions de ses détracteurs ou de ses partisans, Trump incarne une dynamique politique qui pourrait bien devenir le modèle de référence en Occident pour les décennies à venir. Il est donc essentiel de s’intéresser aux caractéristiques du mouvement qu’il dirige et qui semble désormais représenter plus qu’une simple anomalie dans le paysage politique.

Depuis sa défaite en 2020, Trump était souvent perçu comme une curiosité politique. Pourtant, son retour marque l’affirmation d’un mouvement national-populiste qui semble prêt à modeler les États-Unis à son image. Jusqu’aux prochaines élections de mi-mandat en 2026, cette influence pourrait s’intensifier, avec une majorité conservatrice au Congrès et à la Cour suprême.

Le « raz-de-marée » républicain du 5 novembre s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, la rhétorique populiste de Trump, qui a inspiré de nombreux partis, y compris lors de cette campagne présidentielle, dans des pays où le style populiste se généralise, car il résonne auprès d’un électorat désillusionné par les politiques classiques. Cette approche traduit un besoin de solutions concrètes, comme la relocalisation des emplois manufacturiers et le renforcement des frontières, répondant ainsi aux préoccupations de citoyens souvent déconnectés des élites politiques de Washington.

Cependant, l’élément le plus notable du retour de Trump réside dans sa dénonciation des élites et de leur influence déclinante. Cette fois encore, Trump met en lumière la dissolution des anciennes frontières idéologiques entre « gauche » et « droite », comme en témoigne son rapprochement avec d’anciens démocrates tels que Robert Kennedy Jr. et Tulsi Gabbard. En cela, Trump critique une classe dirigeante déconnectée des citoyens, vivant non plus en symbiose avec eux mais à leurs dépens, prospérant tout en gouvernant contre les intérêts populaires.

Ce phénomène n’est pas unique aux États-Unis, mais se retrouve en Europe, où les classes populaires se sentent souvent trahies par une gauche qui, au fil des décennies, a abandonné les préoccupations ouvrières pour se tourner vers des politiques identitaires. Pour Christopher Lasch, dans La révolte des élites, cette trahison des élites mine la démocratie elle-même, tandis que Julien Benda dénonçait déjà en 1927 dans La Trahison des clercs le renoncement des intellectuels à leur rôle moral pour embrasser les passions politiques.

Trump, en phase avec les avertissements de Lasch et Benda, ne cherche donc pas à détruire les élites, mais à en remplacer celles qui, selon lui, ont trahi les valeurs de la République. Son ambition est de restaurer une élite qui incarne réellement l’autorité morale et intellectuelle nécessaire pour une société stable. La victoire de Trump peut ainsi être vue comme le début d’une refonte des élites, visant à rétablir un leadership engagé et responsable.

Toutefois, ce mouvement de substitution des élites s’accompagne d’un avertissement : l’efficacité du discours populiste porte un coût social, en fragmentant davantage une société déjà polarisée. Bien que le populisme réponde à une demande populaire forte, il comporte le risque de diviser profondément la société américaine. La politique américaine reste, dans ce contexte, une anomalie où le clivage partisan frôle le sectarisme, menaçant ainsi la capacité de la nation à définir un projet commun, essentiel pour le bien-être de l’Occident tout entier.

Juan A. Soto

Photo  d’illustration : DR
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2 réponses à “Trump et le paradoxe de la « substitution des élites » : une nouvelle ère pour l’Amérique ?”

  1. Gaï de Ropraz dit :

    Très bonne analyse de la situation actuelle que traversent les USA sous la direction de Trump. C’est rare en France de lire de tel propos, d’où le mérite de les citer.
    Bravo et merci à Breizh Info de donner la parole à Juan A. Soto.

  2. Pschitt dit :

    La victoire de Trump marque aussi la victoire des sentiments et des sensations sur les faits et les idées. La raison ne tonne plus en son cratère, le vrai cède le pas au ressenti. Ce bouleversement anthropologique, le mot n’est pas trop fort, est aussi amorcé chez nous depuis des décennies.

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