Du 11 juin 2025 au 11 janvier 2026, l’Institut du monde arabe à Paris consacre une grande exposition à Cléopâtre VII, dernière souveraine de la dynastie lagide. Intitulée Le mystère Cléopâtre, l’exposition propose un parcours dense et documenté pour tenter de démêler les faits de la fiction autour de celle qui fut à la fois cheffe d’État, stratège politique et figure de fantasmes occidentaux.
Une reine historique au cœur d’un récit romanesque
Née en 69 av. J.-C., Cléopâtre VII a régné sur l’Égypte jusqu’à son suicide en 30 av. J.-C., après la défaite d’Actium face aux forces d’Octave. Alliée successivement de Jules César puis de Marc Antoine, elle a su s’imposer comme une dirigeante habile dans un monde dominé par Rome. Mais sa mémoire a été vite brouillée : diabolisée par la propagande impériale romaine, fantasmée par les auteurs de tragédies et de récits populaires, la Cléopâtre réelle s’est peu à peu effacée derrière une figure de légende.
L’exposition réunit près de 250 œuvres – sculptures antiques, tableaux, objets d’art, films – pour dresser un portrait nuancé de la reine. Elle met en regard les recherches archéologiques et historiques les plus récentes avec la profusion d’interprétations qui, depuis l’Antiquité, n’ont cessé de remodeler son image. On y découvre comment l’icône féminine a été perçue tour à tour comme une déesse orientale, une séductrice vénéneuse, une mère érudite, une reine résistante ou une figure de la liberté.
Une légende façonnée à travers les siècles
Alors que les Grecs et les Égyptiens antiques l’honoraient comme une déesse, les auteurs romains, dans le sillage d’Auguste, en firent une femme débauchée responsable de la chute de Marc Antoine. Plus tard, les écrivains arabes du Moyen Âge la représenteront sous des traits plus nobles, érudite et protectrice de son peuple. À partir du XVIe siècle, sa figure est réinventée en Occident, notamment au théâtre, avant de devenir un objet de fascination cinématographique à l’ère des images de masse.
Sarah Bernhardt, puis Elizabeth Taylor, propulseront ainsi Cléopâtre dans l’imaginaire collectif, en héroïne tragique autant qu’en reine de beauté. Cette glorification n’est toutefois pas exempte d’instrumentalisations : Cléopâtre est devenue tour à tour symbole féministe, icône noire dans les luttes afro-américaines, incarnation de la résistance anticoloniale égyptienne, ou encore marque publicitaire.
L’exposition tente ainsi de faire le tri entre ces lectures multiples et parfois contradictoires. Elle souligne l’ambiguïté d’un personnage dont la modernité tient justement à cette plasticité : Cléopâtre fascine parce qu’elle échappe aux catégories toutes faites. Elle fut sans doute la première reine à s’adresser à ses sujets dans leur propre langue, une diplomate aguerrie, une stratège soucieuse de préserver l’indépendance de son royaume dans un monde en bascule. Et sa mort, bien loin de clore son histoire, a ouvert la voie à une mythification sans fin.
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