Gauche et extrême gauche à Rennes : heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage…

Aux prochaines élections municipales, il y aura-t-il une liste ou deux à gauche à Rennes ? C’est-à-dire une liste avec les Insoumis et les écolos et une seconde bâtie autour de Nathalie Appéré (PS), la maire sortante. On peut parier qu’au final ce sont les sondages portant sur les intentions de vote qui décideront de la marche à suivre.

Beaucoup de choses séparent les écolos et les Insoumis : l’Europe, le nucléaire, la décentralisation… Pourtant, en vue des prochaines élections municipales, des rapprochements sont en cours ; on se dirige même  vers une forme de marchandage. Effectivement, s’ils veulent s’imposer et dicter leurs conditions aux maires sortants socialistes, une espèce d’arrangement s’impose. Ou bien liste unique au premier tour, ou bien fusion au second ; de toute manière, “foutre la trouille“ aux socialistes peut être utile si les sondages portant sur les intentions de vote sont défavorables à l’opération « écolos-insoumis » ; il serait alors préférable de négocier des places éligibles avec les socialistes sur une liste d’« union ».  Pour l’instant, les Insoumis annoncent  leur « tarif » aux écolos : « Lyon, Tours, Bordeaux, Grenoble, Strasbourg… On veut bien les soutenir dans ces villes, mais ce n’est pas gratuit. Il faudra qu’ils renvoient l’ascenseur à Toulouse, Nantes, Rennes, Lille… », prévient Manon Aubry (LFI), député européen (Marianne, 7 mai 2025). « Comme toujours, le bras de fer est totalement assumé » : « On ne veut pas emmerder les écolos, on veut les inciter à gouverner plus à gauche » souligne un lieutenant de Jean-Luc Mélenchon. » (Marianne, 7 mai 2025). Aucune surprise à la vérité puisque cela fait plusieurs mois que Mélenchon « annonce qu’il lancera aux municipales de 2026 des candidats LFI contre les maires PS hostiles à sa personne et à son mouvement » (Le Point, 28 novembre 2024)

A Rennes, chez les Insoumis, deux personnes se verraient bien devenir maire. En premier lieu Ulysse Rabaté, professeur de sciences politiques, s’il n’est pas encore candidat, il y songe : « Aujourd’hui, c’est un peut tôt pour parler de candidature, même si, évidemment, des réflexions sont en cours. Avec l’association Rennes commune, on porte un travail ouvertement municipal. On rencontre des Rennaises et des Rennais qui ont envie que les choses changent, qui ont envie d’un projet plus marqué à gauche sur certaines questions pour cette ville. Aujourd’hui, mon travail est de construire une équipe, un projet, un rassemblement pour porter cela aux municipales de 2026. » « Il y a beaucoup de facteurs qui entrent en ligne de compte. La question des services publics, de l’aménagement  des quartiers, l’accompagnement des jeunes… Tous ces sujets-là, on ne peut pas les passer à la trappe. Une liste insoumise ou une liste à gauche de la majorité municipale en 2026 sera capable de les porter», poursuit-il (Le Mensuel de Rennes, décembre 2024). Fort bien. Mais le prof rêve… Ainsi lorsqu’il rappelle que « les scores de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle ont progressé, Le contexte a complètement changé », il a partiellement raison. Effectivement, au premier tour de la présidentielle de 2022, à Rennes, Méluche arrive en tête : 36,31 % (33 469 voix), alors que Yannick Jadot  n’occupe que la troisième place (9 182 voix, 9,96 %). Quant à Anne Hidalgo (PS), elle est carrément dans les choux : septième position, 2 775 voix, 3,01 %. Les choses sont claires : le Lider Maximo a siphonné l’électorat socialiste.

Jean-Luc Mélenchon n’est plus à la mode

Changement de programme aux élections européennes de juin 2024. A Rennes, Raphaël Glucksmann (PS) termine premier : 17 772 voix, 24,93 %. Manon Aubry (LFI) se contentant de la seconde place (12 727 voix, 17,85 %) et Marie Toussaint (écolo) de la quatrième (10 265 voix, 14,40 %). Conclusion : ce qui était vrai en 2022 ne l’est plus en 2024. D’autant plus que la cote de Jean-Luc Mélenchon a considérablement faibli ; c’est ce que montrent les enquêtes d’opinion. Ainsi, à la question « Pour chacune des personnalités suivantes, souhaitez-vous lui voir jouer un rôle important au cours des mois et des années à venir ? », seules 13 % des personnes interrogées soutiennent Mélenchon (Verian, Le Figaro Magazine, 2 mai 2025). Dans un autre sondage, ce dernier est classé 45e sur 50 : « Pour chacune des personnalités suivantes, dites-moi si vous en avez une excellente opinion, une bonne opinion, une mauvaise opinion, une très mauvaise opinion, si vous ne le connaissez pas suffisamment. » Réponse : 29 % des personnes interrogées ont une bonne opinion du leader de LFI (Ifop-Fiducial, Paris Match, 15 mai 2025) « Attaqué dans un livre-enquête (« La Meute », Flammarion), Jean-Luc Mélenchon affiche une importante impopularité (71 % de mauvaise opinion), mais son socle tient (82 % chez LFI, 45 % chez les moins de 35 %), note Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop (Paris Match, 15 mai 2025)

La crainte de Rabaté fait sourire : « On est dans une opposition bloc contre bloc. La menace de l’extrême droite est beaucoup plus pressante. » (Le Mensuel de Rennes, décembre2 024). Pourtant le professeur connaît les chiffres qui montrent qu’à Rennes – comme à Nantes – le poids électoral du Rassemblement national est faible – pour des raisons sociologiques. Au premier tour de l’élection présidentielle de 2022, Marine Le Pen n’obtient que 7,29 % des suffrages exprimés (6 722 voix) et 15,85 % (12 920 voix) au second. Aux élections européennes de juin 2024, la liste conduite par Jordan Bardella ne fait guère mieux : 9,42 % (6 717 voix). On ne peut pas dire qu’à Rennes, « la menace de l’extrême droite est beaucoup plus pressante »… Sauf dans les rêves de Rabaté …

Une autre insoumise se verrait bien maire : Marie Mesmeur, députée de Rennes-Bruz, élue dans une triangulaire.  Elle possède une carte maîtresse : elle est « très » proche de Louis Boyard… Elle aussi  songe à devenir tête de liste, voire maire : « Je pourrais, oui. Vu le contexte rennais, ça mérite d’y réfléchir. »  (Ouest-France, Rennes, 15-16 mars 2025). Evidemment, elle a raison d’affirmer : « C’est une anomalie qu’il n’y ait pas d’élu insoumis au conseil municipal de Renne. » Pour l’instant, elle se contente de tourner autour du pot : « Je n’ai pas dit que j’étais candidate… mais je n’ai pas dit que je ne l’étais pas. Toutes les hypothèses sont sur la table. » (Ouest-France, Rennes, mercredi 7 mai 2025)

Gaëlle Rougier veut « jouer un rôle »

Premier objectif : désigner un chef de file ; le « comité électoral », l’entité nationale du parti désignera les candidats car les 80 militants insoumis réunis en une  « assemblée municipale » le 14 mars ne sont pas parvenus à dégager un consensus (Ouest-France, Rennes, mercredi 7 mai 2025). Autant dire qu’il y a concurrence entre Mesmeur et Rabaté.

 Chez les écolos, la situation semble plus claire. Début mars, Priscilla Zamord et Gaëlle Rougier ont été désignées porte-parole  de l’association « Confluences », dont le rôle est de préparer la campagne des écologistes aux élections municipales. A la grande question : « Allez-vous être candidate face à Nathalie Appéré ? », Gaëlle Rougier, adjointe au maire chargée de l’éducation, botte en touche : « C’est trop tôt pour le dire. » Elle préfère sortir le truc habituel : « L’idée, c’est de construire un projet. » Et de jouer la professionnelle : « Le combat ? J’y suis déjà. Cela fait deux mandats que je porte des combats. Aujourd’hui, j’ai aussi l’intention de porter un projet écologiste pour Rennes. Evidemment, si je me suis présentée pour être porte-parole, avec Priscilla Zamord, c’est que j’ai envie de jouer un rôle. Maintenant, quel sera mon rôle exactement ? Oui, je ne m’interdis pas de m’imaginer maire. Mais, vous avez bien compris que je n’en suis pas là, que nous n’en sommes pas là. » (Le Mensuel de Rennes, mai 2025).

Les résultats de l’élection présidentielle et des élections européennes montrent qu’à Rennes, les Insoumis dominent les écolos. Dans ces conditions, s’il doit y avoir un accord – forcément national -débouchant sur une liste unique, la locomotive ne peut qu’appartenir à LFI. Mesmeur ou Rabaté ?

Bernard Morvan

Crédit photo : DR
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2 réponses à “Gauche et extrême gauche à Rennes : heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage…”

  1. Jotglars 66 dit :

    Contrairement au PS de Miterrand, aucun parti de nos jours n’est capable de composer une majorité conquérante aux élections. Seule, la gauche accepte des cuisines électorales de circonstance pour conserver des sièges même en pactisant avec le diable ! Une fois élus, ces petits messieurs vont défendre leurs  » valeurs  » républicaines….lamentable ! Le LR continue le  » Tout sauf le RN  » et commence à se rapprocher des macronistes en dérapant vers un  » en même temps  » impossible à crédibiliser. A quand un coup de torchon sur ces politiques indéboulonnables ?

  2. JLP dit :

    L’étude des chiffres est convaincante : Nathalie Appéré ne peut s’en tirer qu’en conservant avec elle les verts. Quitte à devoir consentir de (très) grosses concessions… Mais s’il y a vraiment accord national de réciprocité entre Insoumis et Verts, cela peut devenir glissant !

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