Chaque jour, en France, plus d’une centaine d’enfants disparaissent. Si le chiffre global des signalements est en légère baisse, les experts alertent sur une tendance plus préoccupante : la gravité, la durée et la complexité croissantes de ces cas. À l’occasion de la Journée internationale des enfants disparus, le 25 mai dernier, le rapport annuel de la Fondation Droit d’Enfance – gestionnaire du numéro d’urgence 116 000 – offre un éclairage cru sur une réalité méconnue et alarmante.
🌐 Fugues : un nouvel outil de sensibilisation pour les adolescents pic.twitter.com/92P7arPfvp
— 116000 Enfants Disparus (@116000FRANCE) January 7, 2025
Moins de signalements… mais pas de quoi se rassurer
En 2024, 38 477 disparitions de mineurs ont été signalées à la police et à la gendarmerie, soit une baisse de 6,1 %par rapport à 2023. Pour la première fois depuis 2021, ce chiffre passe sous la barre des 40 000. Mais cette statistique doit être maniée avec prudence.
Derrière cette baisse apparente, les professionnels évoquent une sous-déclaration des fugues, notamment dans les structures de protection de l’enfance, faute de personnel pour se rendre rapidement en commissariat. Le numéro d’urgence 116 000 a ainsi enregistré plus de 41 000 appels en 2024, soit une hausse de près de 10 %.
Les fugues : la majorité des disparitions
Sans surprise, les fugues représentent 95 % des cas recensés (36 439 en 2024). Mais leur nature évolue : les jeunes fugueurs sont de plus en plus jeunes, avec près de 40 % âgés de moins de 15 ans. Le phénomène inquiète d’autant plus que, dans plus de 30 % des cas impliquant des adolescentes, une exploitation sexuelle est suspectée ou avérée.
Le rapport évoque une tendance à l’allongement de la durée des fugues, souvent provoquées par des conflits familiaux, mais qui débouchent sur des parcours de marginalisation, d’errance, voire de mise en danger.
Disparitions inquiétantes et enlèvements parentaux en hausse
En parallèle, les disparitions jugées inquiétantes progressent régulièrement (+9 % par an depuis 2022), atteignant 1 373 signalements l’an passé. Là encore, les enfants de moins de 15 ans représentent près de la moitié des cas.
Les enlèvements parentaux – conflits familiaux dans lesquels l’un des parents emmène un enfant sans l’accord de l’autre – restent stables à 665 cas, dont près de 230 à l’international. Ces situations douloureuses, souvent longues à résoudre, concernent pour près de la moitié des victimes des enfants de moins de 5 ans.
Une mobilisation encore insuffisante
Face à ces constats, la Fondation Droit d’Enfance appelle à :
- des campagnes nationales de sensibilisation sur les dangers de la fugue ;
- un renforcement des politiques publiques contre l’exploitation sexuelle des mineurs ;
- un meilleur soutien aux familles victimes d’enlèvements parentaux.
Le numéro 116 000, gratuit et accessible 24 h/24 et 7 j/7, reste un outil central. Il a permis l’ouverture de plus de 1 300 dossiers en 2024, dont 435 pour fugues, 428 pour enlèvements parentaux, et 68 pour disparitions inquiétantes. 440 affaires restaient non résolues à la fin de l’année.
Derrière les chiffres, des visages oubliés
Le site du 116 000 aligne des prénoms et des visages : Chloé, 14 ans ; Amine, 16 ans ; Jérémie, 16 ans ; ou encore la petite Marion Wagon, disparue à Agen en 1996, jamais retrouvée. Chaque disparition est une tragédie intime, une fracture dans la vie d’une famille.
Si les chiffres baissent, la souffrance, elle, reste entière. Et les professionnels le rappellent : une disparition d’enfant ne se banalise pas, ne se résume pas à un simple chiffre. Il y a urgence à renforcer la vigilance, les moyens, et à replacer l’enfant au cœur des priorités sociales.