La presse londonienne, avec la rigueur d’un détective manchot, semble avoir découvert ce que tout honnête homme sait depuis longtemps : dans le royaume déliquescent d’Albion, les hommes blancs sont devenus les nouveaux boucs émissaires. Ainsi s’intitule la chronique de Hugo Rifkind, parue dans le Times, qui s’intéresse au sort de ceux que naguère on appelait avec déférence les piliers de la nation, et qu’on traite désormais comme une classe superflue. L’article s’intitule Ignore white men’s worries and Farage wins, ce que l’on pourrait paraphraser ainsi : « Méprisez les doléances des hommes blancs, et vous livrerez les clefs du pouvoir à Nigel Farage».
Rifkind ne dissimule ni son malaise ni son appartenance à cette cohorte déclassée. Selon lui, près de la moitié des hommes blancs britanniques se censureraient au travail, redoutant qu’un mot de travers leur coûte leur poste. « Je suis l’un d’eux », confesse-t-il, avant de tourner la chose en badinage. L’humour, on le sait, est la dernière cuirasse de ceux qui refusent la lâcheté. Pourtant, derrière cette légèreté perce l’inquiétude. L’inversion symbolique est achevée : l’homme blanc est devenu suspect par défaut, sa parole est scrutée, sa présence tolérée, son succès un anachronisme coupable.
Le cas de Chas Bayfield, créatif licencié pour avoir protesté contre l’éradication des profils « pales et masculins » dans son agence de publicité, donne à voir la logique à l’œuvre. Il a gagné son procès pour discrimination, mais la vindicte publique ne l’en a pas moins marqué au fer. Comme l’aurait dit Ernst Jünger, lorsqu’une société fabrique ses exclus, elle désigne par là ses propres faiblesses.
Et ce cas n’est pas isolé. À la BBC, en 2021, une offre de stage réservée explicitement aux candidats noirs, asiatiques ou issus de minorités ethniques a provoqué l’ire de nombreux Britanniques, exclus de facto du processus en raison de leur couleur de peau. Le service d’incendie des West Midlands, quant à lui, a imposé des seuils d’admission différents : les hommes blancs devaient obtenir 70 % aux tests de sélection, contre 60 % pour les femmes et les candidats issus des minorités. Même la vénérable Royal Air Force n’y a pas échappé, accusée en 2023 d’avoir suspendu temporairement le recrutement de 160 hommes blancs afin de satisfaire des quotas de diversité imposés par le commandement.
Dans la police de West Yorkshire, le processus de recrutement a été gelé pour les candidats blancs, relégués tout en bas des listes d’éligibilité. À l’université, certaines bourses ou programmes de mentorat excluent également, parfois de façon implicite, les étudiants blancs. Au sein du NHS, des programmes de formation et de promotion ont été mis en place en faveur des minorités ethniques, quitte à désavantager des professionnels plus expérimentés mais au teint trop pâle. Le Sentencing Council, quant à lui, envisage que les juges puissent tenir compte du contexte culturel ou de genre d’un accusé, ce qui ouvrirait la voie à une justice asymétrique.
Ce mouvement s’appuie sur des politiques explicites, des règlements, des circulaires. C’est, selon le mot de Carl Schmitt, une définition de l’ennemi qui structure le politique. Or, l’ennemi aujourd’hui, c’est l’homme blanc.
Il serait puéril de croire que cette stigmatisation n’engendre aucune réaction. La colère, sourde, monte. Elle est pour l’heure confinée dans les urnes ou les balbutiements d’une parole incertaine. Rifkind, avec une lucidité rare chez les chroniqueurs de son espèce, pressent que cette humiliation larvée trouvera son véhicule politique. Il le nomme Farage. Il aurait pu être un autre. Peu importe. L’homme providentiel naît toujours de la conjuration des humiliés.
Les Français, qui regardent souvent l’île voisine avec une ironie agacée, auraient tort de croire qu’il s’agit d’une lubie britannique. Cette haine de soi, cette disqualification raciale, cette volonté de rompre avec les continuités organiques d’une nation au nom d’une diversité abstraite, sont bel et bien à l’œuvre ici aussi. La médiacratie de Boulogne-Billancourt et les experts en inclusion de la haute administration préparent la même déréliction. Comme me le disait Guillaume Faye, une société qui refuse son identité devient le champ de bataille de toutes les autres.
Et les hommes blancs, me dira-t-on, sont-ils donc à plaindre ? Peut-être pas. Mais ils sont à redouter, lorsqu’ils cessent de croire au jeu et cherchent une issue hors du système. L’histoire, on le sait, est tragique. Et elle n’a jamais eu de goût pour la repentance.
Balbino Katz – Chroniqueur des vents et des marées
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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Une réponse à “L’humiliation blanche, terreau de la révolte anglaise”
À quand une « Saint Barthélemy » en France ? Et ce ne seront pas forcément des « fachos » qui y participeront. Quand on discrimine l’original il faut s’attendre à ses réactions avant de mourir.