C’est une découverte archéologique qui clôt un mystère vieux de plus de deux siècles : l’épave du HMS Endeavour, célèbre navire de l’explorateur britannique James Cook, a été formellement identifiée dans le port de Newport, au large de Rhode Island, aux États-Unis. Cette annonce, faite par le Musée maritime national australien (ANMM), couronne près de 30 ans de recherches méticuleuses, menées en coopération avec des experts américains.
Un navire chargé d’histoire
Le HMS Endeavour n’est pas un bateau comme les autres. Mis à la mer en 1768, ce trois-mâts de 32 mètres était le vaisseau amiral de la première grande expédition de James Cook dans le Pacifique. À son bord, le navigateur britannique parcourut les mers jusqu’à Tahiti, explora les côtes de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie — qu’il revendiqua au nom de la Couronne britannique —, et s’aventura jusqu’à Hawaii, où il trouva finalement la mort en 1779, dans un affrontement avec les autochtones.
L’Endeavour symbolise à la fois l’audace des grandes découvertes maritimes de l’époque des Lumières, et l’ombre portée de la colonisation qui en découla. Son périple reste un jalon fondateur de l’expansion britannique dans le Pacifique sud, faisant de ce navire un objet patrimonial essentiel pour des pays aussi divers que l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, les États-Unis et les peuples autochtones du Pacifique.
Après la mort de Cook et le retour de l’Endeavour en Angleterre, le navire fut vendu à des armateurs privés. Rebaptisé le Lord Sandwich, il servit durant la guerre d’indépendance américaine, notamment pour transporter des troupes britanniques et comme navire-prison.
Mais en 1778, alors que la guerre faisait rage, son destin prit une tournure inattendue : volontairement sabordé par les Britanniques, le navire fut coulé dans les eaux de Newport pour servir de barrage naval contre une éventuelle attaque franco-américaine. C’est là, à plus de 12 mètres de profondeur, qu’il reposerait depuis près de 250 ans, oublié de tous… ou presque.
Un travail d’enquête de longue haleine
L’identification du navire est le fruit d’un travail titanesque mené depuis 1998 par les historiens australiens Mike Connell et Des Liddy. Grâce à une analyse croisée d’archives navales, de plans de construction du XVIIIe siècle, de plongées sous-marines et de relevés minutieux, les chercheurs ont fini par désigner un site archéologique sous-marin, codé RI 2394, comme étant le lieu probable du naufrage.
Les doutes ont longtemps persisté. Plusieurs épaves jonchent les fonds du port de Newport, et les dégradations du temps compliquaient les comparaisons. Mais selon le dernier rapport publié en juin 2025 par l’ANMM, dix critères techniques ont permis d’authentifier l’épave avec une grande certitude.
Parmi les éléments les plus probants : la correspondance millimétrique des mesures des pièces de bois retrouvées avec les plans d’origine du HMS Endeavour, la position exacte des mâts principaux, ainsi qu’une pièce de proue unique — la stem scarf — identifiée comme étant strictement identique à celle du navire de Cook.
« Les dimensions sont presque identiques à celles du HMS Endeavour, à quelques millimètres près. Et cette pièce à la proue, nous ne l’avons retrouvée sur aucun autre plan de navire du XVIIIe siècle », a expliqué l’archéologue Kieran Hosty, à l’origine de l’analyse.
Quatre canons en fer ont également été retrouvés sur le site, ajoutant une preuve supplémentaire au faisceau d’indices concordants.
Un patrimoine commun à protéger
Si l’épave repose désormais dans les eaux américaines, elle n’en est pas moins l’objet d’un enjeu patrimonial international. Le rapport australien souligne l’importance de sécuriser le site contre les pillages et les dégradations, et appelle à une coopération entre les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les représentants des peuples autochtones du Pacifique pour sa préservation.
Après des décennies d’hypothèses et de recherches, le dernier port du HMS Endeavour semble enfin identifié. À 43 pieds sous la surface des eaux de Newport, les restes silencieux du célèbre navire rappellent que l’histoire n’est jamais totalement engloutie.
Photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine