Institut pour la Justice : plaidoyer pour la légitime défense… mais sans le droit de se défendre ? [L’Agora]

Alors que la question de la sécurité devient chaque jour plus brûlante en France, l’Institut pour la Justice multiplie les déclarations en faveur de la « légitime défense ». Mais dans les faits, l’association refuse toujours de tirer les conclusions pratiques de ses analyses. À commencer par la reconnaissance du port d’arme comme droit fondamental. Une posture qui interroge, notamment l’ARPAC, qui a récemment fait un communiqué à ce sujet…communiqué qui a inspiré l’un de nos chroniqueurs, auteur de la tribune ci-dessous.

Un discours musclé… jusqu’à un certain point

Depuis plusieurs années, l’Institut pour la Justice (IPJ), créé en 2007, se pose en défenseur des victimes et critique de l’impunité judiciaire. Dans ses lettres d’information, son directeur Pierre-Marie Sève multiplie les prises de position percutantes, évoquant même à plusieurs reprises la « légitime défense » comme un droit fondamental, naturel, enraciné dans les traditions juridiques occidentales.

Il en va ainsi du soutien à des victimes s’étant défendues, de l’homme de Maisons-Alfort ayant repoussé un voleur sur les rails, à l’armurier d’Eslettes ayant tiré sur des braqueurs. Dans ses tribunes, l’IPJ reconnaît aussi le lien philosophique et historique entre autodéfense et droit au port d’arme, citant Jefferson, Beccaria ou encore la Révolution française.

À première vue, l’Institut pourrait sembler en phase avec les positions de l’ARPAC, seule association française militante sur la question du port d’arme citoyen. Mais à y regarder de plus près, la posture de l’IPJ apparaît bien plus ambivalente, voire contradictoire.

Un refus systématique du passage à l’acte

Malgré l’abondance de références théoriques et historiques sur la nécessité de permettre aux citoyens de se défendre, l’Institut pour la Justice s’arrête toujours avant la conclusion logique : reconnaître le droit au port d’arme.

Dans une interview sur CNews ou dans ses publications comme la Revue française de criminologie et de droit pénal, l’IPJ détaille le rôle crucial du port d’arme dans la légitime défense… tout en refusant d’en faire une revendication politique claire. Pire : dans sa foire aux questions, l’Institut affirme ne pas défendre l’autodéfense, sous prétexte de « prévenir les dérives de vengeance ». Une confusion grave entre légitime défense et justice privée.

Et comme si cela ne suffisait pas, la présidente de l’Institut, Axelle Thellier, a même publié une lettre d’information intitulée : « Droit au port d’arme : cette nouvelle revendication qui inquiète les autorités », dans laquelle elle se montre franchement hostile à cette possibilité, sans argument sérieux, ni source à l’appui. Quelques semaines plus tôt pourtant, elle défendait un tireur sportif à Mayotte ayant utilisé illégalement son arme… Une girouette doctrinale difficile à suivre.

Ces contradictions révèlent une impasse intellectuelle et stratégique : l’Institut pour la Justice critique l’impuissance de l’État, appelle à un retour à la fermeté, mais refuse de reconnaître que le citoyen doit pouvoir se protéger lui-même, notamment par le port d’une arme, quand l’État est défaillant.

En réalité, l’IPJ se conforme à ce tabou français qui traverse tous les partis : « se défendre, oui, mais sans arme ». Le droit serait théorique, sans outil pour l’appliquer. Une position qui rejoint paradoxalement celles des adversaires du droit à l’autodéfense : infantiliser le citoyen, l’assigner au statut de victime, incapable de se protéger sans autorisation préalable de l’État.

Cette posture ambivalente fait de l’Institut pour la Justice une occasion manquée. Plutôt que de porter une voix cohérente en faveur du droit à l’autodéfense, il en reste au stade de la rhétorique. Pendant ce temps, l’ARPAC demeure seule à poser la vraie question : quel sens a un droit s’il ne peut être exercé ?

Dans un pays où la violence s’intensifie, où les agressions se multiplient et où les forces de l’ordre ne peuvent être partout, il est irresponsable de refuser le débat sur le port d’arme citoyen. Surtout quand on prétend défendre les victimes.

Le double discours de l’Institut pour la Justice illustre la frilosité d’une certaine droite sécuritaire française : prompte à dénoncer, mais frileuse dès qu’il s’agit d’agir. L’autodéfense ne peut rester un slogan. C’est un droit fondamental, qui suppose des moyens. Faute de quoi, le discours sur la sécurité restera, encore une fois, lettre morte.

Julien Dir

Photo : DR

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