Jacek Saryusz-Wolski, ancien vice-président du Parlement européen et vétéran de l’Union européenne, est un expert chevronné des affaires européennes. Ancien vice-président du Parlement européen et premier ministre polonais chargé de l’intégration européenne, il est connu pour son fervent défenseur de la souveraineté nationale au sein de l’UE. Dans un entretien accordé à europeanconservative.com, il met en garde contre les attaques coordonnées dont fait l’objet l’Union européenne, qui menacent sa vitalité économique, son ordre constitutionnel et son identité civilisationnelle. Traduction par nos soins.
Selon vous, quels sont les défis les plus urgents auxquels l’Union européenne est actuellement confrontée ?
Jacek Saryusz-Wolski : Les défis sont anciens et largement ignorés. Il s’agit notamment de la nécessité de réviser le Pacte vert, de repenser fondamentalement la politique migratoire de l’UE, de bloquer l’accord commercial avec le Mercosur, d’empêcher l’érosion de l’ordre constitutionnel de l’Union et de résister à la tentative actuelle de transformer le budget de l’UE en un outil de coercition financière centralisée. Ce dernier point, en particulier, menace de remplacer le cadre financier pluriannuel (CFP) traditionnel par un système permanent calqué sur la facilité pour la reprise et la résilience, qui est essentiellement un mécanisme par lequel Bruxelles n’accorde des fonds que si les États membres atteignent des « objectifs intermédiaires » fixés au niveau politique.
Commençons par le pacte vert. Pourquoi est-il devenu une telle source de controverse ?
Jacek Saryusz-Wolski : Parce qu’il handicape la compétitivité économique de l’Europe, non pas en théorie, mais dans la pratique. Même parmi ses anciens partisans, on reconnaît désormais à contrecœur que cette politique impose des charges insoutenables. Pourtant, la Commission européenne reste idéologiquement attachée à ce projet. Au lieu d’une réévaluation, nous assistons à une escalade. Il s’agit d’un exercice d’autodestruction réglementaire dont les conséquences sont de plus en plus évidentes.
En ce qui concerne la migration, quel est exactement le problème ?
Jacek Saryusz-Wolski : La politique migratoire de l’UE a, en effet, démantelé l’espace Schengen, l’une des principales réalisations de l’Europe. Le tournant a été pris avec la « Willkommenskultur » (culture de l’accueil) de la chancelière Merkel. Depuis lors, les contrôles aux frontières intérieures ont été rétablis, les frontières extérieures sont poreuses et les États situés en première ligne, notamment la Pologne, font les frais des échecs politiques commis ailleurs. Il y a toutefois une lueur d’espoir. Le Danemark, qui assumera prochainement la présidence du Conseil, a fait part de son intention d’adopter une approche nettement plus ferme, soutenue par une coalition de onze États membres, dont l’Italie. L’accent sera mis sur le contrôle réel des frontières et le retour des migrants illégaux.
Passons maintenant au Mercosur. Pourquoi cet accord commercial représente-t-il une telle menace ?
Jacek Saryusz-Wolski : L’accord UE-Mercosur, dans sa forme actuelle, est un exemple typique de myopie économique. Il ouvre les marchés européens à des importations agricoles qui ne répondent pas à nos normes environnementales ou de qualité. Les États membres dont le secteur agricole est développé et fortement réglementé craignent à juste titre d’être submergés par des produits de qualité inférieure et moins chers. Mais le problème est plus profond : la sécurité alimentaire est une question stratégique. Il est imprudent de devenir dépendant des importations transatlantiques, via des chaînes d’approvisionnement fragiles. Les pénuries alimentaires ne sont pas un risque théorique. Elles peuvent déstabiliser les sociétés bien plus rapidement que les crises énergétiques. Et l’instabilité érode les capacités militaires. En d’autres termes, si l’on veut se préparer à la guerre, il faut d’abord s’assurer que la nation est nourrie.
Vous avez mentionné des changements budgétaires structurels. Que propose-t-on exactement ?
Jacek Saryusz-Wolski : La Commission souhaite supprimer la structure actuelle du CFP et la remplacer par trois enveloppes financières gigantesques, une pour chacun des grands piliers politiques de l’Union. Chaque État membre recevrait des allocations nationales soumises à des conditions et à des étapes, à l’instar des fonds du CRR mis en place pendant la pandémie de COVID. Toutefois, il ne s’agirait pas de mesures exceptionnelles. Elles deviendraient permanentes. Et contrairement aux fonds traditionnels de cohésion ou d’agriculture, leur accès dépendrait entièrement du respect des directives politiques de Bruxelles. Pas de conformité, pas d’argent. Il s’agit d’une prise de pouvoir extra-traité, d’une révolution constitutionnelle silencieuse, menée sans le consentement des parlements ou des peuples. Elle centralise le contrôle budgétaire et neutralise la souveraineté nationale en la liant au chantage financier.
N’y a-t-il aucun moyen d’arrêter cette trajectoire ?
Jacek Saryusz-Wolski : Bien sûr que si, à condition qu’il y ait une volonté politique. La récente présidence polonaise du Conseil de l’UE a malheureusement été une occasion manquée à cet égard. Mais prenons à nouveau l’exemple du Danemark : un petit pays, mais déterminé à réorienter sa politique migratoire. Cela prouve que c’est possible. Les citoyens de tout le continent sont las des excès, de l’idéologie, des transformations imposées. Des alliances peuvent être construites. Le blocage des minorités, qui ne nécessite qu’un tiers des voix au Conseil, peut empêcher ces mesures d’avancer. Mais nous devons agir. Et nous devons choisir nos priorités avec sagesse. L’Europe ne peut pas financer à la fois le Pacte vert, une politique migratoire dysfonctionnelle et un effort de réarmement crédible. Il faut faire des concessions. Dans l’état actuel des choses, il manque plusieurs centaines de milliards d’euros pour la seule défense. Et sans défense, rien d’autre n’a d’importance.
Si l’on mettait un terme aux abus du droit d’asile et si l’on démantelait les réseaux de passeurs, cela ne résoudrait-il pas une grande partie de la crise ?
Jacek Saryusz-Wolski : En principe, oui. Mais le problème n’est pas technique, il est politique. Le nouveau pacte sur les migrations ne résout pas la crise, il l’institutionnalise. Il met en place des mécanismes de relocalisation des migrants à travers l’Union, récompensant ainsi l’entrée illégale. La logique est perverse : les trafiquants font entrer les gens, et les États membres de l’UE sont ensuite obligés de les redistribuer. C’est un cercle vicieux parfait entre l’offre et la demande. Au cours des négociations, l’Italie a proposé une solution évidente : un blocus naval pour empêcher les traversées. Cela aurait fonctionné. Mais cette proposition a été rejetée, non pas parce qu’elle était irréalisable, mais parce qu’elle allait à l’encontre des objectifs de certaines élites.
Ne prétendons pas que c’est un hasard. La migration sert des objectifs. Elle fournit une main-d’œuvre bon marché. Elle crée de nouveaux électeurs pour les partis libéraux de gauche. Elle dilue les identités nationales et sape la souveraineté des États membres. Et enfin, elle est, pour certains, un vecteur de transformation culturelle plus large. Telle est la vision. Et à moins qu’elle ne soit combattue, tel est l’avenir.
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Une réponse à “Jacek Saryusz-Wolski, ancien député européen : « Nous devons résister à la tentative de transformer le budget de l’UE en un outil de coercition centralisé »”
oui et commençons d’abord par nous augmenter apres on verra …