Une étude mondiale révèle un basculement des flux d’investissement au profit de petites puissances stratégiques, tandis que la France enregistre une hausse spectaculaire.
Dans un contexte géopolitique incertain, marqué par la recomposition des alliances économiques, les flux d’investissements directs étrangers (IDE) évoluent rapidement. Une étude réalisée à partir des données de la Banque mondiale pour 2023 et 2024, révèle de profonds bouleversements dans la géographie mondiale du capital.
Les champions mondiaux de l’investissement en 2024
Sans surprise, les États-Unis conservent leur première place avec 387,9 milliards de dollars d’IDE entrants. Mais derrière ce mastodonte, Singapour (151,9 Md$) et Hong Kong (117 Md$) s’affirment comme des pôles asiatiques majeurs d’attraction du capital. La France, quant à elle, impressionne par son bond spectaculaire : de 8,8 à 55,4 milliards de dollars en un an, soit une hausse de 529 %, la plus forte progression parmi les grandes économies européennes.
Derrière ces chiffres absolus, le classement change radicalement lorsqu’on les rapporte à la population. Malte prend la tête avec 74 035 dollars investis par habitant, loin devant Singapour (25 169 $) et Hong Kong (15 554 $). La France, malgré sa progression, reste en retrait sur ce plan, avec une moyenne par habitant plus modeste.
Le pays ayant connu la plus forte croissance relative est la Slovaquie, avec une envolée de 1 193 % de ses IDE, passant de flux négatifs à plus de 3,58 milliards de dollars entrants. D’autres pays comme le Belize, la Finlande, le Danemarkou encore le Qatar affichent également des hausses impressionnantes, signes d’une redirection stratégique du capital mondial vers des économies plus agiles, spécialisées ou politiquement stables.
À l’inverse, plusieurs poids lourds accusent une chute brutale des investissements étrangers :
- La Belgique enregistre une dégringolade de -1 181 %, passant de -2,78 Md$ à -35,57 Md$.
- La Chine, deuxième puissance économique mondiale, attire seulement 18,6 milliards de dollars, soit 63 % de moins qu’en 2023. Ce chiffre, dérisoire comparé à sa taille, confirme une stratégie de repli sur l’investissement domestique et d’orientation vers des sorties de capitaux (outbound investment).
- Le Royaume-Uni, autrefois moteur de l’attractivité européenne, chute de -74 %, dans un climat post-Brexit encore incertain.
Petits pays, grandes stratégies
Le rapport met en lumière une tendance lourde : les petits États souverains et stables qui se spécialisent dans des niches stratégiques — finance numérique, fiscalité attractive, infrastructures logistiques ou transition énergétique — attirent désormais des volumes disproportionnés d’investissement.
Par exemple :
- Malte devient un hub pour la blockchain et les services financiers,
- Antigua-et-Barbuda, Grenade ou St. Kitts and Nevis profitent d’une réglementation favorable et de la relocalisation d’actifs,
- Le Danemark et la Suède captent des milliards grâce à la filière verte et pharmaceutique.
Il semblerait que désormais, les investisseurs ne recherchent plus seulement la taille des marchés. Ils privilégient désormais la clarté réglementaire, la stabilité politique et une spécialisation sectorielle.
Les exemples abondent : l’Indonésie attire 24 milliards grâce à la filière véhicules électriques, le Vietnam devient un centre mondial pour l’électronique, et Israël, malgré son instabilité, capte 16,8 milliards dans les technologies de défense.
Le cas particulier du FDI négatif
Certains pays affichent des flux d’investissement négatifs, ce qui signifie que les sorties (dividendes rapatriés, reventes d’actifs…) dépassent les entrées. C’est le cas de :
- La Suisse (-112 Md$, soit plus de 12 400 $ par habitant),
- La Belgique et la Hongrie, frappées par la restructuration d’entreprises multinationales,
- La Russie, pénalisée par les sanctions occidentales,
- ou encore l’Estonie, dont la dépendance au capital étranger la rend vulnérable à la volatilité des marchés.
Les données de 2024 confirment une rupture structurelle avec les dynamiques des décennies passées. La concentration des flux ne disparaît pas — les États-Unis restent incontournables — mais elle coexiste avec une montée en puissance des petits États-réseaux qui proposent des environnements d’affaires stables, spécialisés et adaptables.
À l’heure où la géopolitique rebat les cartes, l’argent ne cherche plus seulement la croissance brute, mais la résilience, la lisibilité et l’alignement stratégique.
Méthodologie : cette analyse utilise les données de la base de données « Foreign Direct Investment, Net Inflows (BoP, current US$) » (Investissements directs étrangers, flux nets) de la Banque mondiale, qui compile elle-même les chiffres de la base de données « Balance of Payments » (Balance des paiements) du Fonds monétaire international, complétée par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et des sources nationales officielles. Le site Best Brokers, auteur de l’étude, a croisé ces chiffres sur les IDE avec les données démographiques correspondantes afin de calculer l’investissement étranger par habitant. Des classements ont ensuite été établis pour le total des IDE, les IDE par habitant, les augmentations annuelles les plus importantes et les valeurs négatives des IDE.
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