Le Mont Chauve rouvre ses portes ce mardi aux pèlerins de la souffrance cycliste. Étape 16 du Tour de France 2025 : un nom de code pour un rituel païen. Le peloton grimpe au confessionnal, et c’est le vent qui juge.
Ils sont partis de Bédoin comme on descend au fond de soi-même. Dans cette Provence où les cigales se taisent quand le vent souffle de travers, la caravane du Tour attaque ce mardi son agonie finale par un morceau de choix : le Mont Ventoux, cette échine calcaire qui a vu s’effondrer Poulidor, vaciller Froome, ricaner Armstrong et aujourd’hui, frémir Pogačar. Le Slovène a des comptes à régler avec cette montagne. Il en parle comme d’un ex qu’on n’a jamais vraiment oublié. « J’y ai perdu du temps », souffle-t-il. Il veut s’y racheter une légende, comme un boxeur qui remonte sur le ring avec la mâchoire encore douloureuse.
Mais la légende ne s’achète pas, elle se conquiert. Et sur le Ventoux, tout se paie comptant.
L’arène est dressée, les gladiateurs se préparent
Le décor ? Quinze bornes d’une montée sèche, 8,8 % de pente en moyenne, une route qui se dénude à mesure qu’on monte, comme si la montagne perdait sa pudeur en dévoilant ses cailloux. La dernière partie, depuis le Chalet Reynard, n’est plus qu’une épreuve de résistance au vent, à soi-même, et aux souvenirs. Car chaque virage ici rappelle une chute, une fringale, un coureur transformé en statue de sel.
La météo promet du vent de face. Pas une brise de fin d’après-midi pour flâneur en goguette, non : un souffle de juge implacable qui pourrait bien réduire les plans d’évasion à une sinistre échappée en solitaire du destin. Le genre de vent qui ne pousse personne mais plie les ambitions.
Alors qui pour braver les dieux ? Pogačar, évidemment, l’ogre qui veut tous les maillots, tous les sommets, tous les points, comme un enfant boulimique dans un supermarché. Mais attention, il n’a pas intérêt à croquer trop vite : le Danois Vingegaard rôde, quatre minutes derrière, en embuscade silencieuse. Un écart suffisant pour dormir la nuit, mais pas assez pour somnoler dans les lacets du Ventoux.
Lenny Martinez, lui, n’a pas les épaules pour le maillot jaune, mais il a les jambes pour le maillot à pois. C’est son Everest miniature à lui. Le Français, fluet comme un violon mais acéré comme un scalpel, connaît la montée, y a déjà triomphé, et peut s’y glisser dans les ombres comme un chat dans un champ de ruines.
Et puis il y a les autres, les puncheurs camouflés en grimpeurs, les Onley, Johannessen, Roglič, tous ces hommes qui rêvent de décrocher un morceau de gloire au fond d’un cratère lunaire. Des seconds rôles qui savent que, dans une étape comme celle-ci, les doublures peuvent voler la vedette.
Le Ventoux, c’est une question de foi
Ce n’est pas une étape, c’est une liturgie. Une montée vers l’absolu, où les jambes pèsent moins lourd que le souffle. Les coureurs vont s’y hisser comme des pénitents, lestés non pas de leurs péchés, mais de leurs watts.
Le sprint de Châteauneuf-du-Pape ? Un amuse-gueule pour rouleurs ivres d’illusions. Les points ? Des miettes qu’on se dispute en attendant l’hostie finale. Car c’est là-haut, dans la blancheur minérale du sommet, que tout va se décider. Là où le souffle devient cri, où les bidons deviennent fardeaux, et où le dernier virage ressemble à un jugement dernier.
À l’heure où les ombres s’allongent sur les pentes du Géant de Provence, un homme lèvera les bras — ou s’effondrera, hagard, visage blême, regard flou. Et le monde entier applaudit, sans comprendre qu’ici, on ne gagne jamais vraiment. On survit.
Ventoux ne sacre pas, il trie.
YV
Une réponse à “Tour de France 2025, étape 16. Le Ventoux, temple du doute et théâtre des vanités”
Tonalité mystico-liturgique forcée et fatigante. N’est pas Pétrarque qui veut…