L’organisation paramilitaire loyaliste South East Antrim UDA (SEA UDA), longtemps redoutée pour sa brutalité et son implication dans la criminalité organisée, semble amorcer un tournant historique. Selon plusieurs sources proches des négociations, le groupe a cessé de recruter et d’imposer des cotisations à ses membres, marquant ainsi une volonté de « réduction progressive » de ses activités.
Un processus de démobilisation sans dissolution
Issu d’une scission avec la branche principale de l’Ulster Defence Association (UDA) en 2007, le SEA UDA agit de manière autonome, sans lien avec le Loyalist Communities Council, qui regroupe les autres factions paramilitaires loyalistes (UDA, UVF et Red Hand Commando).
Malgré l’arrêt de la collecte des « cotisations » — environ 5 livres sterling par semaine versées jusqu’alors par quelque 2 000 membres — la dissolution totale n’est pas à l’ordre du jour. « Si la direction actuelle se retirait, elle serait remplacée dans la journée », aurait confié une source au cœur des discussions.
Moins de violence, mais un lourd passé
Historiquement implanté de Belfast-Nord à Larne, en passant par Rathcoole, Carrickfergus et Ballymena, le SEA UDA reste perçu par les autorités comme l’un des groupes criminels les plus structurés du pays, notamment en matière de trafic de drogue et de racket. La Paramilitary Crime Task Force et la National Crime Agency ont multiplié les arrestations et les poursuites contre ses membres ces dernières années.
Le groupe a également accepté de mettre fin aux agressions à caractère paramilitaire, une mesure jugée « imparfaite mais inédite », selon un médiateur impliqué dans le processus. Par ailleurs, certains fresques murales de propagande à Rathcoole et Monkstown devraient être remplacées par des images de la famille royale britannique.
Le SEA UDA s’est illustré par de nombreux assassinats sous le commandement de John Gregg, ancien chef de brigade et responsable de la tentative d’assassinat de Gerry Adams en 1984. Parmi les meurtres les plus marquants, on compte celui de Daniel McColgan, postier catholique tué à Rathcoole en 2002, et celui de Gavin Brett, abattu par erreur en 2001 parce qu’il parlait à un groupe de jeunes catholiques.
En 2017, Geordie Gilmore, ex-commandant UDA, et Colin Horner, son ami, ont été assassinés dans le cadre d’une lutte interne pour le contrôle du groupe. Et en 2020, le meurtre de Glenn Quinn, un civil sans lien avec le milieu paramilitaire, a provoqué l’indignation après qu’il eut osé critiquer une attaque menée par le groupe.
Un médiateur international engagé dans les discussions entre le gouvernement britannique et le SEA UDA souligne que la direction actuelle admet ses limites : « Mettre fin au recrutement est un acte de réduction. Cela évite d’entraîner une nouvelle génération dans la spirale de la violence. Mais on est encore loin d’une vraie dissolution. »
Cette évolution du SEA UDA reflète peut-être une prise de conscience des limites d’un modèle paramilitaire obsolète, dans une Irlande du Nord où la mémoire des Troubles reste vive, mais où la société attend désormais autre chose que la peur.
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