Le Tour de France Femmes 2025 court après son souffle et, parfois, l’échappe. Ce vendredi entre Ambert et Chambéry, il a suffi de regarder les visages plus que les jambes pour deviner que l’ennui n’était pas qu’un spectateur parmi d’autres, mais bien un passager clandestin du peloton. Heureusement, Maëva Squiban, elle, pédale à contre-ennui.
La Bretonne s’est de nouveau envolée, comme la veille, en solitaire, pour décrocher une deuxième victoire consécutive, avec un panache qui tranche cruellement avec la tiédeur ambiante. 23 ans, deux bouquets en deux jours, et un nom désormais inscrit dans la lignée de Jeannie Longo, seule Française à avoir réussi pareille prouesse dans un Tour féminin. C’était dans les années 80. Depuis, les vélos ont gagné des vitesses, mais pas toujours de la verve.
Un peloton qui marche sur des œufs
Il faut dire les choses : ce Tour 2025 ressemble, à trop d’égards, à un faux départ permanent. Un tracé morne comme un dimanche pluvieux, un peloton qui joue à saute-mouton sans jamais vraiment sauter, et des échappées qui, comble de l’absurde, finissent par s’arrêter pour laisser gentiment revenir leurs poursuivantes.
La scène d’hier, où dix-sept coureuses parties à l’avant ont ralenti à l’approche de Chambéry pour ne surtout pas creuser l’écart, restera dans les annales du surréalisme cycliste. Une échappée molle, un peloton qui lambine : on se serait cru dans une reconstitution de l’école buissonnière, version deux roues.
Les Françaises au sommet, les autres au point mort
Dans ce désert d’audace, les Françaises, elles, tracent leur route. Cédrine Kerbaol a pris la deuxième place avec panache, et le maillot tricolore s’est une nouvelle fois imposé comme la couleur dominante du peloton. On se dit que si les autres nations veulent encore jouer quelque chose dans ce Tour, il serait temps d’arrêter de pédaler à l’économie.
Kim Le Court-Pienaar conserve son maillot jaune, mais l’étau se resserre. Distancée dans le col du Granier, la Mauricienne a dû cravacher dans la descente pour recoller. 26 secondes d’avance sur Pauline Ferrand-Prévot, et un frisson dans le dos à l’idée de ce qui l’attend demain : la Madeleine. Pas la pâtisserie, non. Le col. Hors catégorie. 19 kilomètres de souffrance à 8 % de moyenne. L’étape reine, enfin. Celle que tout le monde attend. Celle qui, espérons-le, réveillera ce peloton comme un seau d’eau froide sur la tête d’un somnambule.
Vers la Madeleine, enfin du vrai cyclisme ?
Ce samedi, de Chambéry au sommet du Col de la Madeleine, il y aura 3517 mètres de dénivelé et peut-être, enfin, un sursaut de combativité. Le Col de Plainpalais, le Frêne, la Côte de Saint-Georges-d’Hurtières… et cette montée finale à 2000 mètres d’altitude qui promet autant d’éclats que d’abandons.
Car le cyclisme féminin mérite mieux que l’attente stratégique et la gestion du moindre effort. Il mérite des offensives, des regards de feu, des descentes à l’aveugle, des attaques insensées comme seule la folie du sport peut les autoriser.
En attendant, Maëva Squiban, elle, fait honneur à son nom et au blason breton. Elle trace, elle ose, elle gagne. Elle donne un peu d’âme à un Tour qui, sans elle, ressemblerait à une longue répétition sans spectacle.
Alors oui, le cyclisme féminin a toute sa place. Mais pas à n’importe quel prix. Pas si l’on sacrifie le panache sur l’autel du calcul. Pas si l’on transforme l’échappée en promenade de santé. Qu’on se le dise : ce Tour 2025 a besoin d’une Madeleine. Et pas juste pour la symbolique.
YV
Crédit photo : ASO / Pauline Ballet
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