Nick Fuentes, enfant terrible d’un empire en déclin

Assis à la terrasse du bar des Brisants à Léchiagat, je regardais la vedette des sauveteurs en mer qui mouillait devant mes yeux. Dans le clapotis de la marée, je parcourais d’un doigt distrait ce que l’on nomme désormais X, quand surgit un nom familier à la droite numérique américaine, Nick Fuentes. L’étonnement venait moins de lui que de l’écho que lui consacrait le New York Times, ce temple de la rectitude progressiste, qui lui offrait une longue enquête, quasi dithyrambique dans son indignation.

Car Fuentes, fils d’un père d’origine mexicaine et d’une banlieue bourgeoise de Chicago, n’était au départ qu’un étudiant brillant, passionné de débats oratoires, inscrit à Boston University. Rien ne le prédestinait à devenir le visage d’une jeunesse insurgée. C’est à Charlottesville, en août 2017, qu’il fit irruption sur la scène politique, scandant « You will not replace us » lors du rassemblement de l’« alt-right ». À partir de là, il se forgea une réputation d’agitateur provocateur, multipliant les sorties outrancières sur CNN, NBC ou ailleurs, jusqu’à sombrer dans un négationnisme cynique, comparant la Shoah à des « cookies » pour faire rire ses partisans.

Sa trajectoire, faite de scandales et de bannissements, ne l’a pas empêché de bâtir une audience massive. Privé de YouTube et de TikTok, il s’est réfugié sur Rumble et dans l’économie parallèle du streaming, où ses émissions America First attirent désormais plus d’un demi-million de spectateurs. Elon Musk lui a rouvert les portes de X, lui permettant de passer en seize mois de 140 000 à plus de 750 000 abonnés. Banni des grands congrès conservateurs, ignoré des institutions républicaines, il prospère dans l’ombre, alimenté par les dons de ses suiveurs et par un réseau de jeunes hommes qui se reconnaissent en lui.

Ce qui trouble la presse new-yorkaise, c’est que Fuentes a désormais retourné son fiel contre Donald Trump lui-même. Hier encore figure tutélaire, comparé à un César, Trump est désormais qualifié par son ancien disciple d’« incompétent » et de « corrompu ». L’épisode du dîner à Mar-a-Lago, où Trump l’accueillit en compagnie du rappeur Kanye West, a marqué un tournant : le président sortant se trouva pris dans la tourmente, accusé de complaisance envers un radical notoire. Fuentes, flattant son hôte, joua sa partition. Mais il ne tarda pas à se retourner contre lui, dénonçant son soutien à Israël, son refus de publier les dossiers Epstein ou ses velléités d’ouverture aux étudiants chinois.

Or, la question de fond est ailleurs. Des voix comme celles de Fuentes, ou comme celle de Mark Weber dont j’ai déjà évoqué la clairvoyance, pointent du doigt la lacune béante de l’idéologie conservatrice américaine. Trump, Vance et leurs émules se font fort de défendre la prospérité, la force militaire ou la famille, mais ils refusent obstinément d’assumer une vision identitaire. À l’Amérique d’origine européenne, ils n’offrent aucun projet de société, aucune perspective historique. Ils préfèrent détourner les yeux de ce qui mine leur peuple, comme si la dénégation suffisait à conjurer le réel. Un jour, le choc de la réalité sera brutal, et il balaiera ces demi-mesures.

Le parallèle s’impose ici avec Éric Zemmour. En France, il osa prononcer ce que d’aucuns pensaient tout bas. Il osa briser le tabou d’un « grand remplacement » nié avec constance par les gardiens de l’orthodoxie républicaine. Ce faisant, il provoqua une secousse dans le paysage médiatique, contraignant ses adversaires à réagir, révélant au grand jour ce que le corps social médiatique refusait d’admettre. L’effet de seuil fut tel qu’un langage naguère proscrit devint soudain audible. Il en va de même outre-Atlantique, où l’on observe une lente libération de la parole autour des fractures raciales. Que cette parole passe par Fuentes, qu’elle choque ou scandalise, importe moins que le fait qu’elle circule, qu’elle conquière un espace public qui jusque-là lui était interdit.

Spengler, dans Le Déclin de l’Occident, rappelait que les civilisations meurent moins de leurs ennemis que d’une perte d’instinct vital. Carl Schmitt, quant à lui, enseignait que le politique se définit par la distinction de l’ami et de l’ennemi. Or l’aveuglement conservateur américain, refusant d’admettre l’existence de cette fracture, se condamne à l’impuissance. Fuentes, avec la brutalité d’un agitateur, ne fait que rappeler cette vérité élémentaire : une communauté qui refuse de se penser comme telle est vouée à disparaître.

La mise à mort filmée d’une jeune Ukrainienne dans un métro par un délinquant noir a agi comme un révélateur, rappelant que les crimes, eux, ne s’écrivent pas à l’encre des éditoriaux mais dans le sang des victimes. Les millions d’Américains qui voient défiler ces images ne se contentent plus des explications convenues sur la « pauvreté » ou la « marginalisation ». Ils y lisent une vérité nue, que Fuentes exploite à sa manière, comme d’autres avant lui sur les théories de Moeller van den Bruck ou d’Ernst Jünger, pour annoncer l’entrée dans une ère de conflits identitaires.

Le lecteur français aurait tort de croire que ces débats lui sont étrangers. Ce qui s’exprime aux États-Unis n’est que la version exacerbée d’une mutation qui traverse tout l’Occident. L’apparition de figures comme Fuentes, rejetées mais imitées, honnis mais suivies, signale que le langage se libère, que l’on ose à nouveau parler de race, d’identité, de survie collective. Derrière l’écume des polémiques, ce sont les plaques tectoniques de nos sociétés qui grincent et s’entrechoquent.

Photo : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT. Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine.. 

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