Déportations massives et mondes imaginaires

C’est un texte d’une sécheresse administrative, long de cent treize pages, publié par le think tank Restore Britain et salué par son président Rupert Lowe comme « la politique de déportation la plus complète jamais rédigée ». Son titre annonce la couleur : Mass Deportations, legitimacy, legality and logistics. L’ambition est impérieuse, la méthode indigente, et c’est ce contraste qui a retenu l’attention de Richard North, l’un des rares esprits anglais encore capables de juger les passions politiques sans en être la proie.

Le rapport Lowe-Pitt prétend offrir un mode d’emploi pour « restaurer la souveraineté migratoire du Royaume-Uni ». Il propose de désactiver, pour cinq ans, la convention de Genève sur les réfugiés, ainsi que toutes les chartes internationales qui interdisent le refoulement d’un individu vers un pays où il pourrait subir des persécutions. À cela s’ajoute le projet, plus audacieux encore, de réécrire le droit international de l’asile afin d’imposer le principe de territorialité : chaque continent devrait gérer ses propres réfugiés, et les États auraient la faculté de rejeter ceux qui auraient traversé des « pays sûrs » sans y déposer leur requête.

North, qui a longtemps arpenté les coulisses du droit et du parlement européens, démonte patiemment cette mécanique d’illusion. Il rappelle que le non-refoulement n’est plus un simple article de traité : c’est une règle coutumière du droit des gens, gravée dans la pierre du pacta sunt servanda. Abroger une loi ne suffit pas à se délier d’une promesse. Ceux qui prétendent le contraire confondent la souveraineté avec l’anarchie.

Et de souligner l’inconséquence des auteurs : ils croient pouvoir piétiner leurs engagements tout en espérant, dans le même mouvement, rallier la communauté internationale à leur projet de refonte. North y voit l’éternelle maladie de la droite britannique : cette ivresse d’un volontarisme sans boussole, ce besoin d’un grand geste solitaire qui se heurte toujours à la réalité du monde. Le Brexit en fut le précédent. La remigration risquerait d’en être la redite.

Cette illusion de pureté nationale n’est pas l’apanage des Anglais. En France aussi, le romantisme unilatéral sévit. Le Rassemblement national en a fait son bréviaire, persuadé qu’un gouvernement français pourrait, par décret ou bravade, dénouer à lui seul l’écheveau des conventions, des directives et des juridictions européennes. C’est une erreur de perspective : la volonté politique, si ferme soit-elle, ne vaut rien sans architecture diplomatique. La solitude d’un État n’est plus la grandeur : elle est l’impuissance.

Car l’enjeu n’est pas de nier le principe de la remigration, qui demeure, avec Reconquête et d’autres forces lucides, l’une des intuitions majeures du siècle : celle d’un retour à l’ordre démographique, d’une réappropriation du territoire et de la culture. Non, l’enjeu est d’en faire une stratégie viable, adossée à la réalité du droit et à la concertation des puissances européennes. C’est là que tout commence : non dans les harangues, mais dans la refonte patiente du cadre juridique.

Il faut d’abord redéfinir la notion d’asile, distinguant le réfugié politique du migrant économique ; ensuite, réviser la Charte des droits fondamentaux afin d’y replacer la protection des peuples avant celle des flux. Puis viendra le temps des accords de réadmission contraignants : sans eux, aucun retour ne sera jamais effectif. Enfin, l’Union européenne devra user de la seule langue que comprennent les États défaillants : celle du levier économique, conditionnant l’aide et les visas à la coopération migratoire.

Certes, tout cela exige une volonté politique que Bruxelles, engluée dans sa morale compassionnelle, ne possède pas encore. Mais les fissures se multiplient. L’Italie, la Hongrie, la Pologne, l’Autriche ont déjà infléchi leurs lois. Les digues cèdent. Le réveil des nations se fraie un passage dans la glaise du juridisme. Un jour, la résistance woke de la Commission, figée dans son dogme post-national, tombera comme tombent les murailles de sable que bâtissent les enfants sur la plage : effacées par la marée du réel.

Le mouvement est inéluctable. Les peuples d’Europe, lassés de subir, retrouveront le courage d’ordonner leur espace et leur continuité. Le rêve d’une remigration maîtrisée ne s’accomplira pas contre l’Europe, mais par elle, lorsqu’elle se résoudra à redevenir un corps politique au lieu d’un hospice moral.

J’écrivais ces lignes devant le bar des Brisants, assis face au port du Guilvinec. Le vent d’ouest faisait trembler les haubans ; on eût dit que la mer elle-même méditait sur le destin des nations. Les civilisations, songeais-je, ressemblent à ces marées : elles se retirent quand elles doutent d’elles-mêmes, puis reviennent, chargées d’algues et de sel, lorsqu’elles se souviennent de leur nom.

Spengler l’avait déjà pressenti : « Ce n’est pas la force qui manque aux peuples, c’est la conscience de ce qu’ils sont. »

Balbino Katz, chroniqueur des vents et des marées

`Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.

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