De la démocratie en Suisse. Dominique Motte explique comment la Suisse a fait du citoyen le centre de sa démocratie

Invité par Charles Gave à l’Institut des Libertés, Dominique Motte, entrepreneur franco-suisse et auteur de De la démocratie en Suisse, a livré une véritable leçon de politique concrète.

Son ouvrage, paru aux éditions La Route de la Soie, rassemble près de 400 mots-clés décrivant les mécanismes du système helvétique. Il s’agit moins d’un dictionnaire que d’un manuel de compréhension vivante : comment, depuis plus de sept siècles, la Suisse a bâti une démocratie directe, enracinée dans la souveraineté du citoyen.

Pour Motte, le souverain en Suisse, c’est l’individu, non l’État ni le collectif abstrait.
Chaque Suisse détient une part effective de pouvoir, par le vote, la consultation et la responsabilité fiscale directe.
Une idée qui, dans la bouche de Charles Gave, trouve une filiation chrétienne : Dieu, dit-il, « ne compte que jusqu’à un ».
Le rapport entre l’homme et sa mission, entre la liberté et la responsabilité, constitue l’un des fondements de cette civilisation politique singulière.

Sept siècles de souveraineté populaire

Dominique Motte rappelle que l’histoire suisse commence en 1291, avec l’alliance défensive des trois cantons fondateurs — Uri, Schwyz et Nidwald — unis pour résister aux pressions de l’Empire des Habsbourg.
Ce pacte, né sur les rives du lac des Quatre-Cantons, visait d’abord à protéger les libertés locales face à un pouvoir étranger.
De cette confédération primitive découle un modèle de société où chaque canton conserve son autonomie, sa fiscalité et même, autrefois, sa monnaie.

La neutralité, quant à elle, ne fut pas un choix idéaliste mais une décision imposée par le Congrès de Vienne en 1815, afin de faire de la Suisse un État tampon entre puissances européennes.
Depuis lors, le pays n’a connu aucune guerre sur son sol depuis plus de cinq siècles, et n’a rejoint ni l’Union européenne ni l’OTAN.
Cette indépendance farouche a permis aux Suisses de traverser toutes les tempêtes continentales — de Napoléon à 1945 — sans perdre leur cohésion ni leur souveraineté.

Un État construit de bas en haut

Le système suisse repose sur une logique radicalement inverse de celle des États centralisés : le pouvoir monte du bas vers le haut.
Les communes décident des politiques locales, lèvent elles-mêmes l’impôt et conservent la majorité des recettes fiscales.
Elles ne transmettent à la Confédération qu’une petite part, fixée par votation.
Les cantons gèrent l’éducation, la santé, l’énergie, l’environnement, tandis que la Confédération ne s’occupe que des affaires extérieures, de la monnaie et de la défense.

Ce fonctionnement, explique Motte, garantit une maîtrise directe de l’argent public.
Les citoyens votent sur les budgets de leurs communes, connaissent précisément les montants engagés et peuvent refuser une dépense jugée inutile.
À l’inverse du modèle français, où la fiscalité est imposée d’en haut, la démocratie suisse repose sur la co-responsabilité financière du citoyen.

La démocratie directe : un équilibre de responsabilité

Depuis 1848, la Confédération helvétique fonctionne avec deux chambres — le Conseil national et le Conseil des États — et un Conseil fédéral de sept membres.
Aucun d’entre eux n’exerce de pouvoir personnel : les ministres se partagent les portefeuilles par consensus, et la présidence n’est qu’une fonction protocolaire, limitée à un an.

Ce principe de collégialité interdit toute dérive présidentielle ou autoritaire.
Si une loi fédérale déplaît au peuple, 50 000 signatures suffisent pour convoquer un référendum — un outil redoutablement efficace de contrôle démocratique.
Les Suisses peuvent ainsi modifier ou abroger des lois votées par le Parlement, sans attendre d’élection.
Depuis le XIXe siècle, près de 700 votations nationales ont eu lieu, sans provoquer ni chaos ni paralysie : la démocratie directe fait partie du rythme normal de la vie politique.

Le citoyen suisse, entrepreneur et responsable

Dans la discussion, Motte insiste sur un point : la démocratie directe ne fonctionne que parce qu’elle repose sur la responsabilité individuelle.
Chaque citoyen doit mesurer les conséquences de ses choix, car il participe directement au financement et à la gestion de son environnement local.
Ce réalisme politique se traduit dans l’économie : l’État suisse ne dépasse pas 30 % du PIB, un chiffre stable depuis soixante-dix ans.
Aucune dette structurelle, pas de déficit chronique : la Constitution interdit les budgets déséquilibrés.

Le résultat est connu : monnaie la plus forte du mondetaux de chômage minimalindustrie exportatrice florissante et niveau de vie parmi les plus élevés de la planète.
Dans certains cantons, comme Genève, un salaire minimum local atteint environ 4 200 euros — mais seulement là où les citoyens l’ont décidé par votation.
Là encore, la liberté et la responsabilité vont de pair.

Un modèle ignoré, mais envié

Charles Gave s’étonne dans la vidéo que jamais les élites françaises ne citent la Suisse en exemple, alors que le pays cumule stabilité politique, prospérité et paix civile.
Les Français, dit-il, connaissent l’histoire des États-Unis ou de l’Angleterre, mais ignorent celle de leur voisin alpin, pourtant à quelques heures de route.
Peut-être parce que le modèle helvétique contredit tout ce sur quoi repose la technocratie française : le culte de l’État central, la dépendance fiscale et la méfiance envers le peuple.

Dominique Motte y voit une leçon universelle : il existe d’autres manières d’organiser la vie collective que par la verticalité et la bureaucratie.
La Suisse en apporte la preuve depuis sept siècles : un peuple peut s’autogouverner sans révolution, sans caste dirigeante, et sans démagogie.
Un contre-exemple vivant, que l’on préfère souvent taire de ce côté-ci du Jura.

Crédit photo : breizh-info.com (TDR), Sion.
[cc] Article relu et corrigé par ChatGPT. Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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2 réponses à “De la démocratie en Suisse. Dominique Motte explique comment la Suisse a fait du citoyen le centre de sa démocratie”

  1. Pierre dit :

    La centralisation Jacobine a pour objet la destruction du débat démocratique. Les Suisses ont été contraints à la centralisation Jacobine en 1798 https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9publique_helv%C3%A9tique
    La page Wikipédia ci-dessus présente cette période de 5 ans comme une phase transitoire à caractère positif, elle a été la cause directe de la première et indirecte de la deuxième guerre civile en Suisse ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Stecklikrieg et https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_Sonderbund ).
    La fin de cette période de 50 ans, c’est à dire la fin de la deuxième guerre civile, a entériné une Suisse dont le centralisme Jacobin reste l’objectif politique à long terme avec un maintien de la faculté de porter le débat démocratique en dehors du contexte technocratique et centralisateur et avec une relative liberté politique locale.
    Les événements de 2020-2021 ont aggravé la tension entre les jacobins et les citoyens Suisses, avec la tentative, avortée, de rendre caduques les dispositions permettant la véritable démocratie. Depuis les votations sont sous haute surveillance et bien des résultats semblent assez contradictoires avec les opinions exprimées.
    Le sentiment de perte du débat démocratique est fort en Suisse et le pouvoir centralisateur en est conscient. On le voit dans cette « désescalade » feutrée dans laquelle les propositions du Conseil des États amoindrit l’effet des propositions initiales portées par les citoyens, comptant sur la confiance saine, mais mal placée, de bien des électeurs dans la sagesse des autorités.
    En effet, une véritable autorité est sage, et par conséquent avoir confiance dans sa sagesse est sain. Aussi un véritable débat démocratique doit se terminer par une décision, décision qui devrait être prise par le plus sage, et identifier le plus sage n’est pas possible. Il reste qu’on peut identifier « le personnage le plus probablement sage étant en mesure de prendre la décision » à travers la hiérarchie que l’on apprécie. Mais le choix de démocratie représentative est le choix du plus séduisant, quitte à retirer de la course ceux qui risquent de défaire le projet technocratique, comme Fillon, Marine Le Pen ou Miguel Uribe en Colombie et bien d’autres encore en particulier en Roumanie et en Moldavie. C’est ainsi que l’incarnation de l’autorité n’est plus qu’une marionnette vers laquelle il est cependant naturel de se tourner quand vient le moment de la décision.
    Je veux dire par là que les Suisses ne disposent plus que d’une très faible activité à proprement parler démocratique, et le Conseil Fédéral limite les « dégâts » de son mieux par des techniques comme celle des contre-propositions édulcorées qui sont sa spécialité. Nous, en France, n’avons aucune activité à proprement parler démocratique.

  2. JACQUES dit :

    Chez nous, c’est le culte des roitelets qui compte.
    L’oligarchie a pris le pouvoir, et elle ne le cédera que par une révolution menée par le peuple.
    Changer les mentalités n’est plus possible.

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