La publication, mi-novembre, d’un rapport indépendant sur la réforme de la loi écossaise relative à l’avortement a déclenché un débat intense à travers le Royaume-Uni. Commandé lorsque Humza Yousaf était encore Premier ministre écossais, le document propose une modernisation substantielle du cadre légal hérité de 1967, en insistant sur une approche davantage centrée sur la santé publique que sur le droit pénal.
Parmi les recommandations les plus commentées : la suppression des motifs obligatoires avant 24 semaines, une plus grande flexibilité pour les avortements tardifs, ainsi qu’un appel à la décriminalisation totale des femmes qui mettent fin elles-mêmes à leur grossesse.
Mais la controverse la plus vive concerne l’absence d’interdiction explicite de l’avortement sélectif selon le sexe – une pratique illégale aujourd’hui au Royaume-Uni, souvent associée à des contextes où les fœtus féminins sont particulièrement vulnérables.
Le groupe d’experts, composé de cliniciens, universitaires et juristes, dont certains ont travaillé avec le British Pregnancy Advisory Service (BPAS), justifie ce choix en estimant qu’une interdiction spécifique serait difficile à appliquer et risquerait de renforcer la stigmatisation des femmes. Les auteurs renvoient aux lois existantes sur la discrimination, qu’ils jugent suffisantes pour encadrer ce risque.
Que propose réellement le rapport ?
Fruit d’un an de consultations auprès d’une cinquantaine d’organisations – dont des groupes opposés à l’avortement – le rapport avance plusieurs réformes structurantes. Trois d’entre elles concentrent l’essentiel du débat.
1. Suppression des motifs obligatoires avant 24 semaines
L’avortement serait accessible sur la base du consentement informé, sans nécessité d’invoquer un risque physique ou mental. Les experts avancent que cela reflète la pratique actuelle : la grande majorité des avortements en Écosse sont précoces, médicaux, et réalisés selon des critères déjà très larges.
Ils insistent toutefois sur la nécessité d’un encadrement clinique renforcé et sur le maintien des protections contre la discrimination, notamment par l’Equality Act 2010.
2. Plus de flexibilité après 24 semaines, sous conditions strictes
La limite des 24 semaines serait conservée pour la plupart des situations.
Au-delà, deux professionnels de santé formés – médecins, sages-femmes ou infirmières – devraient juger l’intervention « appropriée », en tenant compte du stade de la grossesse, des circonstances médicales, psychologiques ou sociales, et de l’intérêt de la patiente.
Le rapport précise que les avortements tardifs doivent demeurer rares et documentés, rappelant qu’ils représentent actuellement moins de 0,1 % des cas.
3. Décriminalisation des femmes qui provoquent leur propre avortement
Le rapport préconise de supprimer toute poursuite pénale visant les femmes ayant recours à un avortement auto-induit, afin de réduire la peur et la stigmatisation.
En parallèle, il recommande la création d’infractions spécifiques pour les tiers exerçant des pressions ou des coercitions, notamment dans des contextes familiaux ou communautaires.
Des réactions politiques scandalisées
Ces propositions ont suscité une réaction vive, couvrant l’ensemble du spectre politique britannique.
Pour la conservatrice Kemi Badenoch, il s’agit d’une idée « écœurante ». Claire Coutinho évoque une dérive « dystopique ». Suella Braverman y voit une orientation « moralement inquiétante ». Andrew Bowie, du Labour, parle, lui, d’un mouvement « sinistre ».
En Écosse, Jeremy Balfour estime que le pays s’éloignerait dangereusement des standards européens.
De nombreux élus s’inquiètent du risque accru de pressions subies par certaines femmes, notamment dans des foyers où le choix du sexe peut entraîner des tensions ou des injonctions familiales.
Right To Life UK, organisation pro-vie, juge l’ensemble « extrêmement radical » et soulève la question des liens institutionnels entre certains experts et BPAS.
Plusieurs éditorialistes ont exprimé leurs inquiétudes, allant d’un risque de dérives culturelles à une interrogation sur le rapport entre progrès médical et éthique.
Sonia Sodha parle d’un projet « très préoccupant ».
Kathleen Stock rappelle le paradoxe moral autour de la sélection du sexe.
Allison Pearson estime que « la civilisation se déconstruit pierre par pierre ».
Un contexte déjà sensible en Écosse
En 2024, 98 % des 18 710 avortements réalisés en Écosse l’ont été avant 24 semaines, sur des motifs interprétés comme sociaux.
Les experts souhaitent harmoniser la loi avec la pratique médicale, mais les critiques y voient une libéralisation excessive, risquant de fragiliser encore davantage les enfants à naître et certaines femmes sous pression.
La ministre de la Santé publique, Jenni Minto, a rappelé que l’avortement est considéré comme un enjeu de santé en Écosse et qu’aucune décision ne serait prise sans une consultation approfondie. Le débat se prolongera probablement après les élections écossaises, où le sujet pourrait peser sur les programmes politiques.
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