Václav Klaus a été président de la République tchèque, de 2003 à 2013, et, avant cela, Premier ministre de 1992 à 1998. Lionel Baland l’a rencontré et interrogé pour Breizh-info, lors d’un événement organisé par le MCC Brussels.
Breizh-info : Que pensez-vous du nouveau gouvernement tchèque qui est mis en place et qui est composé d’Ano et de Motoriste sobě, qui siègent au Parlement européen dans le même groupe que le Rassemblement national français, et du parti nationaliste SPD, allié du parti patriotique allemand Alternative für Deutschland (AfD) ?
Václav Klaus : Il n’est pas certain que le président de la République Petr Pavel, qui est fortement lié au gouvernement précédent, soit prêt à accepter le nouveau.
Le peuple pense que la majorité de 108 députés contre 92 au Parlement est forte, ce qui donne au nouveau regroupement de trois partis politiques une justification suffisante pour former le gouvernement. Je crains que de nombreuses complications n’apparaissent lors de la mise en place de celui-ci.
Le nouveau gouvernement a une position différente à propos de trois questions fondamentales dans l’Europe et le monde actuels. Il sera moins pro-Bruxelles : il n’acceptera pas le dictat de la Commission européenne comme l’avait fait l’ancien gouvernement. Il ne sera pas aussi écologiste que l’ancien : il tentera de lutter contre la politique du Pacte vert pour l’Europe qui tue l’économie et, par conséquent, la société. Il aura une vision plus différenciée de la guerre en Ukraine : il ne la verra pas de manière arbitraire, banalisée et simplifiée.
Breizh-info : Pensez-vous que le nouveau gouvernement pourrait avoir des ennuis avec Ursula von der Leyen et l’Union européenne ?
Václav Klaus : Je discute uniquement des questions politiques intérieures et des difficultés liées à la formation du nouveau gouvernement par le président. Mais, bien sûr, je pense que Madame von der Leyen comprend parfaitement que ce gouvernement ne sera pas son meilleur ami.
Breizh-info : Est-il possible de trouver une solution pour arrêter la guerre en Ukraine ?
Václav Klaus : La guerre en Ukraine doit être arrêtée au plus vite. C’est une tragédie d’une ampleur énorme. Les négociations auraient dû commencer il y a déjà deux ans, pas maintenant.
La plupart d’entre nous étions optimistes quant au plan de paix de Donald Trump, mais il me semble que cette initiative de paix n’aura pas beaucoup de chances de réussir, vu le fait que le plan a été tellement modifié par les politiciens européens comme le président français Emmanuel Macron ou le chancelier allemand Friedrich Merz.
Breizh-info : Pensez-vous que ce nouveau gouvernement peut facilement collaborer avec les gouvernements hongrois et slovaque ?
Václav Klaus : Oui, la première visite, non pas encore du gouvernement, mais du président du Parlement Tomio Okamura du SPD, parti qui appartient à la nouvelle coalition gouvernementale, s’est déroulée en Slovaquie pour démontrer que le nouveau gouvernement entretient les meilleures relations possibles avec les Slovaques et au sein du soi-disant Groupe de Visegrád (Pologne, Tchéquie, Slovaquie, Hongrie).
Breizh-info : Pensez-vous que ce gouvernement arrêtera l’immigration ?
Václav Klaus : Le gouvernement sera fermement opposé à l’immigration massive vers l’Europe.
Breizh-info : Et à propos de l’économie, quelle est la voie de ce gouvernement ?
Václav Klaus : Eh bien, le gouvernement est clairement plus à droite que le précédent, ce qui signifie plus pro-marché que pro-régulation.
Breizh-info : Quel est le plan de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ?
Václav Klaus : Elle est une représentante typique de l’Union européenne. Elle désire unifier totalement politiquement le continent européen, éliminer les États membres et créer une entité sans démocratie et sans électeurs. Et je crains que certains pays européens soient très favorables à cela, ou du moins leurs gouvernements.
Elle essaie de transformer le continent européen en une entité politique unifiée, ce qui signifie éliminer tous les États-nations d’Europe. C’est le plan des élites européennes actuelles. Ursula von der Leyen en est l’exemple le plus visible.
Je m’oppose totalement à cette idée depuis mon entrée en politique, il y a 35 ans. J’ai, dans les premiers jours après la chute du communisme, lors de notre Révolution de velours, vu dans les rues le slogan « Vers l’Europe ! ». Et tout le monde a un peu accepté celui-ci.
J’ai été le premier dans le pays à protester et à dire : retourner en Europe ne signifie pas aller en avant vers l’Union européenne. La confusion entre l’Europe et l’Union européenne est une caractéristique permanente de toutes les discussions en Europe ces 35 dernières années. Et je pense que cela constitue une erreur tragique.
Breizh-info : Quelle est la raison pour laquelle la Hongrie est attaquée ? Comment le Premier ministre Viktor Orbán peut-il se défendre ?
Václav Klaus : Je discute régulièrement avec Viktor Orbán. Il a une forte personnalité. Il a des opinions bien arrêtées et dispose d’un soutien suffisant parmi les Hongrois. Il dispose de la majorité, ainsi que de la majorité constitutionnelle.
Il a donc une bien meilleure opportunité de se battre pour les intérêts nationaux hongrois et non pour ceux d’une entité indéfinie appelée l’Europe. L’Europe est un continent. L’Europe est un espace civilisationnel, mais l’Europe n’est pas une entité politique. L’Europe n’est pas un acteur politique. Le concept d’Europe devrait donc être défini beaucoup plus profondément et mieux.
Breizh-info : Pensez-vous que dans l’avenir la gauche et les libéraux s’opposeront beaucoup plus fermement aux conservateurs et aux patriotes ?
Václav Klaus : Je pense que les fanatiques de l’euro ont vraiment compris que les élections de l’année dernière au Parlement européen avaient été importantes, leur signalant qu’il existe des opposants plus forts à la version actuelle du processus d’intégration européenne. Ils ont donc décidé de ne pas rester silencieux, ni passifs, ni sur la défensive.
Ils ont commencé à nous attaquer. On peut probablement très facilement dire que la situation, en ce qui concerne la liberté et la démocratie au sein de l’Union européenne, est bien pire qu’avant les élections européennes, même si les conservateurs et les patriotes ont obtenu des résultats relativement très bons. C’est donc un vrai problème et la question est de savoir comment y répondre.
Breizh-info : Pensez-vous que la véritable indépendance des États membres européens est en danger à cause de l’Union européenne ?
Václav Klaus : Nous perdons totalement notre indépendance. Dire que nous sommes souverains et indépendants est absurde. Nous ne sommes pas libres. Nous faisons partie de l’Empire européen au sein duquel notre pouvoir décisionnel est relativement très limité et cela nous ne le désirions pas au moment de la chute du communisme.
Nous voulions devenir des pays européens normaux, ce qui signifie non communistes, mais souverains, existants, non gouvernés depuis ailleurs. Dans mon pays, nous avons été dirigés pendant trois siècles depuis Vienne, puis six ans depuis Berlin, puis, après, depuis Moscou. Nous ne voulons pas être gouvernés depuis Bruxelles, vraiment pas.
Breizh-info : Que pensez-vous du parti patriotique allemand Alternative für Deutschland (AfD) ?
Václav Klaus : Eh bien, pour moi, c’est un parti politique rationnel et pragmatique, qui devrait être accepté en Allemagne en tant que formation politique normale, mais le chancelier Merz refuse cela. Je suis un ami de certains membres de l’AfD.
Propos recueillis par Lionel Baland
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