Dans son livre « Qui est Mélenchon » (Plon), Julien Dray en racontait un peu (200 pages)… Dans « La Meute » (Flammarion), Charlotte Belaïch et Olivier Pérou en racontent beaucoup (346 pages)… C’est ainsi qu’apparaît Ségolène Amiot, une femme réaliste, capable de faire le “bon choix“ !
A La France insoumise pour être investie aux élections législatives – et à plus forte raison pour être réinvestie -, il faut se placer dans la « ligne » définie par la direction (Jean-Luc Mélenchon, Manuel Bompard, Mathilde Panot, Clémence Guetté, sans oublier Sophia Chikirou, la femme du chef) et faire preuve d’inconditionnalité. Sinon, c’est la porte, accident arrivé à Frédéric Mathieu qui était député dans la circonscription de Rennes-Bruz ; il fut remplacé vite fait bien fait en juin 2024 par Marie Mesmeur qui présentait l’avantage d’être « très proche » de Louis Boyard. Manifestement, Ségolène Amiot (LFI, tendance LGBTQI+), députée de Nantes-Saint-Herblain, a bien compris la règle du jeu ; c’est ce qu’elle montre dans l’une des mille anecdotes (en moyenne trois par page) racontées par Charlotte Belaïch et Olivier Pérou dans leur ouvrage « La Meute – Enquête sur La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon » (Flammarion)
« Avant son éviction de la direction du mouvement, en décembre 2022, Clémentine Autain crée un groupe de discussion réunissant ceux qui poussent à plus de démocratie interne. La députée Ségolène Amiot, qui en fait partie, semble être enthousiaste. « J’ai été invitée à un dîner le 6 décembre, avec une bonne douzaine de mes collègues. Nous avons échangé sur les difficultés que notre groupe rencontrait, notamment les difficultés à trouver des moments et des espaces “safe“, c’est-à-dire des cadres dans lesquels nous pouvions librement échanger sur les positions politiques et la stratégie, en pouvant faire entendre notre point de vue », confirme-t-elle aujourd’hui, précisant qu’elle était en désaccord avec les causes invoquées et les stratégies proposées pour remédier à ces difficultés collectives. La teneur des conversations arrive aux oreilles de Manuel Bompard et d’autres membres de la direction. Plusieurs convives du fameux dîner en sont alors convaincus : Amiot est à l’origine des fuites. « Je me suis sentie instrumentalisée et très mal à l’aise. J’en ai donc parlé à la cantonade à d’autres députés de mon groupe mais pas à Manuel Bompard en particulier », raconte la député LFI. Quelques semaines plus tard, Autain apprend qu’elle n’est pas intégrée à la nouvelle direction. Amiot, elle, y figure. » (page 166). La politique étant d’abord une affaire de casse-croûte, Ségolène Amiot a compris qu’à LFI, il faut suivre et fermer sa gueule… Le job de député est plus “enrichissant“ que celui de chargée d’assistance d’une plateforme téléphonique d’assurances.
Elle est investie en 2022 et bat la députée macroniste sortante Anne-France Brunet (55,11 %/44,89 % au second tour) – elle redonne à la gauche l’ancienne circonscription de Jean-Marc Ayrault. Après la dissolution de 2024, elle est réinvestie et réélue (50,13 %) ; cette fois dans une triangulaire avec un candidat Renaissance (Matthieu Annereau, 28,16 %) et une candidate du Rassemblement national (Laurie Arc, 21,70 %). Le soir de sa réélection, elle annonce un programme ambitieux ; elle invite ses militants à rester mobilisés « parce que le parti de la haine s’est approché très dangereusement de gouverner notre pays. Dans les jours, les mois à venir, nous allons devoir aller sur le terrain pour convaincre ceux qui ont voté pour le Rassemblement national, pour les convaincre que ce que l’on propose est plus sain et tellement mieux pour eux » (Ouest-France, Loire-Atlantique, lundi 8 juillet 2024)
Dans les vingt et un membres de la nouvelle direction, on trouve donc Ségolène Amiot ; elle appartient à « la sociologie habituelle des cadres de LFI, urbaine et diplômée ». «Des élus et des cadres qui n’ont jamais émis de critiques sur la ligne portée par M. Mélenchon. Lequel estime d’ailleurs que figurer dans l’organigramme exige une “ obligation de discrétion absolue“. » (Le Monde, jeudi 15 décembre 2022)
Les bons comptes font les bons amis
Dans ce livre, on raconte une anecdote amusante concernant le congrès du PS organisé à Brest en 1977. Pour l’élection du premier secrétaire, François Hollande et Jean-Luc-Mélenchon s’étaient « arrangés » avant le vote : 85 % pour le premier et 15 % pour le deuxième. « Mais quand le vote tombe, Mélenchon s’empourpre. Il obtient 10,5 % des voix militantes en lieu et place des 15 promis. « Un accord avec Hollande ou rien c’est pareil, il ne tient pas parole, fulminera-t-il plus tard. C’est un homme qui aime jouer et ça l’a amusé de me voir humilié, de me voir fou de rage, ça le distrayait. Dans son cas, il s’agit d’un vice de cynique. Je lui ai dit que je ne lui pardonnerais jamais, vous voyez en effet je ne luis pardonne pas. » (Page 74) Comme il n’y a pas de raisons de changer les bonnes habitudes (tripatouillages dans les fédérations, “électeurs“ qui n’ont pas payé leur cotisation, adhérent qui vote pour toute sa famille…), il faut saluer la victoire d’Olivier Faure ; elle était méritée… un premier secrétaire qui ne tiendrait pas l’appareil serait indigne de la fonction !
Invité à commenter la réélection d’Olivier Faure au poste de premier secrétaire, Jean-Yves Le Drian a eu cette phrase historique à propos du PS : « La marche vers le groupuscule se poursuit » (France Inter, matinale, vendredi 6 juin 2025).
Bernard Morvan
Photo d’illustration : DR
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