Quoi de plus beauf que de passer ses vacances à La Grande-Motte, Saint-Jean de Monts (la version pour les pauvres) ou La Baule (la version pour les riches) ? Béton, serviette contre serviette, tsouin-tsouin, churros et boîtes de nuit. Mais il y a encore des amateurs. Pauvre de eux ! Avant de tourner la clef de contact et de mettre le GPS pour aller dans un bronze-cul quelconque cet été, lisez « L’Or des Rivières » (Galimard) de Françoise Chandernagor. Je m’excuse platement auprès de la rédaction de Breizh-Info car le dit-bouquin était sur ma pile de livres en attente depuis plus d’un an et puis… Que l’attente fut longue mais que la lecture fut bonne !
Françoise Chandernagor est une écrivaine -membre de l’Académie Goncourt- et haut-fonctionnaire qu’il serait vain de présenter ici. Son père a peut-être cependant disparu des esprits : André Chandernagor, député des débuts de la Vè et ministre des affaires européennes sous Pierre Mauroy. Il fut démissionné au même du fameux « tournant de la rigueur » (qui, paradoxalement, creusera encore plus le déficit).
André Chandernagor, qui est toujours vivant et a aujourd’hui 103 ans, était député de la Creuse. Et c’est ce département emblématique de la Diagonale du Vide que sa fille, Françoise, chante, célèbre, porte au pinacle dans son livre paru en 2014 : l’Or des Rivières.
La Creuse est une île et la Creuse est tout. Françoise Chandernagor délivre le plus bel hymne à l’amour pour un département qu’on est jamais lu jusqu’alors. Car la Creuse, qui regroupe, entre autres, l’ancienne province de la Basse-Marche, est la terre des fameux « Maçons de la Creuse » (dont nous comptons en Bretagne un descendant fameux : l’écrivain Daniel Giraudon) qui ont construit Paris et tant d’autres lieux. Et ont même, l’apprend-on dans ce livre, constitué une bonne partie des troupes de la Commune ! L’un d’eux était le grand-père de Françoise Chandernagor.
« L’Or des Rivières » est un roman testament d’une femme qui a désormais quatre fois 20 ans, mais c’est également un hymne. Et un bel ouvrage d’humour, d’anecdotes et de réflexions sur l’enracinement. Françoise Chandernagor est creusoise. Elle parle l’occitan marchois (certains dialogues sont dans cette langue) et ne défend pas une mal-aimée, la Creuse, a qui il faudrait écrire un livre plaidoyer disponible à l’Office de Tourisme. Non ! Elle défend une certaine idée du futur. Du retour aux sources. A la vraie vie. Loin des villes. Loin de Paris. Quelques passages subtils sur les wokes, les bobos et les décoloniaux nous amène également à éprouver une sympathie naturelle pour madame Chandernagor. Le Parti Socialiste, dont son père a été un cadre, est tombé dans la honte du wokisme, Françoise garde toujours ses sympathies populaires mais ne verse pas dans l’héritage familial béat et c’est parfait !
En lisant ce livre, vous ne pourrez qu’éprouver de la sympathie pour ces terroirs oubliés par le bling-bling et qui deviendront, à n’en point douter, autant de refuges pour les nouveaux « exilés de l’intérieur ». Exilés du climat ou de la guerre civile qui vient. La Creuse est belle, est loin de tout, a une culture, une histoire, une langue, une gastronomie. Mais la modernité l’a laissé sur la bas-côté du village mondial. Et c’est peut-être tant mieux.
Maintenant, vous pouvez reprogrammer le GPS. Terminé les vacances au bord de la Méditerranée ou sur la côte landaise, direction Châtelus-Malvaleix ou Tercillat !
A-S Hamon
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Une réponse à “Avant vos vacances de beauf à La Grande Motte, lisez L’Or des Rivières ! [L’Agora]”
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