Geoffroy de Lagasnerie. La famille ? Non merci, je suis de gauche

Parmi les grotesques produits de l’université française postmoderne, Geoffroy de Lagasnerie occupe une place de choix, non seulement par sa capacité à mimer les fulgurances d’un penseur, mais surtout par la constance avec laquelle il enchaîne, semaine après semaine, les appels à la dissolution de toute forme d’ordre naturel ou social. Sa dernière tribune, publiée dans Libération, confirme cette vocation de longue haleine : la famille est à abattre, la lutte homosexuelle doit s’émanciper de toute solidarité trop large, et l’enfant, ce petit être naguère innocent, pourrait bientôt revendiquer le droit de divorcer de ses parents.

On s’y attendait. Après avoir voulu abolir la police, la justice, la prison, l’État, et même la catégorie de crime (dans son précédent opuscule Par-delà le principe de répression), Lagasnerie s’attaque désormais à la structure la plus universelle qui soit : la famille. Et le prétexte, cette fois, est habilement enrubanné dans un discours d’apparente lucidité stratégique. Le philosophe entend que la radicalité homosexuelle cesse de se dissoudre dans le grand bain intersectionnel LGBTQIA+, cette soupe idéologique où tout s’additionne sans jamais s’articuler. Fort bien. Il propose que les homosexuels, les vrais, les mâles, les durs, reprennent leur autonomie de combat et formulent leurs revendications spécifiques.

Jusqu’ici, rien que de très banal dans la logique des chapelles révolutionnaires : retirer sa minorité du grand charivari des minorités pour mieux se recentrer sur son nombril collectif. Mais le verbe se tend, et le fond se dévoile : il faut, selon Lagasnerie, poser de «vraies» revendications. Non pas des platitudes sur l’écologie ou le racisme, mais des objectifs subversifs, concrets. Et que propose-t-il ? Élargir le mariage à plus de deux personnes, créer des «écoles sanctuaires» pour les enfants gays, et surtout, donner à ces enfants le droit de divorcer de leurs parents.

On relit. Puis on relit encore. Ce n’est pas une métaphore. Il parle bien d’un divorce entre enfants et parents, comme s’il s’agissait d’un contrat commercial entre adultes consentants. Derrière ce mot qui choque, se déploie la logique désormais bien connue de Lagasnerie : toute attache est une aliénation, toute fidélité un piège, toute relation stable une oppression. L’enfant doit pouvoir se défaire de ses géniteurs comme on se débarrasse d’un compte bancaire ou d’un fournisseur d’accès.

Ce n’est plus de la subversion, c’est du nihilisme social au service de prédateurs à l’affût. Le rêve n’est plus de réformer la société, mais de la déconstruire jusque dans ses fondements biologiques. La famille ? Une cellule fasciste. L’éducation parentale ? Un terrain de violence homophobe latente. La filiation ? Une tyrannie affective. Pour Lagasnerie, tout ce qui précède le désir individuel est une entrave, un piège dont il faut s’affranchir par des outils juridiques inédits, déracinés de tout lien charnel, culturel, spirituel.

Dans cet univers glaçant, où l’individu s’autodéclare être à partir de rien, le lien parental devient un contrat révocable, et l’héritage une souillure. L’enfant devient une monade politique. Et bien entendu, on trouvera des lecteurs dans Libération pour saluer cette audace, cette « pensée vivifiante », cette « remise en question salutaire ». C’est toujours la même histoire : plus on détruit, plus on se croit créateur.

Or, il faut ici nommer les choses : ce n’est pas la radicalité homosexuelle qui parle sous la plume de Lagasnerie, c’est le ressentiment bourgeois d’un intellectuel stérile incapable d’accepter que la condition humaine s’inscrit dans la durée, la transmission, l’héritage. Sa haine de la famille n’est pas née d’une analyse, mais d’une blessure. Et ce ressentiment devient théorie, puis programme. Une logique qui rappelle, toutes proportions gardées, ce que Carl Schmitt aurait appelé la haine de l’ordre naturel par les modernes : le refus de toute forme d’enracinement, de filiation, de hiérarchie, sous couvert d’émancipation.

En somme, Lagasnerie ne veut pas la libération des enfants, mais l’éradication des pères. Et derrière son vernis de théorie, c’est bien une politique du vide qu’il propose : plus de racines, plus d’appartenances, plus de loyautés. Seulement des individus fluides, interchangeables, contractuels. Des électrons sans charge, des âmes sans lignée.

Mais dans un monde où l’enfant divorcerait de ses parents, qui recueillera les orphelins ? L’État ? Le marché ? Un adulte intéressé ? Les collectifs affinitaires de passage ? Il faut une singulière naïveté, ou une grande indifférence à la réalité humaine, pour croire qu’un tel monde pourrait accoucher de quoi que ce soit d’autre que d’une solitude d’acier où les prédateurs seraient rois.

Balbino Katz — chroniqueur des vents et des marées —

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

Cet article vous a plu, intrigué, ou révolté ?

PARTAGEZ L'ARTICLE POUR SOUTENIR BREIZH INFO

2 réponses à “Geoffroy de Lagasnerie. La famille ? Non merci, je suis de gauche”

  1. Pierre dit :

    Merci de cet article si vrai. Quant à ces gauchistes ils inventent une nouvelle barbarie. Les barbares détruisaient les cadres existants pour pouvoir imposer les leurs mais en sauvegardant ce dont ils pouvaient s’approprier l’héritage. Les Vikings et les Sarrasins sont une nouveauté dans la destruction, ils ne veulent que piller et torturer, mais ils admettent que pour pouvoir piller et torturer il est nécessaire de laisser s’épanouir une société que l’on peut piller. Notez que les Varègues eux ne se sont pas comportés comme des Vikings, mais plus comme des conquérants bâtisseurs.

    Nos barbares de l’intérieur, pillent et torturent sans même s’en apercevoir, sous l’impulsion directe du mal pur: la haine de ce qui est. Voués au mal par leur volonté propre de rejeter l’être y compris le leur, et quand bien même on pourrait leur trouver des excuses dans leurs souffrances provenant de leur enfance, on peut aussi remonter jusqu’à Adam, car il n’existe aucun père qui n’ait fait souffrir son enfant qui n’ait eu aussi à souffrir de son propre père, sauf Adam. « Adam, fils de Dieu » (Luc III, 38). Aussi cette excuse n’en est-elle pas une.

    Là où c’est inquiétant c’est que leur barbarie ne vient pas de la faiblesse de leur héritage, mais du rejet de leur héritage. Qu’ont-ils dont ils n’aient pas hérité: leur langue, leur prospérité, leur santé, leur gènes et même la capacité qu’ils ont à employer des sophismes, ils en ont hérité. Il n’y a que leur barbarie dont on peut soupçonner qu’ils n’en ont pas hérité mais qu’elle leur a été insufflée. Celui qui la leur insuffle est « homicide dès le principe » (Jean VIII, 44).

  2. guillemot dit :

    Ce pauvre garçon devrait au contraire remercier son père de lui avoir donné la vie car sans lui il ne serait pas là. Encore un qui des problèmes « psy » à régler.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

ARTICLES EN LIEN OU SIMILAIRES

Politique

Le murmure des cloîtres. Lettre à ceux qui parlent une langue que le peuple n’entend plus

Découvrir l'article

Politique

Chronique d’indignation : la tiédeur ne sauvera pas le réel

Découvrir l'article

International

Mariage et famille : les piliers oubliés de la civilisation moderne

Découvrir l'article

Politique

Chronique de l’échec annoncé : la gauche, cette tragédie en trois actes

Découvrir l'article

LORIENT

Livres de médiathèque brûlés à Lanester : entre imbécillité incendiaire et censure feutrée [L’Agora]

Découvrir l'article

Politique

Caroline Parmentier. La marée des subventionnés ne fera pas barrage au peuple

Découvrir l'article

Santé, Social

Saint-Quentin : ce que personne n’a osé dire sur l’affaire des boucheries halal

Découvrir l'article

Politique

Royaume-Uni. Farage ou le retour du réel

Découvrir l'article

A La Une, Politique

Immigration. La stratégie de l’étouffoir : quand débattre devient un crime

Découvrir l'article

International

Israël, l’Iran, et le retour du tragique : l’Histoire en marche arrière

Découvrir l'article

PARTICIPEZ AU COMBAT POUR LA RÉINFORMATION !

Faites un don et soutenez la diversité journalistique.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur Breizh Info. Si vous continuez à utiliser le site, nous supposerons que vous êtes d'accord.

Clicky