Un député n’a jamais envie de démissionner. Seuls ses opposants réclament son départ. S’ils occupaient la place, ils ne parleraient pas de démissionner. D’autant plus que la réélection n’est pas toujours un exercice facile. Fort logiquement, Andy Kerbrat a refusé de démissionner.
Après les “exploits“ d’Andy Kerbrat (LFI), député de Nantes centre, il était normal que la droite réclamât sa démission ; c’est le jeu. Surtout après son apparition dans un reportage de France 2 (Envoyé spécial, jeudi 13 février 2025) – il fallait être gonflé pour accepter de jouer les vedettes à la télévision. C’est pourquoi Kerbrat a eu droit aux “félicitations“ d’un jury remonté qui réclamait sa démission : « A partir du moment où il a reconnu avoir participé à un trafic, il aurait dû démissionner. Tous ses propos n’ont aucune valeur. Son seul objectif est de gagner du temps », souligne Franck Louvrier (LR), maire de La Baule. Même son de cloche avec Foulques Chombart de Lauwe (LF), conseiller municipal de Nantes : « Non, tout le monde ne se drogue pas. Non, tout le monde n’achète pas de la came à un mineur. Et si, comme il le dit, ça lui prendra “toute sa vie d’en sortir“, il faut démissionner. Impossible d’assumer sa charge. » (Ouest-France, Loire-Atlantique, 15-16 février 2025)
Mais la plus intéressée à l’affaire s’appelle Valérie Oppelt. Elue députée macroniste en 2017 dans la circonscription de Nantes centre, elle reçoit une raclée en 2022. Au premier tour, Andy Kerbrat (LFI) lui met dix-huit points dans la vue (46,62 %/28,44 %). Au second, Valérie Oppelt (Ensemble) n’obtient que 44,66 % des exprimés, tandis que Andy Kerbrat grimpe à 55,34 %. « C’est un changement de vie total qui m’attend. Mon objectif, c’est de garder la flamme. Je ne vais pas oublier ce que c’est d’être un salarié précaire et un syndicaliste », se félicite le vainqueur, tandis que la vaincue promet de poursuivre son engagement : « Je ne vais rien lâcher et je ne vais pas relâcher la pression sur Johanna Rolland, qui a vendu son âme au diable et à LFI, en soutenant Andy Kerbrat. Désormais, Nantes pour moi, c’est l’extrême gauche » (Presse Océan, lundi 20 juin 2022). Valérie Oppelt oublie tout simplement de noter que la sociologie de Nantes centre est favorable à la gauche, voire à la gauche radicale (LFI) – les nouvelles classes urbaines ne votent pas à droite ; son élection de 2017 fut un accident lié à la “dynamique“ Macron lors de la présidentielle.
La dissolution de 2024 ne permet pas à Mme Oppelt de récupérer son siège. On peut même parler de catastrophe puisque Andy Kerbrat est réélu dès le premier tour : 51,67 % (34 341 voix), contre 26,70 % (17 744 voix) pour la macroniste (Renaissance) ; c’est-à-dire que Kerbrat la devance de 16 597 suffrages – soit 24,97 points. La messe est dite… Se sentant investi d’une mission, Kerbrat déclare immédiatement : « L’enjeu, dès ce soir, c’est de soutenir les autres candidats de gauche qui peuvent l’emporter dans le département (…) On ne va pas se mentir, on est au bord du gouffre, mais ce département est une terre de résistance, il doit le rester. » (Ouest-France, Loire-Atlantique, lundi 1er juillet 2024) Quant à l’ancienne députée, elle tient à « féliciter les Français qui sont allés voter, preuve que la démocratie est encore là. En plus, à Nantes, on n’a pas un Rassemblement national aussi fort que cela. » (Presse Océan, lundi 1er juillet 2024) ; elle oublie de voir que, dans sa circonscription, l’abstention atteignait 26,19 % (soit 23 971 électeurs inscrits). Quant à la candidate du RN Nolwenn Fer, elle est parvenue à obtenir 9 157 suffrages (13,78 %), ce qui est exceptionnel dans une circonscription “bourgeoise“ (bobos & Co).
Valérie Oppelt et Andy Kerbrat ne partiront pas en vacances ensemble
On l’aura compris Valérie Oppelt a de bonnes raisons de ne pas apprécier Andy Kerbrat qui l’a battue sèchement à deux reprises. Après la diffusion de l’émission Envoyé spécial, elle vide donc son sac. Elle commence par qualifier les propos de Kerbrat de « choquants et honteux ». Dénonçant « une tentative de victimisation habituelle chez LFI », la conseillère municipale d’opposition de Nantes rejette en bloc les explications de Kerbrat : « Non, tous les gens ne tombent pas dans la drogue quand ils perdent leur mère. » Pour elle, Kerbrat n’a plus sa place à l’Assemblée nationale : « Depuis qu’il est élu, il vote des lois sous l’emprise de la drogue. Il n’a jamais été en capacité d’assumer pleinement ses fonctions. Il doit démissionner. » (Presse Océan, samedi 15 février 2025)
Mais Andy Kerbrat est bien décidé à conserver son job. Dès le départ, il annonce la couleur : « Je me battrai contre cette addiction. Après avoir consulté mon médecin, je vais suivre un protocole de soins. Il me permettra de reprendre mon activité parlementaire. » (Presse Océan, mercredi 23 octobre 2024) « Je resterai député jusqu’à la fin de mon mandat », affirme-t-il dans le reportage d’Envoyé spécial (jeudi 13 février 2025). Et d’annoncer son retour au Palais-Bourbon : « Je reprends mes fonctions après un gros break de six mois nécessaire pour me soigner : hospitalisation, suivi médico-social… » (Presse Océan, lundi 23 juin 2025) Le plus amusant de l’histoire est son comportement dans l’affaire Josso-Guerriau. Avec les autres députés Nupes de Loire-Atlantique, il a signé un texte dans lequel il se déclare d’accord avec Gérard Larcher qui a demandé à Joël Guerriau de « démissionner de ses fonctions (…) et de mettre en retrait de toutes ses activités liées à son mandat de sénateur. » (Ouest-France, Loire-Atlantique, vendredi 24 novembre 2023) Si Guerriau doit démissionner, on ne voit pas pourquoi Kerbrat ne démissionnerait pas… Même combat !
Les élections partielles sont dangereuses pour un sortant
Demander à un député de démissionner, c’est ignorer les conséquences de cette décision. D’abord la suppléante de Kerbrat Marina Ferreruela ne pourrait pas le remplacer car « la démission [serait] intervenue pour tout autre motif qu’une incompatibilité » ». Ensuite « il est procédé à des élections partielles dans un délai de trois mois ». Voilà ce qu’indiquent les articles L.O 176 et L.O 178 du Code électoral. Ne perdons pas de vue que la Nupes en 2022 et le Nouveau Front populaire en 2024 ont rendu service à Andy Kerbrat puisqu’il était le candidat unique de la gauche – pas de concurrence avec les socialistes et les écologistes. En 2025, la situation risque d’être totalement différente car ce n’est plus le grand amour entre les insoumis et les socialistes ; et ces derniers pourraient être tentés de présenter un candidat contre Kerbrat afin de récupérer la circonscription. D’autant plus que le député ne manque pas une occasion de critiquer Johanna Rolland (PS), maire de Nantes. Ainsi il fustige « le double discours » de Mme Rolland qui ne « clarifie pas sa position sur la création d’un centre de rétention administrative à Nantes », marie « le verdissement de la ville en même temps que la coupe d’arbres », et orchestre « un partenariat quasiment permanent avec la CCI sur la question de l’attractivité de la ville ». (Presse Océan, samedi 28 juin 2025)
Palais-Bourbon : la soupe est bonne
Un récent sondage portant sur les intentions de vote en cas de dissolution incite évidemment les dirigeants de La France insoumise à faire preuve de prudence – s’embarquer dans des élections partielles serait une mauvaise idée. Actuellement, un candidat présenté par le PS, Les Ecologistes et le PCF est crédité de 16 %, tandis que celui se réclamant de LFI n’atteindrait que 10 % (Elabe, La Tribune Dimanche, 8 juin 2025). Ce qui montre que, pour Kerbrat, démissionner comporterait un grand risque – surtout si son électorat se démobilise. A six mois des élections municipales, il serait contre-productif pour LFI d’obtenir de mauvais résultats à Nantes ; les insoumis ne se trouveraient plus en position de force pour faire pression sur Johanna Rolland (PS).
Ensuite, quand on a été salarié d’un centre d’appel, la vie au Palais-Bourbon apparaît confortable : l’indemnité de base s’élève à 5 931,95 €, l’indemnité de résidence à 177,96 € et l’indemnité de fonction à 1 527,48 €, soit un total de 7 637,39 €. A cela s’ajoutent d’autres avantages : une avance de frais de mandat (5 950 euros chaque mois), une enveloppe pour rémunérer les assistants parlementaires (1 1 118 euros mensuels), une carte pour se déplacer en train gratuitement, le remboursement des frais de taxi ou VTC, etc. On peut ajouter qu’un député est une personnalité locale, il joue un rôle à Nantes, les médias parlent de lui… Pour toutes ces raisons et quelques autres, Andy Kerbrat n’a aucun intérêt à retourner travailler dans un centre d’appel… Le casse-croûte d’abord !
Bernard Morvan
Crédit photo : Teidix/Wikimedia (cc)
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4 réponses à “Nantes : Andy Kerbrat (LFI) n’avait aucun intérêt à démissionner”
la gamelle est trop bonne et il faudrait être débile pour ne pas s’en passer d’autant que les députés se protègent entre eux
bon … « tu t’éloignes un peu le temps que cela se tasse et tu reviens sans faire trop de bruit »
vu le bazar à l’assemblée ton retour ne se verra pas
entre temps tu gardes tous tes avantages pour ne pas déprimer plus car tu es fragile la preuve tu es forcé de te droguer pour tenir le coup . bichette !!
allez ANDY ne nous fait pas languir reviens vite, ton professionnalisme et ta vision politique nous manque surtout pour combler le déficit
Il vous a entendu et il est revenu…et pas par la petite porte
Interview, déclaration
Aucune vergogne
Commençons déjà par réduire le train de vie de ces budgétivores venus à la députation plus par l’appât du gain que pour l’amour de la France et la défense du citoyen; il y aurait moins de candidats. Exigeons un contrôle strict des frais de représentation qui sont utilisés souvent pour améliorer le train de vie du récipiendaire et non pour secourir les plus démunis.
Quelle cuisine cette démocrassouille, plus proche d’un tripot que de la cuisine de ma mère! Le caboulot de la République, un tripot cette assemblée! C’est devenu la Cour des Miracles de jadis! Ecuries d’Augias!