Il fallait grimper aujourd’hui, et ça montait dru entre Albertville et La Plagne. Moins de cent kilomètres, mais une pluie taquine, des cols aiguisés, et cette odeur de fin de Tour qui rend les jambes fébriles et les cerveaux brumeux. La 19e étape, ultime salve alpine, n’a pas sacré un général, mais un stratège. Et le nom du jour s’inscrit en lettres d’audace : Thymen Arensman. Encore lui. Oui, encore.
Le Néerlandais a claqué une deuxième victoire de prestige, comme un clin d’œil à Superbagnères où il avait déjà mystifié les favoris. Même scénario. Même punition. Et les mêmes absents : Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard, trop occupés à jouer à « je-te-marque-tu-me-marques » pour voir le train partir. À force de se surveiller dans le rétro, on en oublie la route. Et Arensman, lui, a regardé droit devant.
La Visma, reine des stratèges… à rebours
À Visma-Lease a Bike, on semble avoir confondu Tour de France et sudoku (ou avec Movistar et ses fameuses stratégies qui empêchent aux espagnols de gagner sur le Tour depuis tant d’années…). Une équipe qui disposait pourtant d’un double vainqueur du Tour, Vingegaard, d’un vainqueur du Giro 2025 (Yates), de solides grimpeurs (Jorgenson, Küss) qu’on espérait voir mettre la pagaille dès la première semaine, et qui aura finalement passé trois semaines à rouler pour maintenir l’écart entre deux hommes déjà inaccessibles. Une tactique de siège en terrain miné.
Aujourd’hui encore, le Danois a attendu. Pogacar aussi. Ils ont grimpé comme deux hommes enchaînés, incapable l’un sans l’autre. Et quand Arensman a mis la flèche dans le dernier col, ils ont levé les yeux, puis les épaules. C’était trop tard. Le Néerlandais leur a filé sous le nez avec la grâce d’un évasé de dernière heure. Le maillot jaune termine troisième, satisfait d’avoir gardé ses minutes d’avance sur Vingegaard, sans prendre le risque d’en gagner davantage et de paraitre trop suspect aux yeux de beaucoup. On se croirait dans une pièce de théâtre, sans premier rôle.
Lipowitz, le podium en jeu… ou presque
Quant à Florian Lipowitz, solide troisième du général, il s’est lancé dans un numéro de solo improvisé…Cherchant à creuser l’écart avec Oscar Onley, pourtant en perdition, l’Allemand a mis une telle mine qu’il a brièvement ramené Pogacar dans la course à la victoire d’étape. Un effort aussi inutile que dangereux (faire gagner un autre), digne d’un coureur qui veut prouver qu’il est là, même quand il n’y a plus rien à prouver. Le podium est (quasi) assuré, le maillot blanc aussi. Mais Lipowitz, lui, voulait peut-être entrer dans le journal.
Et puis il y avait Primoz Roglic. Le vétéran. L’éternel. Celui qui attaque, même quand il ne reste plus rien à gagner. Échappé dès le début de l’étape, sous un ciel pluvieux et avec une poignée de braves, il a tenté une offensive d’orgueil. Elle s’est diluée dans les pentes du col du Pré, puis du Roselend, avant de sombrer dans La Plagne. Roglic recule au classement, mais sortira sans doute avec plus de panache que ceux qui l’ont dépassé.
Le Français Kévin Vauquelin, lâché dès la première heure, s’est accroché comme un naufragé à son radeau. Esseulé, frigorifié, mais pas résigné, il franchit la ligne à plus de six minutes. Et conserve sa septième place. Une performance de grimpeur à l’ancienne, sans fioritures, sans compères, juste à la force des mollets et du mental.
Pogacar garde son maillot jaune, fort d’une avance de 4’24’’ sur Vingegaard. Mais dans cette dernière étape de montagne, il n’aura ni attaqué, ni gagné. Juste contrôlé. Alors qu’un certain Thymen Arensman, deux étapes au compteur, commence à écrire une légende discrète mais bien plus palpitante que les calculs de ceux qui visaient Paris avant d’honorer la montagne. Dans le grand livre du Tour, il y a ceux qui jouent la montre ou le podium ou un Top 10, c’est à dire ceux qu’on oubliera. Et ceux qui jouent l’Histoire en remportant des étapes. Arensman, lui, a choisi son camp. Et il est beau à voir.
Enfin, on remerciera Jacky Durand, pour avoir fait vivre aux spectateurs d’Eurosport sans doute le meilleur (ou en tout cas le plus drôle) moment du Tour de France. A découvrir ci-dessous.
Meilleur moment du Tour 2025 pic.twitter.com/ZSbK9ATfEZ
— David Arrieta (@arrietadavid1) July 25, 2025
YV
Demain, samedi, alors que les femmes débuteront leur Tour de France, la 20e étape se disputera entre Nantua (près d’Oyonnax dans l’Ain) à Pontarlier, dans le Jura. Une étape pour baroudeurs, pour une échappée de costauds. A la fin, c’est Van Aert, Asgreen, Healy, Abrahamsen ou Mohoric qui gagnent ce genre d’étape non ?
Crédit photo : Aurélien Vialatte / ASO (DR)
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Une réponse à “Tour de France 2025 – 19e étape. Arensman, l’évadé du marquage réalise le doublé. Le « Plan Visma » inspiré par Movistar ?”
A la longue un peu rasant ce Tour hormis pour les vieilles dames qui le regardent pour revisiter la France Millénaire en se souvenant des vacances de jadis!