On avait promis à cette première étape de la Vuelta un parfum de torpeur, et elle l’a honoré comme une longue sieste piémontaise, bercée par les clochers et les plaines italiennes. Six échappés ont bien tenté de troubler la digestion du peloton, mais à l’image d’un feu follet dans la brume, leur aventure s’est éteinte quarante kilomètres avant l’arrivée. On savait que l’histoire ne s’écrirait pas dans les champs de Novare mais bien dans les cent derniers mètres.
Et là, Jasper Philipsen a sorti son manuel du parfait sprinteur. Un mois et demi après s’être disloqué la clavicule sur le Tour de France, le Belge d’Alpecin-Deceuninck a repris la plume pour rédiger le premier chapitre de cette Vuelta. Lancé comme sur un rail, il a avalé ses rivaux et coiffé le Britannique Ethan Vernon et le Vénézuélien Orluis Aular. La Roja est désormais sur ses épaules, quatrième victoire déjà sur le Tour d’Espagne, comme une revanche offerte au destin.
Derrière, Mads Pedersen s’est fait piéger, relégué hors du coup, tandis que Bryan Coquard, fidèle au poste, a sauvé l’honneur tricolore avec une septième place.
Limone Piemonte, l’heure du premier tri sélectif
Mais déjà l’horloge avance et le maillot rouge de Philipsen ressemble à ces couronnes de laurier qu’on remet avant de les reprendre sitôt le banquet terminé. Dimanche, l’étape s’achève au sommet de Limone Piemonte : 9,8 kilomètres d’ascension, pente moyenne de 5 %, et un dernier kilomètre à 8 % qui risque d’arracher la vérité du souffle.
Ici, les trains de sprinteurs n’ont plus voix au chapitre. Ce sont les puncheurs et les grimpeurs explosifs qui auront la clef : Mads Pedersen, revanchard, pourrait surprendre si la montée reste roulante, mais l’Italien Giulio Ciccone, chez lui, a les crocs. Derrière, les fines lames que sont Tom Pidcock, Juan Ayuso ou Victor Langelotti attendent leur heure, prêts à faire sauter les watts quand la route se cabrera.
La météo annonce un ciel d’humeur changeante, des vents capricieux et quelques gouttes au départ : assez pour faire rêver les baroudeurs, mais pas de quoi effrayer les grosses cylindrées.
Cette Vuelta commence comme une pièce en deux actes : une première étape trop sage pour être honnête, puis une première secousse alpine qui distribuera les rôles. Philipsen aura eu son moment de gloire en plaine, mais aujourd’hui, c’est l’heure des hommes qui dansent sur les pédales dans les rampes italiennes. La Roja passera d’une épaule à l’autre comme une amante volage, et déjà, quelque part, les bookmakers murmurent le nom d’Ayuso, de Pidcock ou de Ciccone.
La Vuelta, elle, ne fait que commencer.
YV
Crédit photo : Unipublic / Sprint Cycling Agency
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