Il faut démondialiser la France [L’Agora]

Dans un article récent, j’abordais le problème de la « monnaie-dette ». c’est à dire une monnaie qui est émise, en théorie,  sur une future création de richesse. En continuant mes recherches afin de creuser ce sujet qui, semble-t-il préoccupe de plus en plus nos concitoyens, j’ai trouvé un papier qui me semble tout à fait pertinent et résume parfaitement la situation dans laquelle se trouve notre pays après l’adoption de la loi du 03 janvier 1973. Je crois utile pour la bonne compréhension d’en reproduire les extraits suivants.

Quel est le problème de la dette publique aujourd’hui ?

Il réside d’une part dans le fait que les États ne peuvent pas s’endetter auprès de leur Banque Centrale – cela leur est interdit par les traités européens. Pour financer le delta entre leurs ressources (impôts) et leurs dépenses (services publics) – qui s’élève aujourd’hui à 70 ou 80 milliards d’euros –, les États s’endettent auprès de banques privées. Résultat : les intérêts payés sont à hauteur de 35 à 40 milliards d’euros par an. En termes d’ordre de grandeur, c’est plus que le budget de la défense, et autant que le budget de l’éducation nationale française. Depuis les années 1970, les intérêts d’emprunt payés par l’État à ses créditeurs avoisinent les 2000 milliards d’euros, c’est-à-dire le PIB annuel de la France, ou encore quatre fois le budget de l’État français hors sécurité sociale.

D’autre part, la pression des banques privées à se voir rembourser la dette publique et les règles budgétaires absurdes qui encadrent le déficit et la dette au niveau européen, interdisent de réaliser les grands investissements publics que la période actuelle requière de toute urgence : transition énergétique, infrastructures durables et soutenables, etc. La tension entre le remboursement de la dette des États et les investissements publics pèse lourd. Cela conduit les États à pratiquer des politiques d’austérité ou de moindres dépenses publiques (sauf lorsqu’il s’agit de subventionner les pertes dues au Covid) alors qu’il nous faut un effort durable d’investissements massifs pour la reconstruction écologique de nos économies.

Une solution à ce paradoxe serait d’utiliser l’arme monétaire, notamment à travers le financement direct de certaines dépenses des États par la Banque Centrale Européenne (BCE), bien évidemment sous contrôle démocratique, c’est-à-dire une façon de créer de la monnaie libre de dette. C’est ce que nous avons proposé avec Alain Grandjean dans notre livre « Une monnaie écologique ». [2] Ce mode de financement complémentaire permettrait de largement limiter le niveau d’endettement des États, qui n’auraient alors pas (ou moins) à se préoccuper de la rentabilité immédiate desdits projets, et n’auraient pas non plus à recourir à des augmentations d’impôts substantiels. Ce mode d’endettement des États serait moins contraignant que l’endettement auprès de banques privées, et n’impliquerait pas les pressions liées au remboursement que l’on connaît aujourd’hui. Dans le même ordre d’idées, la Banque Centrale pourrait annuler les près de 4000 milliards d’euros de dettes publiques des États européens qu’elle a acquis via sa politique d’achat d’actifs (le rachat des titres de dette émis par les États pour se financer sur les marchés financiers), en contrepartie de l’engagement des États d’investir dans la transition écologique. En effet, la Banque Centrale ne peut pas faire faillite, puisqu’elle est à l’origine de la monnaie.

Deux arguments sont généralement opposés à cette proposition

Premièrement, certains affirment qu’elle pourrait nous entraîner sur une pente glissante : quelle limite à ce processus de financement direct et presque sans contre-partie de la BCE ? Bien évidemment, à cela, nous répondons qu’il ne s’agit pas de financer directement tout et n’importe quoi, mais plutôt d’instaurer des mécanismes de consultation et de prises de décision en commun sur les projets à financer via cette création monétaire complémentaire par l’endettement auprès de la BCE. Ces mécanismes devraient rassembler les Parlements, les organisations de la société civile, les banques centrales, les citoyen·nes, etc. sur les limites raisonnables à poser. Il s’agit de faire confiance à l’intelligence collective permettant enfin de gérer la monnaie comme un bien commun.

Deuxièmement, il est argué que le financement des États par l’endettement auprès de la BCE et la création monétaire directe créerait de l’inflation : un « trop plein » de monnaie viendrait perturber les prix. L’exemple avancé est souvent celui de l’Allemagne de 1923 ou encore du Venezuela ou du Cameroun actuellement. Or, il est saisissant de voir que dans le cas de l’Allemagne des années 1920, c’est précisément la création monétaire privée, et non publique comme il est proposé ici, qui a provoqué l’effondrement du mark ! (…)
Il s’agit d’ailleurs d’un système hypocrite puisque la BCE s’autorise désormais à acheter des dettes publiques mais uniquement sur le marché secondaire, c’est-à-dire après qu’elles aient déjà été acquises par une institution financière. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’entre 25 et 30 % de cette dette est aujourd’hui détenue par la BCE : si l’endettement direct envers elle est interdite, une partie des titres de dette des États achetés par les agents privés ont par la suite été rachetés par la BCE (les enrichissant au passage). Pour la France, cela signifie 700 milliards d’euros, et au total environ 4000 milliards d’euros de dettes publiques détenues par la BCE. Face à cette situation, j’ai eu le plaisir d’initier, avec 150 économistes de 13 pays de la zone euro, un appel pour que la Banque Centrale annule, purement et simplement, cette dette publique qu’elle détient. En effet, cette dette a été contractée pour soutenir l’activité économique, notamment pendant la période de Covid. Son remboursement conduit à une contraction monétaire (et donc un ralentissement de l’économie), sauf à imaginer que les États empruntent toujours plus. (…)
Cette solution, évidemment, ne serait qu’une solution de court terme : sur le long terme, le financement à taux zéro par la banque centrale ou la création monétaire libre et sous contrôle démocratique seraient plus efficaces.

Cet appel à l’annulation immédiate de la dette publique détenue par la BCE a fait écho dans les milieux politico-financiers. Christine Lagarde, la présidente de la BCE elle-même, a pris le temps d’y répondre, et un dialogue important s’est instauré. Malheureusement, le rapport de force en Europe ne va clairement pas dans cette direction. Les autorités monétaires suivent une ligne dure, orthodoxe et monétariste, que seul un mouvement large, citoyen, politique, pourrait faire bouger. Cependant, les questions monétaires sont éloignées du grand public, qui se sent dépossédé de ces enjeux trop souvent présentés comme techniques et inaccessibles. Malgré tout, la voie ouverte par cet appel, l’existence d’une autre politique monétaire possible et de modes d’endettement public alternatifs, n’est pas prête de se refermer.

À l’encontre des économistes orthodoxes, pour qui le rôle de la monnaie est d’être un voile neutre et un bien comme les autres, de nombreux économistes affirment que la monnaie devrait être un bien commun et ne devrait pas être appropriée par des agents privés comme les banques commerciales. Les règles qui régissent sa création via l’émission de dettes (par exemple, les conditions d’emprunt et les délais de remboursement), sa distribution et son utilisation, devraient faire l’objet de débats démocratiques. La monnaie devrait être gouvernée comme un bien commun. De la même façon, ce n’est pas la dette en soi qui est un « problème » : ce sont les conditions dans lesquelles elle est contractée, envers qui et quels sont les objectifs et intentions de ce créancier, qui devraient faire l’objet des débats. C’est le fait de prioriser le remboursement d’une dette à des agents privés plutôt que d’investir dans le bien-être social, et à des taux d’intérêts payés par les contribuables. La dette, comme la monnaie, devrait être gérée comme un bien commun : en décidant collectivement des conditions et des priorités qui encadrent le crédit, l’endettement et l’investissement public ».

Que le lecteur me pardonne de lui imposer de lire un texte aussi dense et long à la fois, mais ce sujet est essentiel puisque aujourd’hui, malgré le fait que certains de nos dirigeants politiques choisissent de le passer sous silence. On peut comprendre qu’ils aient certaines difficultés à l’aborder car il leur faudrait  expliquer  les « erreurs » (qualifions-les comme telles) qui ont été commises, ce qui conduirait inéluctablement à une sortie de la zone euro qui réduirait à néant l’œuvre de leur vie. Cependant, tous ne sont pas « euro-mondialistes »et même de plus en plus d’entre-eux n’hésitent pas à se qualifier de « gaullistes », très attachés au maintien de la souveraineté de la France dans tous ses attributs. Cet article, écrit par Nicolas Dufrène et Caroline Weill et publié en 2022 n’a peut-être pas été suffisamment lu, car à l’époque le problème de la dette n’avait pas l’importance ni l’écho médiatique qu’il a maintenant.

La croissance exponentielle de la dette ruine notre économies

Si nous n’arrivons pas à réduire la charge de la dette, celle-ci va assécher toute notre économie car cette charge va croître exponentiellement. D’aucuns pensent pouvoir tirer parti de cette situation pour justifier des décisions plus politiques qu’économiques, notamment en prônant des coupes drastiques dans les dépenses publiques. Même s’il est évident que l’État ne doit pas gaspiller et se révéler parcimonieux vis à vis de l’argent des contribuables, il ne doit pas pour autant disparaître au nom d’une grande théorie mondialiste qui voudrait instaurer un gouvernement mondial dirigé par des banquiers privés, tel que l’avait annoncé David Rockefeller.
Nous sommes aujourd’hui face à un dilemme :
Ou bien nous persistons dans ce système des banques centrales « indépendantes » mais cependant toutes reliées entre elles, ou bien nous sortons des « griffes de la main cachée » et nous retrouvons notre souveraineté monétaire, seul gage de notre indépendance économique.
Fort heureusement, il y a eu dans le passé quelques précédents qui montrent clairement que ceux qui ont opté pour la seconde solution s’en sont toujours bien sortis.
Pour illustrer ce propos, voici un extrait d’une lettre d’Abraham Lincoln envoyée au Colonel Taylor pour le remercier des conseils donnés lors de la création du « billet vert » en 1863.
« Vous m’avez alors dit :  « Pourquoi ne pas émettre des billets du Trésor sans intérêt, imprimés sur le meilleur des papiers bancaires ? En émettre suffisament ppour payer les dépenses militaires et en faire la monnaie légale » Chase (de la banque Chase ndr) pensait que c’était une initiative hasardeuse mais nous l’avons finalement accompli et donnè au peuple de cette République la plus grande bénédiction qui soit -leur propre papier monnaie pour payer leur propre dette.
C’est à vous que nous le devons, le père de l’actuel billet vert que le peuple devrait connaître et je prends un immense plaisir à le faire savoir »

Cette lettre est citée par Stephen Mitford Goodson dans son livre « Histoires des banques centrales » sous-titré « & de l’asservissement de l’Humanité » (Editions Omnia Veritas)

Jean Goychman

Illustration : DR
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2 réponses à “Il faut démondialiser la France [L’Agora]”

  1. lg dit :

    « Ce n’est pas la dette en soi qui est un problème » : c’est bien exact ; le problème c’est ce que l’on en fait. En face d’une dette, il doit y avoir un « actif ». Et payer les retraites n’est pas un actif, soutenir l’immigration et le tiers-monde, financer Sciences-Po, la presse et les syndicats et le reclassement des politiques… non plus.

  2. Jean Goychman dit :

    La façon dont on emploie l’argent est une chose, mais il n’empêche que l’on paye des intérêts sur de la « fausse monnaie »alors qu’on a un moyen de ne pas les payer en reprenant le contrôle de notre monnaie.

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