Aux Pays-Bas, un vif débat oppose le gouvernement à la plus haute instance juridique du pays au sujet du logement social. La ministre démissionnaire de l’Habitat, Mona Keijzer (parti BBB), veut mettre fin à la priorité accordée aux « statushouders », c’est-à-dire les demandeurs d’asile ayant obtenu un titre de séjour. Une mesure destinée, selon elle, à redonner une place aux Néerlandais sur un marché du logement saturé.
La critique de la Raad van State
Le Conseil d’État (Raad van State), organe consultatif suprême du gouvernement, a rendu un avis très sévère sur ce projet. Selon lui, supprimer cette priorité revient à instaurer une inégalité de traitement, contraire à la Constitution. En pratique, les réfugiés admis au séjour partent avec un handicap majeur : ils ne peuvent s’inscrire sur les listes d’attente qu’à leur arrivée aux Pays-Bas, ce qui les relègue automatiquement en bas des classements. La possibilité offerte aux communes de compenser cette situation par des « urgences » disparaîtrait avec la réforme.
Le Conseil estime par ailleurs que les mesures alternatives annoncées par le gouvernement pour faciliter l’intégration des réfugiés sur le marché du logement ne sont « pas réalistes » et ne produiront aucun effet à court terme.
La ministre Keijzer assume frontalement ce bras de fer. Pour elle, l’injustice est aujourd’hui inversée : « Les Néerlandais attendent parfois douze ans un logement social, tandis que des réfugiés y accèdent après quatorze semaines », a-t-elle rappelé.
Elle estime que l’égalité ne peut signifier que les habitants de son pays soient traités de manière défavorable. Son projet prévoit que les réfugiés s’installent temporairement chez de la famille, dans des logements fournis par leurs employeurs ou en colocation avec d’autres bénéficiaires de titres de séjour, comme on le demande déjà à nombre de Néerlandais en situation précaire.
Selon les chiffres de l’organisme d’accueil COA, entre 6 et 10 % des logements sociaux libérés chaque année sont aujourd’hui attribués à des « statushouders ».
Une question éminemment politique
Ce projet de loi du BBB se distingue d’une proposition encore plus radicale du PVV (Parti pour la liberté de Geert Wilders), déjà votée par la Seconde Chambre, qui interdirait purement et simplement toute priorité au logement pour les réfugiés, même en cas de situation dramatique comme la violence domestique ou la rue. Mona Keijzer a indiqué vouloir écarter cette mesure, qu’elle juge discriminatoire et juridiquement fragile.
En toile de fond, la crise du logement aux Pays-Bas exacerbe les tensions politiques. Les listes d’attente pour le logement social peuvent dépasser dix ans dans certaines régions, et la colère monte parmi les classes populaires qui voient des familles étrangères logées plus rapidement.
L’affaire s’inscrit dans un contexte plus large de remise en cause institutionnelle. Certains députés voulaient scinder le Conseil d’État, afin d’éviter que la même institution conseille le gouvernement sur les lois et en soit ensuite le juge suprême. Finalement, cette séparation ne sera pas mise en place, et les fonds initialement prévus seront réorientés vers l’augmentation des capacités carcérales.
Le débat néerlandais illustre une problématique commune à toute l’Europe occidentale : comment gérer la pénurie de logements abordables alors que l’immigration massive continue de croître ? Entre exigences constitutionnelles, réalités sociales et pressions politiques, la question du logement cristallise de plus en plus le rejet d’une partie de la population envers des politiques jugées favorables aux migrants, au détriment des nationaux.
Illustration : DR
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