« Chute à l’arrière ». Jean-René Godart, la voix des routes qui parlaient

Il avait cette voix qui roulait comme un peloton dans les vallées du Morvan, ce phrasé ample et précis, à la fois modeste et lyrique, qui faisait d’un col pyrénéen un vers d’alexandrin. Jean-René Godart s’est tu le 15 octobre 2025, à 74 ans. Et dans le silence de sa disparition, on entend encore résonner ses mots : le cliquetis des dérailleurs, le souffle des échappées, le murmure du bitume sous la pluie.

Ceux qui ont grandi avec ses commentaires savent : il n’était pas seulement une voix, il était une cadence. Une manière de pédaler avec les mots.

L’homme qui transformait la route en roman

Fils du Nord, journaliste de radio avant d’être homme d’image, il était de cette génération qui croyait encore que la parole pouvait rendre justice à l’effort. À Europe 1, dans les années 1980, perché à l’arrière d’une moto, il racontait le Tour comme on dit une messe.
Il y avait du souffle, du verbe, et quelque chose d’un peu sacré dans sa façon d’annoncer : « Chute à l’arrière ! », comme si c’était le monde qui vacillait.

Puis vint la télévision, France Télévisions, la machine à images qui uniformise tout. Lui y entra comme un artisan qui s’impose au milieu des usines. Avec Patrick Chêne, puis Bernard Thévenet, il fit de chaque arrivée d’étape un moment d’humanité. Ce n’était pas du spectacle, c’était de la littérature populaire. Il parlait du vent, du bitume et des hommes. Et c’était bien assez.

Trente-trois Tours, un siècle de mémoire

De 1982 à 2015, il aura couvert 33 Tours de France. Trente-trois fois les clochers, les labours, les visages tannés par le vent. Trente-trois fois le jaune et la poussière. Il aura vu tout passer : Hinault, Fignon, Indurain, Armstrong, Froome. Il aura connu la foi naïve des débuts et la désillusion des contrôles antidopage. Mais jamais il ne jugeait.

Il racontait, tout simplement. Et dans ce « tout simplement », il y avait l’essence même du sport : la grandeur tranquille des hommes ordinaires. Son Tour à lui n’était pas celui des statistiques, mais des émotions.
On se souvient de sa voix tremblante lors des victoires de Voeckler, ou des mots retenus lors d’un abandon. On aurait dit qu’il pleurait un ami.

Un dernier virage, sans panache mais avec dignité

Quand sa voix s’est fatiguée, qu’un virus a attaqué ce qu’il avait de plus précieux, il s’est effacé en silence. Sans plainte, sans pathos. Il quittait la scène comme on quitte la ligne d’arrivée : la tête haute, les jambes encore solides, mais le souffle court.

Il disait, non sans humour, qu’il partageait sa maladie avec Céline Dion – deux voix suspendues, deux mondes différents, un même combat. Sa retraite, en 2018, fut celle d’un homme qui savait que les micros ne sont que des relais : d’autres parleraient, mais jamais avec cette musique-là.

Pour beaucoup, il incarnait une France simple, solaire, encore unie autour d’un poste de télévision et d’un drapeau tricolore flottant sur un virage d’Alpe d’Huez. Il y avait chez lui un peu de Roger Couderc pour le rugby et un peu de Blondin pour la route : la ferveur et le style.

Quand il parlait du Tour, il ne commentait pas une course. Il récitait une épopée nationale. Ses phrases, posées entre deux souffles, avaient la couleur des blés et la lenteur d’un été sans fin.

La mort de Jean-René Godart n’est pas seulement celle d’un journaliste. C’est un pan du roman français du sport qui s’efface, une époque où les commentateurs avaient une âme et les coureurs des moustaches.

Les jeunes générations l’ignoreront peut-être, mais ceux qui ont vibré à son timbre le savent : il n’était pas de ceux qui meublaient l’antenne, il était de ceux qui la magnifiaient. Dans la caravane du souvenir, il reste à sa place : celle de l’homme qui parlait bas, mais qui disait juste.
Et sur les ondes d’un transistor oublié, quelque part entre Brest et Briançon, sa voix roule encore.

YV

Illustration : DR

[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.

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