Les éditions Ar Gedour viennent de publier la toute première traduction française intégrale du Missel de Stowe, l’un des plus anciens livres liturgiques d’Irlande. Un événement éditorial qui ouvre au lectorat francophone un pan méconnu – mais essentiel – de la spiritualité celtique médiévale.
Pendant des siècles, le Missel de Stowe est resté un objet de fascination pour les historiens, les linguistes et les spécialistes de la liturgie. Conservé aujourd’hui à la Royal Irish Academy de Dublin sous la cote MS D ii 3, ce petit manuscrit de 67 folios, à peine plus large qu’une main (15 × 12 cm), est considéré comme le plus ancien missel authentifié de l’Église irlandaise primitive. On le date avec une précision rare : entre 792 et 812, grâce à un hommage interne rendu à saint Máel Ruain, fondateur du monastère de Tallaght, mort en 792.
Un manuscrit né dans le foyer du monachisme irlandais
Probablement rédigé à Tallaght par un moine missionnaire – d’où son format portatif –, le manuscrit reflète toute la vigueur spirituelle de l’Irlande chrétienne. On y trouve une liturgie hybride, propre à l’île : un savant mélange d’éléments romains, gallicans et monastiques insulaires, qui témoigne d’une tradition antérieure aux grandes réformes carolingiennes.
Vers 1050, le livre rejoint l’abbaye de Lorrha (Tipperary). C’est là qu’il reçoit son cumdach, un reliquaire en bois et métal précieux destiné à le protéger :
– le plat inférieur daté de 1027-1033, portant les noms de donateurs comme l’abbé Mathgamain Ua Cathail et le roi Find Ua Dúngalaigh ;
– le plat supérieur ajouté entre 1371 et 1381, décoré de scènes gravées (Crucifixion, Vierge à l’Enfant, anges, musiciens) et de pierres serties.
Ce « coffre » liturgique, typiquement irlandais, est aujourd’hui presque aussi précieux que le manuscrit lui-même.
Une redécouverte au XIXᵉ siècle
Après des siècles d’oubli, le Missel apparaît au XIXᵉ siècle dans la bibliothèque du marquis de Buckingham, à Stowe House (Angleterre). Vendu en 1849 à Bertram Ashburnham, il est acquis par le gouvernement britannique en 1883 puis transféré à Dublin. Une restauration complète a été menée en 1993-1994 au Trinity College.
C’est de cette halte anglaise qu’il tire son nom : Stowe Missal.
Strictement parlant, il ne s’agit pas d’un missel complet mais d’un sacramentaire, centré sur les prières sacramentelles plus que sur les lectures. On y trouve :
- l’ordinaire et le canon de la messe,
- les rites du baptême, de la communion des néophytes, de la visite aux malades et de l’extrême-onction,
- un bref traité sur la messe,
- et surtout trois incantations en vieux gaélique, un témoignage unique de la pastorale irlandaise : contre la perte de la vue, les blessures d’épines et les infections urinaires.
La première partie du manuscrit (folios 1 à 11) contient des extraits de l’Évangile selon saint Jean, signés du copiste Sonid en écriture oghamique. Plus loin, un autre scribe, Móel Coích, intervient pour corriger le texte. Les enluminures sont sobres mais typiques de l’art insulaire : lettrines animales, palettes rouge-jaune-noir, miniature de saint Jean accompagné de son aigle, dans un style proche de l’Évangéliaire de Saint-Gall.

Pour les historiens de l’Église, le Missel de Stowe est une pièce maîtresse :
- il montre comment la messe était célébrée en Irlande avant la romanisation liturgique,
- il atteste une spiritualité bilingue (latin / vieux gaélique),
- et il illustre l’activité missionnaire des moines irlandais, qui transportaient avec eux des livres de poche comme celui-ci lorsqu’ils évangélisaient l’Europe.
Ce manuscrit est l’un des rares témoins directs d’une liturgie occidentale pré-standardisée, encore imprégnée des spécificités locales.
Le 16 novembre 2025, les éditions Ar Gedour ont publié la première traduction intégrale en français du Missel de Stowe, due à Stéphane Torquéau.
Dans cet ouvrage, vous trouverez :
- les traductions et la version originale de l’ordinaire et le canon de la messe, suivies de quelques messes spéciales, folios 12r à 46r.
- L’ordo du baptême, avec la communion des nouveaux baptisés, folios 46v à 60r
- L’ordo de la visite aux malades, avec l’administration de l’extrême-onction et de la communion des malades, folios 60r à 65r.
- Un court traité sur la messe. folios 65v-67r.
- Trois courtes incantations de guérison, folio 67v.
Cette parution représente une avancée majeure : jusqu’ici, l’accès au Missel impliquait une maîtrise du latin insulaire et du vieux gaélique, ce qui limitait sa lecture aux spécialistes. Ar Gedour offre ainsi au public francophone – chercheurs, étudiants, passionnés de culture celtique ou de liturgie traditionnelle – un accès direct et clair à ce monument du christianisme médiéval.
L’ouvrage est disponible sur commande ici
Pour les Bretons, le Missel de Stowe est plus qu’un objet d’histoire : c’est un fragment de l’âme celtique chrétienne, un témoin d’une Europe où les monastères irlandais et bretons partageaient une même vision du monde, enracinée et missionnaire. Redécouvrir ce texte, c’est aussi redécouvrir une manière de prier, de célébrer, de vivre la foi, profondément ancrée dans la culture d’un peuple.
Avec cette traduction, un héritage longtemps réservé aux chercheurs redevient accessible aux communautés, aux paroisses, aux curieux d’histoire et aux défenseurs d’une culture chrétienne enracinée.
Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
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Une réponse à “Le Missel de Stowe : un trésor de la chrétienté celtique enfin accessible en français”
Est ce qu’il existe quelque part des rééditions de missels latin-breton d’avant guerre ou d’entre deux guerres, éventuellement traduits en français ? Merci.