Des centaines de kilomètres, mais quelques jours seulement séparent le tragique destin d’enfants victimes de filicide. Ils avaient neuf, huit et quatre ans, et ont été tous le trois été assassinés par leur mère respective. Des femmes en détresse, dont l’acte est souvent regardé avec une certaine clémence. Mais cette indulgence masque l’existence de mères maltraitantes et peut leur éviter un procès.
Le 14 novembre 2025, à Muggia en Italie, Olena Stasiuk a poignardé à mort son fils de neuf ans. Le père avait alerté plusieurs fois les autorités pour les mauvais traitements qu’elle faisait subir à l’enfant qui avait raconté aux assistants sociaux avoir peur de sa mère. Il y a un an, il avait été admis aux urgences pour des lésions aux cou après qu’elle ait tenté de l’étrangler. Souffrant de troubles psychiatriques, elle avait été suivie par un centre de santé mentale. Mais malgré tous ces signaux d’alarme, le tribunal de Trieste lui avait accordé la possibilité de voir son fils sans surveillance, le ministère public ayant retenu qu’il n’y avait que la parole de l’enfant à l’encontre de sa mère. En toile de fond donc, le travail déplorable de juges qui prennent des décisions insensées, aux conséquences gravissimes… sans jamais en répondre, sans jamais que leur responsabilité ne soit engagée.
Le 17 novembre, près de Lyon, une fillette de 4 ans est morte par asphyxie. La mère est suspectée d’être l’auteur de cet acte criminel. Âgée de 37 ans, elle vivait seule avec ses deux enfants, le troisième habitant avec son père. Elle a été interpellée sur les lieux du meurtre, avant d’être transférée dans un établissement psychiatrique. L’enquête est ouverte pour homicide volontaire sur mineur.
Le 18 novembre, à nouveau en Italie, une autre de ces « tragédies annoncées » a eu lieu. Un enfant de huit ans a été suffoqué par sa mère, Najoua Minniti qui s’est suicidée peu après par noyade. Le corps du garçon a été retrouvé couvert de signes de violence. L’alerte avait été lancée par l’ex-mari et père de l’enfant. Bien que l‘enquête soit en cours pour établir les motivations précises de l’acte, il est à noter que le père avait déposé diverses plaintes et sollicité les services sociaux en raison des menaces récurrentes que la mère faisait peser sur la vie de leur fils.
Dans ces trois cas, le déni de grossesse ne peut être invoqué. Et si chaque histoire d’infanticide est singulière, l’excuse du “suicide altruiste”, où un parent décide de tuer sa progéniture avant de se tuer lui-même ne voyant pas d’avenir serein pour son enfant, peut difficilement l’être aussi.
Acte social tabou, les meurtres d’enfants par leur mère jouissent d’un traitement singulier. Preuve en est ce reportage de la chaîne Arte pour le moins dérangeant, Mères à perpétuité, réalisé par Sofia Fischer, qui explore le phénomène de l’infanticide commis par des mères en France et dont la conclusion est ubuesque : « Les infanticides sont aussi une conséquence des violences patriarcales« .
Un reportage dérangeant et incomplet car il fait l’impasse sur l’existence de mères maltraitantes et abusives, de femmes aveuglées par le désir de vengeance sur leur ex-conjoint, autant de composantes qui ne peuvent en aucun cas être écartées de la donne, qui plus est en ces temps de décomposition de la cellule familiale.
Si comprendre les raisons de tels actes qui frappent toutes nations et toutes les classes sociales est fondamental pour tenter de les prévenir, Sofia Fischer paraît un peu trop exonérer ces meurtrières de leur geste. Une déresponsabilisation que déplore Benjamin Bui, dont l’ex-compagne avait assassiné leur fille Estelle de 354 coups de ciseaux, avant d’être jugée coupable mais pénalement irresponsable, privant la famille d’un procès. Il milite désormais pour l’abolition de l’article 122.1 du code pénal – « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes » – rappelant qu’en l’espace de dix ans, les cas d’irresponsabilité sont passés de 9 000 à plus de 20 000 par an.
Comprendre pour mieux prévenir, oui. Déresponsabiliser, non.
Audrey D’Aguanno
Crédit photo : Médée par Artemisia Gentileschi
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