Intelligence humaine et jumeaux : un débat scientifique relancé, loin des illusions égalitaristes

Un échange nourri entre chercheurs anglo-saxons a relancé ces dernières semaines une vieille querelle scientifique : l’intelligence humaine est-elle surtout génétique ou largement façonnée par l’environnement ? Après une série de déclarations alarmistes affirmant que l’héritabilité aurait été “surestimée pendant des décennies”, la discussion s’est rapidement recentrée. Les études classiques, notamment les recherches sur les jumeaux, continuent de confirmer une forte composante génétique.

Un emballement sur les réseaux avant un retour au calme

Tout est parti d’un débat très suivi sur Twitter/X, au cœur du mois de novembre 2025. Deux chercheurs, Alex Young et Sasha Gusea, ont affirmé que les études traditionnelles se trompaient lourdement : selon eux, la part génétique de l’intelligence, longtemps estimée autour de 0,8 dans les recherches sur les jumeaux, ne dépasserait pas… 0,4. La thèse a immédiatement été relayée par les milieux égalitaristes : si l’intelligence est largement déterminée par l’environnement, tout – ou presque – serait modulable. Il suffirait de “réparer” la société pour fabriquer une humanité harmonieuse et uniformément brillante.

Dans la foulée, les réseaux se sont enflammés. Certains commentateurs militants y ont vu la preuve que les inégalités seraient intégralement sociales, d’autres que l’effondrement culturel en Occident pourrait provoquer une diminution rapide des capacités cognitives. Une sorte d’hystérie collective, nourrie par la promesse que la biologie, tout à coup, n’aurait plus vraiment d’importance.

Les études sur les jumeaux toujours au cœur du consensus scientifique

Mais dès que les travaux ont été analysés plus en profondeur, l’emballement est retombé. Les deux chercheurs affirmaient corriger les biais des études sur les jumeaux en retirant de leurs modèles tout ce qui pouvait ressembler à un effet parental : niveau d’éducation, homogamie, environnement transmis. En clair, ils ont recalculé l’héritabilité de l’intelligence comme si les parents ne transmettaient rien d’autre que des gènes bruts, en supprimant l’effet du fait — pourtant massif — que les humains choisissent leurs partenaires en fonction de traits cognitifs proches.

Or, c’est précisément ce choix du partenaire qui augmente la part visible de la génétique dans les capacités cognitives réelles d’une population. Supprimer cet élément revient à construire un monde théorique qui n’existe pas, un monde où chacun se reproduirait avec un partenaire choisi au hasard. Il devient alors normal que l’héritabilité mesurée s’effondre… mais uniquement dans ce modèle artificiel.

Les spécialistes de la cognition ont donc rapidement conclu que les nouvelles estimations n’invalidaient rien. Elles décrivaient un univers fictif, pas la réalité biologique et sociale des sociétés humaines.

Pourquoi l’héritabilité reste élevée

Les études de référence, fondées sur des milliers de paires de jumeaux élevés ensemble ou séparément, demeurent solides : l’essentiel de la variance cognitive mesurable reste expliquée par la génétique, autour de 0,7 à 0,8 à l’âge adulte. Ce chiffre augmente avec l’âge, car plus on avance dans la vie, plus on choisit des environnements compatibles avec ses inclinations intellectuelles. Un enfant subit l’influence de ses parents ; un adulte construit sa niche cognitive.

C’est ce processus cumulatif qui explique pourquoi la part génétique est plus forte à 30 ans qu’à 10 ans. Et c’est pour cette raison que les spécialistes n’ont vu dans la polémique de novembre qu’un feu de paille : les “nouvelles méthodes” ne contredisaient pas les anciennes, elles mesuraient simplement autre chose.

Si l’affaire a pris une telle ampleur médiatique, c’est aussi parce qu’elle touche un point sensible. Depuis des décennies, une partie de la gauche culturelle refuse l’idée que les individus puissent différer biologiquement dans leurs capacités cognitives. Accepter une forte héritabilité, c’est reconnaître que l’égalité totale est un mirage ; c’est admettre que les performances scolaires ou professionnelles ne dépendent pas uniquement de l’éducation, des politiques sociales ou des structures économiques.

En s’emparant de résultats préliminaires sortis de leur contexte, certains commentateurs ont voulu imposer l’idée que la science rejoignait enfin leur vision idéologique. L’effet boomerang n’a pas tardé : une fois l’analyse méthodologique clarifiée, le consensus scientifique est revenu exactement à son point de départ.

La vraie question, soulevée à demi-mot dans cette discussion, dépasse la science pure : quel sera l’avenir cognitif des sociétés occidentales si l’environnement culturel se détériore et si les populations les plus instruites ont de moins en moins d’enfants ? Les chercheurs qui observent ces tendances depuis des années n’y voient pas un sujet théorique mais un enjeu civilisationnel. La génétique fixe les possibles ; l’environnement oriente leur expression. Si les deux déclinent, le risque est évident.

Le débat de novembre 2025 n’a donc pas renversé les certitudes : il a plutôt révélé à quel point la question de l’intelligence reste éminemment politique. Et il a rappelé une évidence que certains préfèrent oublier : on ne transforme pas la nature humaine par décret.

Voici un tableau récapitulatif des références clés, avec estimations d’héritabilité et focus :
Référence
Méthode
Estimation d’héritabilité (QI/adulte)
Points clés
Lien
Plomin & Deary (2015), Nature Reviews Genetics
Méta-analyse jumeaux/adoption
0,5-0,8
Héritabilité augmente avec l’âge ; environnement partagé faible chez adultes.
Haworth et al. (2010), Molecular Psychiatry
Étude longitudinale jumeaux (11 000 paires)
0,82 (jeunes adultes)
Double de celle des DZ ; corrélations gène-environnement expliquent l’essor.
Tucker-Drob & Bates (2016), Psychological Science
Modèle paradoxe (héritabilité vs. gains Flynn)
0,7-0,8
Environnement « masqué » par gènes persistants ; gains sociétaux massifs possibles.
Savage et al. (2018), Nature Genetics
GWAS (IQ1, 270 000 personnes)
~0,1 (polygenic score initial) ; potentiel 0,5
« Missing heritability » due à faible puissance ; >500 gènes impliqués.
Yengo et al. (2025), Nature [web:3, web:24]
GWAS/SR sur 14 traits (23andMe)
0,3-0,4 pour intelligence fluide
Plus élevé que GWAS antérieurs ; confirme évolution cognitive chez Européens.
Gusev (2025), The Infinitesimal (blog/réponse) [web:19, post:8]
Critique GWAS vs. jumeaux
0,15-0,3
Biais d’assortiment surestime jumeaux ; variants rares sous-estimés.
Carl (2025), Aporia Magazine
Défense jumeaux vs. Gusev
0,6-0,8
GWAS « manque » encore ; études adoption confirment.
Turkheimer et al. (2003), Psychological Science
Interaction gène-environnement
Variable (0,4 bas SES ; 0,8 haut SES)
Héritabilité « chargée » d’environnement ; pas de déterminisme génétique pur.
Illustration : Pixabay (cc)
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
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