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Dopés au viagra de l’antiracisme, des « Vigilants » nantais lancent un appel à la délation

29/11/2013 – 08H00 Nantes (Breizh-info.com) – Emanant d’un certain « Rassemblement nantais du 11 novembre », un  texte appelant à la vigilance contre le racisme et à la délation de celles ou ceux qui pourraient proférer des propos jugés racistes vient d’être adressé à tous les maires de la région nantaise, les invitant à le signer et à le diffuser auprès de leurs concitoyens. Une démarche éminemment révélatrice de l’impasse idéologique dans laquelle se trouvent aujourd’hui les tenants de la doxa libérale-libertaire.
Parmi les signataires de cet appel, on trouve Yannick Guin, professeur émérite d’histoire, ancien adjoint à la culture dans la municipalité Ayrault et actuellement « conseiller scientifique » auprès du Commissaire général à l’investissement Louis Gallois ; Alain Besson ancien journaliste politique à Ouest-France  et Eric Chalmel – plus connu sous le nom de Frap – dessinateur à Presse-Océan et auteur d’un blog sur Médiapart.
« Il y a une chose que la République sait créer : un sentiment d’appartenance et d’attachement national chez les citoyens de classes sociales différentes, de cultures différentes, de couleurs différentes » affirment le plus sérieusement du monde les trois signataires, avant de constater tout de même que le « sentiment d’appartenance et d’attachement national » rencontre quelques difficultés. Le « vivre ensemble » n’allant pas de soi dans les sociétés culturellement hétérogènes, ils doivent en effet reconnaître l’existence d’un « malaise dans les profondeurs de la société », malaise qui se traduirait, selon eux, par une montée du « racisme ». Se gardant bien de donner une définition précise du mot, leur missive laisse clairement entendre que le racisme doit être considéré aujourd’hui, plus que le chômage, la misère ou l’insécurité, comme étant le mal principal dont souffrirait notre société. Un racisme émanant exclusivement, cela va sans dire, de la population de souche européenne.
Alors que faire ?  Constatant que « la réponse judiciaire, pourtant indispensable, ne suffit pas », précisant à toute fin utile « que les propos racistes sont un délit [Délit puni d’un an de prison et de 45000 euros d’amende, ndlr], ils estiment que « la riposte à cette atteinte à la vie commune doit provenir de tous les citoyens. ».
Les trois compères appellent donc à « une vigilance de tous les instants contre les propos blessants de cette nature qui peuvent se répandre : dans les cours de récréation, où de tels propos peuvent créer de vraies souffrances aux enfants ; dans les vestiaires des entreprises, là où quelquefois de mauvaises plaisanteries sont en réalité des offenses ; sur les terrains de sport, là où quelques cris stupides constituent de véritables agressions ; sur l’espace virtuel d’Internet, là où s’expriment trop souvent des insultes racistes sous le couvert d’un lâche anonymat. Plus généralement, nous appelons à cette vigilance dans tous les lieux publics où s’établissent les relations sociales et où chaque citoyen doit pouvoir bénéficier d’une égalité de traitement. »
Surveiller – et dénoncer le cas échéant – les propos tenus dans les cours de récréation (!), les bureaux, les usines, les stades, les bistrots et sur la toile bien sûr : telle est l’ambition affichée par le trio du « Rassemblement nantais du 11 novembre » qui voudrait que soit exercé un contrôle rigoureux de la parole partout où celle-ci peut s’exprimer. Dans son roman prémonitoire 1984 George Orwell l’avait imaginé. En 2013, nos Vigilants nantais rêvent de le mettre en pratique.
L’intérêt d’une telle démarche – par ailleurs parfaitement totalitaire – de la part de ces représentants du microcosme politico- médiatique local, est qu’elle est révélatrice, ô combien, de l’impasse idéologique dans laquelle ils se sont enfermés. Comme l’analyse fort bien Robert Reddeker° dans un texte fondateur, « l’antiracisme est une prothèse destinée à donner une illusion qui comble le vide politique. Il distille à ses intoxiqués l’illusion de la politique. Ce vide est aussi bien l’effet du temps, de l’usure de l’histoire, que d’une volonté fataliste : en finir avec les idéaux de la gauche et leur substituer une sorte de substitut ludique. L’antiracisme est un opium qui laisse croire qu’il est une réconciliation de la politique et de la morale. Alors qu’il n’est ni l’une ni l’autre, ni bien sûr leur synthèse ».
« L’antiracisme, constate avec lucidité ce philosophe de gauche, est porté par le show-business. Avec beaucoup de cynisme, ce dernier s’est installé sans vergogne à la place du peuple. Il aime à parader dans le rôle de moteur du progrès moral, à condition que celui-ci ne risque pas de se muer en revendication de  progrès social. Il lui vole la parole au peuple, il parle à sa place, il donne des leçons à sa place, des leçons de moraline ! Le show-business souffle à l’oreille du peuple ce qu’il faut penser : non que l’inégalité et les privilèges, l’exploitation abusive du travail d’autrui, c’est mal, mais que le racisme est le plus grands de tous les maux. L’antiracisme replace au centre des débats la notion qui avait été, par la gauche, écartée au profit de la notion de classe, la race. C’est pourquoi, viagra politique de la gauche, l’antiracisme occupe, sur un mode aussi parodique que stérile, la place qui fut naguère celle de lutte des classes. »
Pour reprendre la terminologie imagée de Robert Reddeker, il est peu probable en effet que l’appel dopé au « viagra de l’antiracisme » lancé par Messieurs Guin, Besson et Chalmel parvienne à redresser la situation d’une gauche libérale- libertaire mondialiste à bout de souffle. Le simulacre ne fonctionne plus.

° Agrégé de philosophie, auteur de nombreux ouvrages, Robert Reddeker est membre du comité de rédaction de la revue Les Temps modernes, fondée par Jean-Paul Sartre, du comité scientifique du CALS (Université Toulouse-Le Mirail) et du comité de rédaction de la revue Des Lois et des Hommes. Il est aussi membre du conseil d’administration de Reporters sans frontières. Pas vraiment un profil de droite…

Photo : DR
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