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Douarnenez. « Greenpeace et ses militants agissent toujours à visage découvert » [interview]

27/05/2016 – 07H00 Douarnenez  (Breizh-info.com) –Lundi 23 mai 2016 au matin, 25 activistes de Greenpeace ont bloqué l’accès de l’usine Petit Navire à Douarnenez pour dénoncer les méthodes de pêche du numéro un français du thon en boite. Des militants ont repeint la façade de l’usine  tandis qu’une quinzaine de personnes, enchaînées à des boites de thon géantes, bloquaient l’accès aux camions de livraison.

Nous avons contacté la direction de Greenpeace, afin d’avoir des explications sur cette action, mais également de faire le point sur les autres combats menés par l’organisation, de la pêche à la déforestation, en passant par le combat contre le nucléaire. Nous avons également voulu savoir comment les militants se préparaient et comment l’organisation se défendait face à toutes les poursuites judiciaires qui naissent de ses actions.

Breizh-info.com : Pourquoi cette action menée à Douarnenez ?

Greenpeace France : Greenpeace a mené une action de blocage sur cette usine de Petit Navire pour lancer un message fort à la marque et son propriétaire Thaï union, le numéro 1 du thon dans le monde, et leur demander de renoncer aux méthodes de pêche les plus destructrices comme les Dispositifs de Concentration de Poisson (DCP).

L’utilisation des dispositifs de concentration de poissons (DCP) est une pratique aux conséquences destructrices.  Greenpeace demande à tous les acteurs du secteur du thon en conserve de ne vendre que du thon pêché sans DCP, soit à la senne mais sur « banc libre » soit par des techniques plus durable telle que la canne.

Petit Navire est le leader du marché français du thon en boite mais alors que plusieurs marques de thon en boite ont commencé à modifier leurs pratiques, Petit Navire refuse d’évoluer et reste l’un des plus mauvais élèves des marques présentes sur le marché hexagonal. Greenpeace a décidé d’agir sur l’ensemble de la chaine d’approvisionnement de Petit Navire et de ses marques sœurs comme John West et Mareblu.

Depuis 5 semaines, un des bateaux de Greenpeace, l’Esperanza, navigue dans l’océan Indien pour récupérer les Dispositif de Concentration  de Poissons (DCP) qu’il croise et samedi dernier, des groupes locaux de Greenpeace ont mené des activités de sensibilisation dans des supermarchés, à la rencontre des consommateurs. Nous avons décidé de mener cette action sur une usine propriété de Thai Union pour que la multinationale comprenne que nous sommes déterminés à intervenir à chaque étape de sa chaine d’approvisionnement.

Breizh-info.com : Que font les pouvoirs publics en France par rapport à la surexploitation des eaux par certains sociétés ?

Greenpeace France : Greenpeace est présente chaque année lors des réunions de la Commission thonière de l’océan Indien pour convaincre les parties prenantes d’adopter des mesures de gestion efficaces de la pêcherie permettant une stabilisation des stocks de thon à un niveau durable. C’est un travail de longue haleine. La prochaine réunion a lieu fin mai sur l’île de la Réunion et nous serons présents.

Voici un billet de blog sur la réunion de l’année dernière.

Breizh-info.com : Greenpeace agit également actuellement en Amazonie, par rapport à la déforestation liée aux plantations de soja. Pouvez vous nous expliquer ?

Greenpeace France : Cela fait 10 ans que nous menons cette campagne et le résultat final est enfin arrivé. Le moratoire sur le soja, adopté par le Brésil en 2006 sur la base d’une révision annuelle, vient d’être reconduit pour une période illimitée. Le soja est principalement utilisé comme aliment pour animaux. La pression du marché a donc été extrêmement importante pour faire accepter le moratoire par le secteur constitué d’un groupe de sociétés qui contrôlent ensemble plus de 92 % du marché. Ces dernières années, le moratoire a permis que le soja ne soit plus un facteur majeur de déforestation en Amazonie brésilienne mais pour pérenniser ce succès, il était urgent de trouver une solution à long terme. Une décision saluée par Greenpeace, qui souligne l’importance d’une initiative pérenne dans un contexte politique instable.

Breizh-info.com : Pourquoi combattez vous le nucléaire ? N’est-ce pas pourtant, si tout cela était bien maitrisé, la moins polluante des énergies ?

Greenpeace France : Greenpeace est née en 1971 d’une initiative qui conduit un groupe d’activistes à s’interposer à bord d’un bateau pour mettre fin aux essais nucléaires américains en Alaska. 
Greenpeace considère l’énergie nucléaire, civile ou militaire, comme intrinsèquement dangereuse.
 
Les accidents de Tchernobyl, Three Miles Island et Fukushima sont venus nous le rappeler. Le nucléaire totalement sûr n’existe pas et le président de l’Autorité de sûreté nucléaire française le dit lui-même : “un accident nucléaire est tout à fait possible en France“.
 
Ensuite, concernant l’électricité nucléaire, si sa production ne génère que peu d’émissions de gaz à effet de serre, elle est très loin de n’avoir aucune externalité. Le cycle du combustible nucléaire, de l’extraction à la production, génère une grande quantité de déchets dont personne n’a trouvé encore quoi faire. Il s’agit donc d’une pollution que personne ne maîtrise.
 
Enfin, les seules énergies qui soient vraiment peu polluantes sont aujourd’hui sont les énergies renouvelables et aussi toute l’énergie qu’on ne consomme pas grâce aux économies d’énergie.
 
Le principal péril pour la planète et ses habitants aujourd’hui est bien entendu le dérèglement climatique et les énergies fossiles. L’énergie nucléaire a été perçue un moment comme une solution mais aujourd’hui, le nucléaire est trop cher, trop dangereux et trop long à mettre en place (en témoigne les déboires du fameux EPR) pour est une solution viable. Malheureusement, la France s’entête et mobilise encore énormément de moyens pour maintenir à flot la filière nucléaire française qui prend l’eau de toute part. Autant d’argent et de temps qui seraient bien mieux employés dans une vraie transition énergétique à base de renouvelables au lieu de quoi l’Etat veut prolonger des vieilles et dangereuses centrales nucléaires à coup de milliards et la France prend un retard immense sur les renouvelables. L’énergie nucléaire est donc un frein à la nécessaire transition énergétique
 

Breizh-info.com : Les USA essaient aujourd’hui d’implanter de nouveaux OGM en France et en Europe. Pouvez vous revenir là dessus ?

Greenpeace France : Les OGM “classiques”, issus de la transgenèse, font l’objet d’une réglementation stricte dans l’Union européenne, assurant traçabilité et étiquetage. De plus, la réglementation européenne permet aux pays membres de l’Union européenne de mettre en place un moratoire d’interdiction de culture et de vente sur leurs sols, comme c’est le cas en France. Résultat, même si elle n’est pas parfaite, la réglementation européenne sur les OGM permet de suivre et de contrôler la culture et la vente de ces produits sur notre territoire.

Or, actuellement, les entreprises semencières, notamment américaines comme Monsanto, travaillent sur de nouvelles formes de produits issus de manipulation génétique. Il ne s’agit plus de transgenèse ici, c’est à dire de modification génétique par l’introduction du code génétique d’une autre espèce, mais de mutagenèse, c’est à dire de manipulation directe du code génétique d’une espèce. Si la technique diffère, le résultat est le même : il s’agit bien de produits issus de manipulation génétique, donc d’OGM.

L’enjeu aujourd’hui pour les entreprises semencières, portées par le lobby des États-Unis sur la Commission européenne, est de nous faire croire que ces OGM n’en sont pas et d’éviter que ces “nouveaux OGM” ne tombent sous le coup de la réglementation européenne, ce qui éviterait interdiction, étiquetage et traçabilité de produits ! Ni vu, ni connu, ces “nouveaux OGM pourraient se retrouver dans nos assiettes ! L’Union européenne doit se prononcer d’ici la fin de l’année sur cette question.

Breizh-info.com : Combien de militants comptez vous en France et en Europe ?

Greenpeace France : 170 000 adhérents et  27 groupes locaux dont plus de 600 militants actifis

Breizh-info.com : Comment se préparent les actions que vous menez toute l’année, et qui sont pour certaines dignes de celles d’un commando militaire ?

Greenpeace France : Les actions de Greenpeace sont préparées et les activistes se préparent. Mais nous ne rentrerons pas dans les détails. Les militants sont français ou étrangers, ils se connaissent et partagent le même désir d’agir. Le terme “opération commando” n’est vraiment pas approprié. Les actions de Greenpeace sont toujours “non violente”, cela en est d’ailleurs le principe de base. Les activistes peuvent avoir tous les ages, exercer toutes les professions, tout sauf des commandos. Nous avons des instituteurs, employés de banque, retraités, étudiants, artistes, etc. Seule compte la détermination et la non violence.

Breizh-info.com :Pourriez vous nous faire un point sur la situation judiciaire de votre organisation, sur les procès en cours visant vos militants ?

Greenpeace France : Sur le plan juridique, nous sommes juste en attente du délibéré pour plusieurs activistes qui avaient pénétré dans l’enceinte de la centrale nucléaire de Gravelines dans le Nord en mars 2014.
17 prévenus ont été condamnés en première instance à la peine de 4 mois d’emprisonnement avec sursis pour violation de domicile et 3 d’entre eux en plus à la peine de 500 Euros d’amende assortie du sursis pour avoir refusé un prélèvement ADN pendant leur garde à vue. Le Procureur a fait appel de cette décision à l’encontre des 17 prévenus et les 3 condamnés pour refus de prélèvement ADN ont également fait appel.
Nous attendons la décision à la fin de cette semaine.
Greenpeace et ses militants agissent toujours à visage découvert en assumant pleinement ses actions devant la justice s’il le faut. C’est le principe même de “désobéissance civile”, où l’on peut outrepasser la loi pour faire passer des idées et défendre une cause que l’on juge juste. Greenpeace fonctionne de la même manière dans tous les pays où l’organisation est présente.

Propos recueillis par Yann Vallerie

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2016 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

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