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Crimée. Vladimir Poutine inaugure le pont du détroit de Kertch

Les experts – notamment ukrainiens – disaient que c’était impossible. Trop de trafic dans le détroit, trop de vase, trop de séismes, trop de gros temps l’hiver. Les Russes l’ont fait. Et avec six mois d’avance. Poutine vient d’inaugurer – au volant d’un camion Kamaz made in Russia tout neuf – le pont de Kertch. Symbole de la renaissance industrielle de la Russie tout comme du lien indéfectible de ce pays avec la Crimée.

Aux dernières élections, la Crimée a plébiscité Poutine – à 92.15% des voix et 90.2 dans la ville autonome de Sébastopol. Depuis son indépendance puis son référendum où les Criméens ont plébiscité le retour en Russie, la presqu’île voit simultanément la fin du pont de Kertch – où plus de 10.000 ouvriers ont travaillé en trois ans, le nouveau terminal de l’aéroport de Simferopol, et d’autres projets d’infrastructures (réfection des routes, chemins de fer, ports, relance de l’agriculture, développement des transports en commun, nouvelle centrale thermique).

Le pont du détroit de Kertch s’accompagne d’une nouvelle route d’accès sur 40 km et sera doublé par un pont ferroviaire, achevé d’ici un an. Il est censé répondre à de pures nécessités matérielles : les ferries (ferroviaires et routiers) du détroit de Kertch n’arrivent plus à faire face à l’important trafic, notamment estival – la Crimée est depuis des décennies la Riviera des russes, avec de nombreux sanatoriums, campings plus ou moins sauvages et autres couchages chez l’habitant (koyko-mesto) – du fait d’une capacité hôtelière historiquement insuffisante.

Mais plus qu’un ouvrage d’art, c’est aussi un symbole. Celui du lien indéfectible qui unit la Crimée à la mère patrie : 19 km de viaduc et de pont, en partie sur mer, en partie sur le cordon sablonneux de Touzla, long de 7 km. Celui d’un pays qui s’assume à nouveau, depuis le Printemps Russe, comme puissance et comme civilisation. Un pays qui construit des ponts – en Crimée ou ailleurs, matériels ou diplomatiques – pendant que ses adversaires politiques – au premier plan l’UE et les Etats-Unis érigent des murs économiques ou physiques. Un retournement intégral par rapport au rideau de fer il y a quelques décennies à peine.

Un pont qui s’inscrit aussi – du fait de la rhétorique déployée autour de sa construction – dans les « chantiers du Siècle ». Avec comme référence principale le BAM, la magistrale Baïkal-Amour qui fut le chantier « pan-soviétique » de 1972 à 1984. Elle a permis de commencer l’exploitation des immenses ressources de la région et a attiré des milliers de jeunes ingénieurs – ses 3.819 km abritent aussi le plus long tunnel russe (15.343 mètres, achevé en 2001 seulement) et furent le projet d’infrastructures le plus massif et le plus coûteux de l’URSS.

Ce pont est aussi un des ouvrages d’art de la stratégie de renaissance économique de la Russie. Pour surmonter la crise structurelle de 2014 et les sanctions occidentales contre les acteurs économiques, ainsi que la baisse des cours du pétrole, la Russie s’est lancé dans une réindustrialisation massive, qui s’accompagne aussi d’une relance agricole – la production a doublé depuis 2014 (pas seulement celle du blé) et la consommation intérieure est de mieux en mieux satisfaite par la production locale. Cette réindustrialisation s’appuie aussi sur de grands projets d’infrastructures – qui permettent de remplir le carnet de commande des nouvelles usines – et sur un rééquilibrage progressif du développement industriel et économique en direction de la Sibérie et de l’Extrême-Orient, au cœur de l’alliance russo-chinoise de plus en plus forte. Il s’agit de montrer au monde – mais surtout aux Russes eux-mêmes que la Russie n’est pas seulement un « pays – pompe à essence », selon le slogan historique des libéraux pro-occidentaux qui dénonçaient l’économie orientée en priorité sur l’exploitation des revenus pétroliers. Pour montrer que la Russie sait construire, relier, ouvrir, maîtrise les technologies, crée du travail et de l’avenir, quoi de mieux qu’un pont ?

Louis Moulin

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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