Les Nantais ont l’habitude de voir dans leurs rues – mais aussi dans les squats de migrants – un nombre croissant d’Éthiopiens, d’Érythréens et de Soudanais. Ce n’est probablement pas fini. Une invasion de criquets d’importance dévaste l’Afrique de l’Est, de l’Éthiopie à l’Ouganda, et menace la région d’une nouvelle crise alimentaire.
Selon l’ONU, faute de mesures urgentes, d’ici juin, le nombre de criquets peut être multiplié par 500. L’Éthiopie et la Somalie n’ont pas eu une invasion de criquets si conséquente depuis un quart de siècle, tandis que le Kenya n’a pas été confronté à une telle menace depuis 70 ans – les récoltes ont déjà été moissonnées, mais la nourriture des bêtes est touchée de plein fouet. La dernière invasion d’une ampleur comparable a eu lieu entre 1987 et 1989 dans la région, c’était la sixième au XXe siècle.
Rien qu’en décembre, 70 000 hectares de terres agricoles ont été détruits en Éthiopie et en Somalie. D’autres essaims ont été signalés à la frontière entre l’Inde et le Pakistan, au nord et à l’ouest du Yémen – en plein dans la zone touchée par la guerre civile – et même au nord du Soudan près de la frontière égyptienne.
Chaque jour, chaque criquet mange son poids : deux grammes. Une tonne mange autant que 2 500 hommes. Un essaim de criquets – des millions d’insectes – peut se déplacer sur 150 kilomètres chaque jour. Or la FAO (organisation des Nations unies pour l’alimentation) estime l’essaim à 200 milliards d’individus sur 2 400 m², qui mangent 400 000 tonnes de nourriture par jour, principalement des récoltes et de la végétation, jusqu’à l’écorce des arbres.
En Ouganda, le gouvernement a appelé à la mobilisation générale pour arroser les champs et la végétation de pesticides depuis des tracteurs, des camions et des avions. Au Kenya, l’armée a été envoyée lutter contre les criquets et cinq avions expédiés épandre des pesticides sur les essaims, tandis que la Tanzanie s’y prépare, les premiers ravages y ont été signalés. Le développement du criquet pèlerin a été favorisé par des variations météorologiques extrêmes, de l’inondation à la sécheresse en passant par des fortes pluies.
Dix millions de personnes résident dans des zones touchées par les criquets. C’est aussi le point de départ d’une route de l’immigration économique bien établie, qui mène en Europe et s’appuie tant sur des réseaux de passeurs que sur des communautés de ressortissants établis dans de nombreux pays, dont la France, la Suède et l’Angleterre.
D’ici là, la FAO a lancé un appel pour réunir 76 millions de dollars à destination des pays touchés, pour les aider à juguler la crise, mais seuls 15 ont été récoltés à ce jour.
Louis Moulin
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