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Coronavirus. Comment la Russie réagit face à la pandémie ?

Depuis mi-février et le début de la phase active de l’épidémie en Italie, la Russie se prépare à faire face. Profitant de l’expérience des pays qui ont réussi à endiguer l’épidémie – notamment la Chine, Singapour et la Corée du Sud – mais aussi des rapports de l’OMS, la Russie construit des hôpitaux complémentaires, crée des lits dans les hôpitaux, évite les pénuries de matériels dans les hôpitaux, teste la population et identifie sans relâche les contacts des malades. Un effort de préparation et de planification aux antipodes de l’impréparation des pays occidentaux.

Un hôpital de campagne en construction

Actuellement, le plus grand chantier russe est un hôpital. A la frontière des régions de Moscou et de Kalouga, près d’une autoroute en rase campagne, 7 000 ouvriers, plus de 1 000 engins et des dizaines de grues sont depuis le 13 mars au chevet du futur hôpital de campagne modulaire dédié aux malades du coronavirus à Moscou et dans la région de Moscou. La semaine prochaine déjà, le gros œuvre sera terminé et le matériel commencera à être mis en place.

D’ici là, Moscou qui concentre trois quart des malades du coronavirus dans le pays n’est pas démunie. Un hôpital ad hoc pour les malades infectieux est réservé aux malades du coronavirus à Kommunarka, au sud-ouest de Moscou, dans la « nouvelle Moscou » où s’étend depuis plusieurs années la capitale.

Parallèlement, 1 300 lits ont été aménagés en centre-ville dans l’hôpital Filatov et inaugurés par le maire de Moscou ce 28 mars ; ce complexe pourra employer jusqu’à 2300 médecins et compte 111 lits de réanimation qui peuvent être portés à 180, dotés à ce jour de 146 réparateurs artificiels. En région, à Solnetchnogorsk, une ancienne caserne est aussi en train d’être aménagée en hôpital complémentaire pour 400 lits dédiés aux malades du coronavirus, qu’il faut impérativement isoler des autres pour éviter de propager la contagion. Toujours ce 28 mars a eu lieu une désinfection massive des voiries, trottoirs, cours et autres parkings par les services de la ville.

A Saint-Pétersbourg, deux hôpitaux ont été réservés et réaménagés en conséquence pour les malades du coronavirus. Un inventaire des appareils de respiration artificielle en stock – les stocks connus sont estimés à 40.000 –  a été lancé ce 30 mars par Vladimir Poutine, qui a aussi appelé les étudiants et les stagiaires médicaux à renforcer les effectifs dans les hôpitaux, à Moscou et en région.

La veille, le gouvernement russe a annoncé qu’il débloquait 5 millions de roubles pour acheter des ambulances, et 33.4 milliards de roubles dans 77 régions pour créer des lits supplémentaires dans les hôpitaux. L’armée russe construit aussi depuis mi-mars 16 hôpitaux de campagne à proximité des plus grands centres urbains. Le ministère des situations exceptionnelles, qui dispose aussi de spécialistes, d’hôpitaux de campagne, de matériels etc. se prépare, lui, à n’intervenir qu’en dernier recours.

La Russie bénéficie des expériences de la Chine, de la Corée, de Singapour… et de ses spécialistes en Italie

Tant pour la prophylactique que pour l’organisation des secours ou le traitement du coronavirus, la Russie utilise avec succès les données que lui ont transmis la Chine, la Corée du Sud ou Singapour. Ce qui ne l’empêche pas de développer ses propres tests – en service dès cette semaine – pour accélérer le mouvement et pallier le manque de fiabilité des tests chinois (jusqu’à 70% de ratés).

Parmi les expériences mises en pratique, le suivi des personnes rapatriées ou qui arrivent d’Europe et des pays à risque – systématiquement testées à l’aéroport et contraintes en cas de contamination de se confiner pendant 14 jours, la recherche des contacts des malades et leur confinement – à ce jour, près de 200.000 personnes sont en confinement en Russie – ou encore des mesures de confinement fortes, notamment dans les grands centres urbains. Les frontières ont été fermées à partir du 30 mars au 1er mai, et bien avant pour les 5000 km de frontières entre la Russie et la Chine, ce qui a permis de limiter le nombre de cas à… 2 tant que l’épidémie est restée limitée à la Chine.

Comme l’ont recommandé les pays asiatiques, la Russie a aussi nettement augmenté ses capacités hospitalières, fait des stocks de matériels de protection pour les médecins, commandé des millions de masques aux chinois – après les avoir ravitaillés en février lorsqu’ils en ont manqué – demandé aux régions de constituer des stocks de vivres de première nécessité et de matériels médicaux, audité les hôpitaux, mis en marche les capacités de l’armée etc.

Les scientifiques russes, qui travaillent sur plusieurs pistes de traitement et un projet de vaccin d’ici l’automne, coopérent aussi étroitement avec les pays asiatiques. Les chinois viennent notamment de publier une étude sur les autopsies des patients morts du corona, qui montrent des lésions diverses des poumons, mais aussi une diminution du volume de la rate et dans les cas les plus graves, une nécrose des cellules du myocarde.

Ce 28 mars le ministère de la Santé russe a sorti un grand guide de recommandations aux médecins et aux hôpitaux au sujet du coronavirus. Sur 78 pages, un groupe de médecins dont les noms et les curriculum vitae figurent à la fin, appuyés sur une soixantaine d’études récentes dont les travaux du professeur Didier Raoult sur la chloroquine et l’hydroxychloroquine, détaillent les symptômes du coronavirus, les prélèvements à faire, les précautions à prendre dans les hôpitaux, les traitements à prescrire – avec la posologie et les cas d’emplois –, les durées de contamination, les procédures de désinfection etc. Nous en reparlerons.

La Russie a aussi envoyé une équipe de près de 100 spécialistes rompus aux maladies contagieuses graves (Ebola, fièvre jaune, peste noire, choléra etc.) en Italie, pays du monde le plus touché au 25 mars, avec neuf avions remplis de matériels, de tenues de protection, d’outils et de produits de désinfection, etc. Ces avions ont du passer au-dessus des Balkans, la Pologne ayant fermé son espace aérien à cette force russe. Les forces armées NBC (contre les risques nucléaires, bactériologiques et chimiques) ont expédié en Italie 20 des 2066 véhicules de désinfection dont ils disposent, 66 des 20.000 hommes actuellement en poste et 1 des 15 laboratoires dont ils disposent.

Ces spécialistes se sont déployés à Bergame, la ville la plus touchée d’Italie, et ont immédiatement commencé à désinfecter de fond en comble les 65 hôpitaux où ils sont appelés à travailler. Leurs retours en direct de l’un des pays les plus touchés – et qui compte pour l’instant le plus de morts – sont aussi précieux pour permettre aux spécialistes russes de s’organiser et éviter de commettre les erreurs faites en Italie.

Résultat, le 27 mars, l’OMS a dressé une liste de trois groupes de pays à risque, avec une croissance de la courbe des décès attendue et un pic de l’épidémie encore à venir. En tête, République Dominicaine, Belgique, Argentine, Portugal, Roumanie, Équateur, Turquie. Puis le Danemark, l’Albanie, le Mexique, le Brésil, l’Irlande, les USA, la France, l’Autriche, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Egypte, le Panama, la Pologne, la Suède. Enfin, un peu moins grave, la Tunisie, l’Inde, la Malaisie, le Canada, le Pakistan, les Pays-Bas, l’Espagne, le Bangladesh, la Hongrie, le Maroc, la Grèce, le Pérou et la Suisse. La Russie est absente de cette liste, mais aussi l’Italie et l’Iran en passe d’atteindre le pic de la courbe.

« Nous nous sommes préparés au scénario italien, mais nous pensons pouvoir l’éviter »

Nous avons joint un médecin qui travaille pour le département de la santé de la mairie de Moscou – la ville qui concentre deux tiers des cas de coronavirus en Russie actuellement. La communication sur le sujet étant très encadrée dans la loi russe, nous donnerons son témoignage sous couvert de l’anonymat.

« L’épidémie devrait atteindre son pic dans deux semaines, les mesures de quarantaine ont été prises pour éviter d’avoir un pic d’affluence dans les hôpitaux qui ferait s’effondrer le système hospitalier et limiter la propagation du coronavirus. Nous nous attendons surtout à des gens qui ont contacté avec des malades, nous avons des aéroports internationaux et il y a beaucoup de russes à l’étranger [82% des rapatriés sont déjà suivis par les services sanitaires, au 30 mars à midi]

Actuellement, nous travaillons avec les médecins, ils ont tous un dossier qui leur explique que faire des affaires des malades, les déchets – qui sont mis dans trois sacs successifs, tous désinfectés. On explique aux infirmières comment désinfecter et nettoyer les locaux… Les matériels de protection sont en nombre et sont amenés dès que le besoin s’en fait sentir. Les tenues de protection, des masques simples et des masques de protection, des gants épais ou fin, des matériels pour ioniser l’air des locaux, les liquides de désinfection…

Nous espérons en venir à bout avant l’été, mais nous nous sommes tous préparés au scénario italien. Cependant je ne pense pas qu’il pourrait se produire désormais. Quant tout commençait seulement en Italie, le pouvoir a commencé à se préparer à la même chose et à mettre des moyens et des forces énormes pour y faire face. Puis nous avons eu les retours d’expérience de la Chine et d’autres pays.

A ce jour nous n’envisageons pas de tester toute la population, mais seulement les personnes à risque, c’est à dire les personnes âgées et ceux qui arrivent de l’étranger. D’ici l’été, il y aura certainement un traitement disponible [des scientifiques russes travaillent sur plusieurs pistes, dont nous reparlerons], et d’ici la fin de l’automne, un vaccin [le centre de virusologie Vektor à Novosibirsk a commencé à tester 13 prototypes d’un vaccin qui devrait être prêt à l’automne], d’autant qu’on pense que le corona sera maintenant une maladie saisonnière, comme la grippe ». 

« L’Europe insouciante s’est délitée » 

Laissons l’hôtesse de l’air russe, actuellement en chômage technique et confinée, qui tient le canal Telegram Odinokaya Koko (t.me/odinokayakoko), conclure ce 30 mars : « 2020 a fait une mauvaise surprise à l’humanité. Surtout en Europe, au cœur de laquelle – en France, Allemagne, Italie, Espagne – il se passe quelque chose d’inimaginable. Rien que l’apparence  dramatique des capitales européennes vides en dit long. Tous les pays sont confrontés au corona et ont pris des mesures presque comme en état de siège. Mais il est évident […] que l’Europe insouciante s’est délitée.  

Les Italiens ont déjà compris qu’ils n’ont pas de système de santé en tant que tel, les Allemands, avec leur médecine et leur discipline, tiennent encore le coup, les Français, on verra. Quelque chose ne va pas chez les Européens puisqu’ils sont devenus le foyer mondial de la contamination. Quoi ? Il faut encore y répondre, mais on peut déjà constater que l’Europe devra radicalement changer sa façon de s’organiser, […] sinon à ce rythme ils finiront par devenir migrants eux-mêmes. Peut-être auraient du mieux protéger leurs valeurs, notamment chrétiennes, sur laquelle s’est construite la civilisation européenne pendant des siècles ».

Louis-Benoît Greffe

Crédit photos : DR
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